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Actualités - CHRONOLOGIE

EN LIBRAIRIE - «Nadim, un Liban généreux» conte l’épopée d’al-Kafaàt Construire et réunir, une devise pour Raïf Shwayri

Entre documentaire et fiction, réalité et romanesque, Raïf Shwayri, directeur général de la fondation al-Kafaàt, présente dans son ouvrage, «?Nadim, un Liban généreux?», l’autre face de ce pays, tombé par hasard sur l’échiquier d’une politique internationale cruelle. À travers les joies, les peines et les pérégrinations d’hommes et de femmes qui ont vécu les déchirures de leur terre d’origine, l’auteur retrace l’histoire sanglante de deux populations, libanaise et palestinienne, qui ont vu un jour leurs chemins se croiser et leurs destins s’unir dans le sang. «?Nadim, un Liban généreux?» donne la parole à ceux qui étaient déterminés à bâtir malgré la guerre et à aimer en dépit de la haine. Un véritable acte de foi et d’espoir envers le genre humain. L’histoire commence lorsque Nadim, jeune anthropologue d’origine libanaise installé en Angleterre, est un jour rattrapé par son passé. Une lettre écrite en braille l’appelle au chevet de sa maman, atteinte de la maladie d’Alzheimer et résidant encore au Liban. Aussitôt, la mécanique de la mémoire se met en branle. Nadim, dont la mère l’avait un jour abandonné, n’a nulle envie de retourner dans ce pays qui lui rappelle trop de souvenirs douloureux. Seul un personnage le relie à cette terre qu’il a un jour désavouée : Charlie. Cet homme, atteint de cécité depuis son enfance et destinataire de la lettre, est le personnage central sur lequel va s’articuler le récit et autour duquel pivotent les événements et des caractères hauts en couleur. Nadim, un Liban généreux n’est pas un simple roman car, à travers la vie de ses personnages, on assiste, d’une part, aux grands changements politiques d’une région et, d’autre part, à la fondation de cet organisme, al-Kafaàt, qui allait, au fil du temps, au moyen de divers programmes, réunir toutes ces personnes sous un même toit, contribuer à leur réinsertion et leur fournir des emplois. Avec des incursions historiques dans la narration, à l’image de fenêtres entrouvertes sur le passé, baptisées par l’auteur «?Carrés d’histoire?», Shwayri s’érige en narrateur et réalise quelques éclairages. «?Lorsque je me suis décidé à écrire ce docu-fiction, affirme-il, c’était d’abord pour raconter l’épopée de cette fondation (qui fêtait ses cinquante berges) au-delà des murs et des atrocités?; son vécu et son long combat (muet) malgré les seize destructions et les neuf reconstructions. Il me fallait témoigner de cette volonté, de cette rage de vivre et de construire qui s’opposaient à la déferlante de la haine.?» «?Par l’écriture, poursuit l’auteur, je retrouvais une façon de résister, d’être le porte-parole d’une partie de la population prise en tenailles par des décideurs mus par le vouloir aveugle.?» Vision d’un autre Liban L’action démarre en Palestine, après la décision onusienne de démembrer la région pour accorder une partie de la terre à l’État juif. Shwayri suit pas à pas le parcours du petit Charlie, dont la vie sera un jour bouleversée pour se retrouver un jour au Liban. Là, il va faire la rencontre d’un certain Monsieur Nadim qui venait de fonder une maison qui non seulement accueillait les handicapés et les nécessiteux, mais les encourageait également au travail. La devise du fondateur?? «?Il fallait laisser son handicap à la porte et enfiler la blouse de la compétence.?» Pour cet homme qui se sentait investi d’une mission spirituelle et pour qui la prière signifiait action, tous les hommes étaient des handicapés (à des degrés différents), mais tous au même degré par rapport au Tout-Puissant. C’est de cette vision humanitaire au sens large qu’allait découler la volonté de Monsieur Nadim de regrouper, toutes communautés confondues, des personnes qui entendaient le suivre et l’aider dans son combat. «?Servir Dieu en servant l’homme.?» C’est ce slogan qui allait regrouper des hommes de foi tels Grégoire Haddad, l’abbé Pierre ou même, encore à l’époque, l’imam Moussa Sadr. Tout comme la maison d’édition, Les 2 Encres, qui publie cet ouvrage et qui est connue pour son militantisme, Raïf Shwayri fait lui aussi acte de contestation. Loin du documentaire sec et sans âme, il livre un témoignage vibrant en rendant hommage à tous ces hommes d’action qui se sont joints à Monsieur Nadim (en l’occurrence son père) et ont persévéré dans l’acte social malgré les guerres qui sévissaient dans ce Moyen-Orient déchiré. Charlie, Wajdi, Hana, Mémé Chocolat, ou encore l’oncle Bob, Adèle, Siranouch sont autant de personnages qui ont signé un engagement écrit de leurs mains lorsque les armes proliféraient de tous bords?; en silence, alors que les chahuts des combattants rendaient tout dialogue inutile. Ils représentent ce Libanais ou ce Palestinien lambda qui, jusqu’à nos jours, est pris dans la tourmente sans parvenir à élever sa voix. «?La voix de ce livre, elle, s’élève au-dessus des petits dialogues de sourds. Il n’y a pas un seul Liban généreux, souligne Raïf Shwayri, mais plusieurs. Il suffit de tendre l’oreille.?» À la fois spectateur et acteur, éliminant le moi pour le substituer au soi, l’auteur, qui a mûri son projet durant des années, s’est documenté et a recueilli des témoignages de tous bords et réussi à instaurer dans son roman fiction une ouverture à l’autre et tendre une passerelle que tous les esprits de bonne foi pourraient emprunter. En baptisant al-Kafaàt durant la guerre du nom de «?Maabar?» (passage) n’avait-on pas déjà donné à cette fondation son rôle (prémonitoire) de phare?? Colette KHALAF
Entre documentaire et fiction, réalité et romanesque, Raïf Shwayri, directeur général de la fondation al-Kafaàt, présente dans son ouvrage, «?Nadim, un Liban généreux?», l’autre face de ce pays, tombé par hasard sur l’échiquier d’une politique internationale cruelle. À travers les joies, les peines et les pérégrinations d’hommes et de femmes qui ont vécu les...