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Actualités - OPINION

IMPRESSION Passion

J’ai longtemps cru que ce mot ne désignait qu’une forme incandescente de l’amour. Jusqu’à ce que l’histoire de Jésus vienne y apposer son contrepoint tragique. Passion, pathos, une souffrance, une maladie dont on meurt forcément. On commence par mourir à soi-même, et puis on meurt tout court, inscrivant dans l’éternité l’amour et son objet dont la précarité nous désole. Pour les chrétiens, Jésus est Dieu fait homme. Il ressuscite. Sa douleur est épouvantable sous la torture, mais sa mort est une fausse sortie. Mourir par amour n’est pas mourir. En cette veille de Pâques, ma pensée va aux hommes et aux femmes qui ont accepté librement le terrible tribut de leur engagement, à tous ces résistants, ces témoins, ces martyrs, figures lumineuses de l’histoire, qui, sans causer une égratignure, ont représenté un tel danger pour les tyrans qu’il leur fallut les abattre. Plus près de nous, dans un Liban en déliquescence, je pense particulièrement à ces hérauts-héros, à Samir, à Gebran, à ceux, parmi leurs pairs, qui n’ont jamais fait de mal à une mouche, qui ont seulement écrit et parlé. Je songe à leurs paroles, à cette étrange relation entre le verbe et la chair. On croit faire taire les mots en brisant le corps qui les contient et les transporte. On croit effacer les noms en gommant les visages. On croit réduire au silence le peuple dont ils furent les porte-voix. Mais la passion demeure. Comme toute passion, celle de la liberté connaît le doute, l’usure et la lassitude. Rien n’aura été épargné au Printemps de Beyrouth, ni les menaces, ni les assassinats, ni la diabolisation d’une cause pourtant légitime, ni la perversion de l’idéal en un libéralisme opportuniste. Ils sont morts pourtant, ceux qui y crurent. Ils eurent leurs Judas. Nous demeurons leur Simon de Cyrène, cette figure émouvante et discrète d’un homme qui ne fut ni un croyant ni un apôtre, mais qui porta la croix pour aider. La passion demeure, hors de notre portée. Elle attend son heure dans cette éternité du verbe où ils l’ont scellée. Il nous reste la com-passion, le lot des coporteurs, des compagnons de hasard et de bout-de-chemin. En ferons-nous d’autres aurores, d’autres matins de Pâques ? Fifi ABOU DIB
J’ai longtemps cru que ce mot ne désignait qu’une forme incandescente de l’amour. Jusqu’à ce que l’histoire de Jésus vienne y apposer son contrepoint tragique. Passion, pathos, une souffrance, une maladie dont on meurt forcément. On commence par mourir à soi-même, et puis on meurt tout court, inscrivant dans l’éternité l’amour et son objet dont la précarité nous...