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Actualités

Un bémol, pour mémoire

Hier, ils s’étripaient, aujourd’hui, ils fument le calumet de la paix ; hier, ils s’insultaient, aujourd’hui, ils se découvrent des points communs, des qualités insoupçonnables. Ergoter là-dessus est évidemment inutile. Ce serait comme se demander, éternelle question, qui de la poule ou de l’œuf a donné naissance à l’autre… Qui a eu tort, qui a eu raison, qui s’est trompé, qui a visé juste ? Des tonnes de textes, des années-lumière d’explications, de laborieuses analyses ne suffiraient pas à départager les ex aequo de l’innommable braderie. Qu’on se le dise, qu’on le comprenne une fois pour toutes : les victoires ne sont que des défaites annoncées, et les déroutes, des vengeances minutieusement préparées. Les victimes, les innombrables victimes qui ont abreuvé de leur sang la terre martyrisée du Liban resteront, à tout jamais, les témoins de l’immense bêtise, de la criminelle inconséquence des ordonnateurs de nos tragédies. En ces journées de réjouissances, un bémol d’introduction s’imposait : pour mémoire, par décence, pour ne pas oublier que des vies ont été sacrifiées, que des familles ont été endeuillées avant que les protagonistes de l’hystérie collective ne se fassent taper sur les doigts, ne se résignent à accepter ce qu’ils refusaient quelques jours plus tôt, à plébisciter celui-là même qui était au centre de tous les tiraillements, de toutes les OPA. Difficile, bien difficile est la tâche qui attend Michel Sleimane, très miné est le chemin qu’il est tenu de prendre, celui menant au renforcement de l’État de droit, de l’État des institutions. Le gouvernement Siniora s’y était attelé, s’y était escrimé, mais n’avait, clairement, pas les moyens de sa politique. On connaît la suite et la conclusion : le coup de force du Hezbollah à Beyrouth-Ouest. Sans entrer dans des supputations prématurées parce que soumises au facteur temps, force est de constater que le général président bénéficie, dès le départ, d’une conjoncture favorable à deux niveaux : le remarquable appui arabe et international, concrétisé, hier, place de l’Étoile, et le basculement du climat régional avec l’annonce publique des négociations de paix entre Israël et la Syrie et l’entente non déclarée entre les États-Unis et l’Iran sur l’Irak. Sans nullement verser dans un cynisme déplacé, il n’est pas faux de dire que c’est la gravité même des évènements sanglants du mois de mai qui a rendu la solution possible. Aussi bien le Hezbollah que le Courant du futur, confrontés à la menace d’une « fitna » sunnito-chiite aux conséquences incalculables, ont trouvé dans la médiation du Qatar une sortie de crise honorable. Une médiation soutenue par tous les régimes arabes et l’Iran, conscients que le chaos communautaire au Liban ne pouvait que faire boule de neige et contaminer les nombreux pays de la région à populations mixtes. Une volonté unanime donc de calmer le jeu sur la scène libanaise, parallèlement aux informations sur la résurgence de la diplomatie de paix entre Israël et la Syrie, une diplomatie de nature à déteindre sur la situation au Liban-Sud, le contentieux sur les fermes de Chebaa étant automatiquement placé sur la table des négociations. Hier, à la prestation de serment au Parlement, les bons augures étaient au rendez-vous. Pour le général président, les priorités immédiates ne pouvaient être que le rétablissement de la confiance, le renforcement de la sécurité et la relance d’une économie chancelante. Les sujets qui fâchent, ceux qui portent sur l’essentiel, sur l’identité même du pays, s’imposeront à bref délai. C’est là où le successeur d’Émile Lahoud aura à prouver qu’il n’est pas un simple duplicata, mais le président chrétien avec lequel il faut compter, arbitre, mais aussi homme de décision. Au final, l’État de droit ne saurait nullement composer avec les milices, quelles qu’elles soient, et ne saurait tolérer les atteintes à sa souveraineté. C’est à lui qu’échoit naturellement le monopole de l’armement, c’est à lui que revient, tout aussi naturellement, la décision de guerre ou de paix. Dans son excellent discours d’investiture, le nouveau président n’a nullement éludé ces questions. Concernant la Résistance, à laquelle il a rendu hommage, il a insisté sur une politique défensive qui serait mise en place en coordination avec l’État, toute utilisation des armes sur la scène interne étant rigoureusement prohibée. Relations équilibrées avec la Syrie, mais relations diplomatiques aussi, le président a affiché la couleur : souveraineté avant tout et respect des résolutions internationales, dont celle portant création du tribunal international. Walid Moallem, présent dans l’hémicycle, n’a pas eu l’air d’apprécier… Réjouissons-nous, donc, aujourd’hui : une ère s’achève, faite de malheurs et de frustrations, une autre s’ouvre, faite d’espoirs et de confiance en l’homme du consensus. Celui-là même qui veillera, dans un an exactement, au bon déroulement du scrutin législatif qui déterminera l’avenir du pays. Entre-temps, le bémol restera d’usage : pour mémoire, par décence, pour tous ceux qui sont morts et qui ne sauront jamais pour quelle cause ils ont été sacrifiés. L’État de droit réussira-t-il, un jour, à leur rendre justice ? La réponse se trouve chez Michel Sleimane.
Hier, ils s’étripaient, aujourd’hui, ils fument le calumet de la paix ; hier, ils s’insultaient, aujourd’hui, ils se découvrent des points communs, des qualités insoupçonnables. Ergoter là-dessus est évidemment inutile. Ce serait comme se demander, éternelle question, qui de la poule ou de l’œuf a donné naissance à l’autre…
Qui a eu tort, qui a eu raison, qui s’est...