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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE À Nakuru, conflits ethniques et fonciers s’imposent à la rancœur électorale

« Tout ça n’a plus rien à voir avec les élections : Raila et Kibaki se sont serré la main et la violence continue », s’insurge un habitant de Nakuru, dans la vallée du Rift (ouest du Kenya), où conflits ethniques et fonciers ont pris le pas sur les rancœurs électorales. Une colonne de fumée monte des dizaines de maisons incendiées par des inconnus dans le bidonville de Kaptembwa, où vit Peter, la cinquantaine. Entouré de jeunes armés de machettes aux mines angoissées par une nuit agitée, il livre sa vision terre-à-terre des affrontements : « Ce sont des violences préarrangées ; des gens, jaloux de la réussite d’autres, utilisent la crise politique pour détruire et piller. » L’annonce le 30 décembre de la victoire du président kényan Mwai Kibaki a été suivie de violences politico-ethniques ayant fait près de 800 morts. La province de la vallée du Rift est devenu l’épicentre des heurts où les assaillants – en majorité Kalenjins accusant les autres ethnies d’avoir volé leur « terre ancestrale » – terrorisent les autres communautés, entraînant des représailles sanglantes. Des milliers de familles kikuyus, l’ethnie de Kibaki, ou luyas ont été obligées de fuir ces derniers jours après que leurs maisons eurent été incendiées, leurs voisins tués à la machette, ou leurs récoltes pillées. « Les jeunes Kalenjins brûlent pour montrer leur insatisfaction des résultats de l’élection : ils voulaient le changement. Bien sûr, cela a révélé la haine entre Kikuyus et Kalenjins, mais si la crise politique est résolue, le calme reviendra », assure à l’AFP un étudiant kalenjin sous le couvert de l’anonymat, à l’instar de la majorité des Kalenjins interrogés. Mais des observateurs relèvent que la contestation par l’opposant Raila Odinga de la réélection de M. Kibaki est devenue un prétexte pour régler des différends plus anciens, qui font craindre une prolongation des heurts. La région a déjà été frappée plusieurs fois par des violences ethniques et foncières, notamment en 1992 et 1994, en 2003 et en 2005. Après son accession au pouvoir en 2002, « Kibaki n’a rien fait pour régler la question du partage de la terre (...), comme les précédents gouvernements », dénonce Keffa Magenyi, membre du Conseil national des Églises du Kenya. En 2005, lors de la campagne pour le référendum sur la réforme de la Constitution, « tout a pris un tour ethnique ; l’opposition a fait campagne contre les Kikuyus en affirmant qu’ils étaient favorisés par le gouvernement », attisant les frustrations ethniques, poursuit M. Magenyi. « Le principal problème n’est pas la politique, mais la terre ; tout le monde se bat pour en acquérir, notamment les jeunes qui sont en majorité chômeurs », dans un pays très inégalitaire où plus de 50 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, dit-il. Leah, grand-mère kikuyu de 78 ans, vit à ciel ouvert au milieu des meubles de voisins après l’incendie de sa maison mercredi à Jogoo (60 km au nord de Nakuru). « C’est pire que lorsque j’ai été déplacée en 1992 », murmure-t-elle, relayant le sentiment de nombreuses victimes. De son côté, Ernest Murimi, secrétaire de l’organisation catholique Paix et Justice, estime que les violences de 1992 « ont été pires, mais maîtrisables au bout de quelques mois ». « Aujourd’hui, les chefs coutumiers ne contrôlent plus ces jeunes qui s’organisent en milices et la situation empire », souligne-t-il. Selon Keffa Magenyi, « la situation devient hors de contrôle ; pour éviter une dégradation, il faut contenir les “chefs de guerre” tribaux », en référence à des politiciens accusés d’enflammer les violences en payant et armant des jeunes désœuvrés. Lucie PEYTERMANN (AFP)
« Tout ça n’a plus rien à voir avec les élections : Raila et Kibaki se sont serré la main et la violence continue », s’insurge un habitant de Nakuru, dans la vallée du Rift (ouest du Kenya), où conflits ethniques et fonciers ont pris le pas sur les rancœurs électorales.
Une colonne de fumée monte des dizaines de maisons incendiées par des inconnus dans le bidonville...