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Actualités - OPINION

LA SITUATION Beyrouth sombre dans la violence, le compromis politique semble prématuré

Sonnés. Les Libanais se sont réveillés sonnés, incrédules et impuissants. Spectateurs de leur propre drame, un drame pourtant tellement prévisible et si bien concocté par les imprudences des uns et les appétits destructeurs des autres que sa manifestation concrète n’était plus en fait qu’une simple question de temps. Comment synthétiser une nuit d’horreur ? Comment, surtout, « majorité » et « opposition » comptent-elles se justifier devant la majorité silencieuse et pacifique des Libanais ? Pourquoi l’accord politique n’a pas été possible ? Les responsables des deux bords ont-ils réellement et en toute conscience, épuisé toutes les voies qui auraient permis d’aboutir à un compromis acceptable par tous les acteurs politiques de ce pays ? À toutes ces questions, les politiques devront incontestablement répondre un jour, mais pour l’heure, l’urgence est de mettre un terme, s’il est encore possible, à la spirale de violence déclenchée le 7 mai. « Nous ne menons pas un coup d’État », a déclaré sous le sceau de l’anonymat un responsable de l’opposition. « Tout cela est lié aux décisions du gouvernement » d’enquêter sur le réseau de communication du Hezbollah et de limoger le chef de la sécurité de l’aéroport Wafiq Choucair. « Nous sommes en train de proposer un partenariat (...) et eux veulent monopoliser le pouvoir et limiter notre participation » à la prise de décision, a-t-il ajouté. Mais la majorité ne semble pas partager cette manière de voir les choses, puisqu’elle a martelé, tout au long de la journée d’hier, que le Hezbollah avait tout simplement retourné contre les Libanais des armes en principe destinées à lutter contre Israël. « Le Hezbollah a utilisé ses armes pour mener un coup d’État. Il a dit que ses armes étaient pour la résistance, mais il a clairement montré que c’était pour mener un coup d’État », a déclaré l’ancien président de la République Amine Gemayel depuis Paris. Lors de sa dernière apparition télévisée, le secrétaire général du Hezbollah avait pourtant affirmé qu’il n’y aurait pas de coup d’État et que tel n’était pas l’objectif recherché par son parti. Bien sûr, l’opposition justifie les incidents de ces deux derniers jours par les décisions du gouvernement de démanteler le réseau de télécommunications du parti de Dieu et de muter Wafiq Choucair, qu’il estime proche du mouvement chiite. Le but du parti est donc de pousser le gouvernement à revenir sur ses décisions, mais le ministre de la Jeunesse et des Sports, Ahmad Fatfat, a prévenu : « Il est plus facile au gouvernement de démissionner que de revenir sur ses décisions. » « Pas question de démissionner » Dans l’après-midi d’hier, les combats ont relativement cessé à Beyrouth, peut-être pour céder la place aux contacts internes et régionaux : « Il n’y a plus d’affrontements car personne ne fait face aux combattants de l’opposition », a déclaré un responsable de la sécurité libanaise sous le couvert de l’anonymat. Dans un entretien télévisé, l’ancien ministre Sleimane Frangié a proposé la proclamation de l’État d’urgence, ce qui permettrait pratiquement au commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, de prendre les rênes du pays sans avoir été élu par le Parlement. Pour l’heure, la majorité semble opposée à cette proposition un refus catégorique puisque le ministre des Télécommunications Marwan Hamadé a affirmé à L’Orient-Le Jour qu’il n’était « pas question de démission, on tient bon, et nous ne reviendrons pas sur nos décisions ». De plus, dans son communiqué, l’alliance du 14 Mars a non seulement réitéré son appui au gouvernement de Fouad Siniora, mais appelé également l’institution militaire à assumer ses responsabilités et le rôle qui lui incombe. Dans le même temps, et sur le plan régional, la journée d’hier a été émaillée par des concertations arabes urgentes, comme l’a relevé notre correspondant au palais Bustros, Khalil Fleyhane. Pour les puissances régionales, le Sérail reste une « ligne rouge » et il est hors de question de permettre qu’il soit pris d’assaut. Toutefois, et concernant le communiqué qui sera publié, certains pays arabes rechignent à utiliser le mot « condamnation », mais insistent sur le fait qu’il est important de respecter et d’exécuter l’initiative arabe, car elle est perçue comme la seule solution qui s’offre aujourd’hui aux Libanais. Beyrouth est donc « tombée » aux mains de l’ « opposition », c’est désormais un fait ; cela signifie-t-il que les combats de rue sont terminés ? Beyrouth était-elle le seul but ? Les heurts ne pourront-ils pas éclater ailleurs, comme à Tripoli par exemple, comme l’a souligné le député de cette ville, Misbah Ahdab ? Pour dire « non » à l’engrenage, non au déjà-vu, l’association Offre-Joie organise aujourd’hui à 16h, sur le parvis du musée, une manifestation en présence de chefs spirituels représentant l’ensemble des communautés religieuses. L’un des responsables d’Offre-Joie, Melhem Khalaf, a ainsi affirmé à L’Orient- Le Jour que « lorsque les choses vont trop loin, il faut être modeste et le reconnaître. Notre mouvement demain (aujourd’hui) vise à dire que ce qui se passe n’est pas normal, et qu’il ne faut à aucun moment croire que la violence est acceptable. Ce qui se passe est inacceptable et nous avons promis, surtout depuis le 13 avril dernier, d’être toujours aux côtés de la société civile ». Certes, le symbolisme d’une telle action est indéniable. Mais les politiques de ce pays ne sont-ils pas passés, le 7 mai, à un stade supérieur, en l’occurrence celui de la violence aveugle qui neutralise toute disposition à écouter l’autre, à le respecter, à dialoguer avec lui ? Lélia MEZHER
Sonnés. Les Libanais se sont réveillés sonnés, incrédules et impuissants. Spectateurs de leur propre drame, un drame pourtant tellement prévisible et si bien concocté par les imprudences des uns et les appétits destructeurs des autres que sa manifestation concrète n’était plus en fait qu’une simple question de temps. Comment synthétiser une nuit d’horreur ? Comment,...