Choisir le cèdre

Saint Joseph School, classe de terminale LSA. C’est la dernière période de la journée. Les élèves ont un cours de français. Pour les motiver, le professeur commence son cours en demandant à chacun de dessiner un arbre. Cinq minutes plus tard, suit un échange sur la personnalité et les rêves de chacun. Le lendemain matin, une élève, Nathalie Hobeika, vient trouver son prof avec ce texte témoignage. «Aujourd’hui, je viens de découvrir quelque chose d’hyperimportant. Je viens de trouver les réponses à mes mille et une questions. Je viens de résoudre une équation compliquée et de mettre les pièces du puzzle chacune à sa place. Vous vous demandez comment faire tout ça en un jour ? Qu’est-ce que vous feriez si je vous disais que ça a pris moins d’une seconde ? Notre maîtresse entre en classe et nous demande de dessiner un arbre. Moi je dessine deux arbres, le premier ordinaire, qui ressemble à celui qu’on dessinait à l’âge de six ans ; le deuxième est un arbre exceptionnel, un cèdre que je n’arrive pas à finir. Je regarde les deux arbres. Lequel présenter ? Pour une raison inconnue, je présente le premier, qui me situe dans la catégorie des gens calmes, des gens qui se suffisent de vivre avec dignité, de réussir dans un cadre déjà tracé et presque facile. Alors que j’aurais pu être de ceux qui, à partir de leur dessin, s’intéressent à la vie humaine et politique et qui voudraient changer le monde ! Avoir dessiné les deux arbres doit signifier quelque chose. Je ne peux pas être une de ces personnes “ sans rêves ”, car tout simplement je ne suis pas de cette catégorie. Tout au fond de moi, j’entends les voix qui me poussent à réagir contre le malheur et l’injustice. Tout au fond de moi se réveillent à chaque instant des rêves plus grands que moi. Alors, pourquoi ai-je présenté le premier dessin ? Ça fait longtemps que je me sens perdue. J’ai beaucoup à faire, beaucoup de plans, des projets à accomplir mais, en même temps, je dois mener une vie stable, une vie qui ne serait pas pleine de larmes, une vie comme celle que mes parents me souhaitent. Aujourd’hui, la vie m’a préparé un examen “ de destin ”. Quelle route choisir ? La facile ou la dure ? Je regarde autour de moi ; je plonge au fond de moi. Deux mondes différents me tirent. Deux voix m’appellent. Des guerres éclatent et je me sens au milieu d’une bataille. Il y a beaucoup de bruit. Une des voix semble disparaître progressivement. Et soudain, plus rien. Tout est clair devant mes yeux. J’ai finalement choisi ma route. Je me trouve, inconsciemment et d’une voix très basse qui semble venir de mon cœur, en train de chanter l’hymne national ! » Nathalie HOBEIKA