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Actualités - OPINION

Diversité et démocratie

Les concepts de démocratie et de diversité se recoupent, mais ne se confondent pas. La démocratie s’effectue au sein d’un groupe ayant une même identité culturelle et se traduit par un pluralisme de partis politiques et une possibilité d’alternance au pouvoir suite à des élections libres. Ainsi la démocratie opère au sein d’une même entité qu’on l’appelle communauté ou nation. La diversité, c’est la reconnaissance d’un pluralisme culturel au sein d’une entité, c’est ce qu’on appelle des minorités culturelles qu’elles soient religieuses, raciales, linguistiques ou sexuelles. Ici, il s’agit de minorités structurantes et structurées quasi définitives et non de partis politiques alternatifs et mouvants. Ces minorités touchent l’identité (donc un processus d’identification) et non une conjoncture politique. D’ailleurs, la reconnaissance de ces minorités culturelles donne lieu inéluctablement à des revendications politiques. Les droits culturels ont besoin pour continuer à s’exercer d’une reconnaissance politique. Cela peut remettre en question l’identité nationale ou communautaire (infranationale ou transnationale). La mondialisation, le développement des moyens de communication et les flux migratoires remettent en question la notion de frontière. Comment pouvoir distinguer le monde intérieur du monde extérieur s’il y a une interaction systématique entre les deux ? L’identité sert à définir les limites d’un espace symbolique et psychologique qui pourrait ne pas correspondre à l’espace matériel. L’identité culturelle est définie par Hérodote par « la langue, le sang, les sacrifices et les sanctuaires communs et les mêmes mœurs ». Dans chaque entité, il y a une négociation de ces quatre paramètres. Parfois les facteurs démographiques peuvent augmenter le poids des minorités et bien sûr du coup leurs revendications politiques, car elles proposent des modèles identitaires différents. Les paramètres identitaires sont incontournables pour structurer les groupes, mais en même temps ils définissent des territoires et donc des possibilités de conflits. En créant une ouverture parallèle à celle effectuée à gauche, aux minorités visibles à travers trois femmes, Rachida Dati, Rama Yade et Fadela Amara, le président Sarkozy a essayé de reconnaître ces minorités à travers des profils parallèles de personnes elles-mêmes minoritaires dans leur groupe, mais qui disposent d’une certaine marge d’action. Les personnes de Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, en France, et Barack Obama et Hillary Clinton, aux Etats-Unis, sont porteurs de ce message de diversité. Le président Sarkozy, de par ses origines (fils d’un immigré hongrois, Pal Sarkozy de Nagy Bocsa, et petit-fils d’un juif de Smyrne converti au catholicisme, Benedict Mallah) et ses choix de compagnes de vie, Cecilia Ciganer (petite-fille d’Albeniz, d’origine espagnole) et Carla Bruni Tedeschi (d’origine italienne), fait également partie de cette diversité, mais force est de reconnaître que ces minorités ne sont plus conflictuelles, puisqu’elles ont adhéré au modèle culturel dominant aujourd’hui en Occident. Toute la question est donc d’éviter le conflit au sein de la diversité entre les groupes qui composent une même entité (ainsi, si l’épouse du président français avait été allemande au cœur de la Deuxième Guerre mondiale, ou soviétique durant la guerre froide ou anglaise durant la guerre de Cent Ans ou protestante durant les guerres de religion en France et catholique en Angleterre, elle aurait entraîné une suspicion et un rejet). Il s’agit donc de pouvoir accepter cette diversité de manière non conflictuelle et puis de pouvoir l’intégrer à l’ensemble par un processus d’identification pour permettre dans un second temps la dynamique démocratique. Si le conflit à la base n’a pas été résolu entre les groupes, l’opération démocratique est impossible. Il faudrait avoir au préalable désamorcé la possibilité de conflit, dépassé certains préjugés et intériorisé le pluralisme culturel comme un élément structurant d’enrichissement et non de discrimination. L’acceptation intériorisée de la diversité partagée et commune est préalable dans les sociétés pluriculturelles à tout processus démocratique. La mise en commun de certains paramètres identitaires peut compenser les éléments de divergence. Cette démarche de compensation ne peut émerger et aboutir que si les sous-groupes composant une entité trouvent des bienfaits à vivre ensemble et à mettre en échange et en partage leurs valeurs culturelles. C’est un processus de construction et d’intériorisation qui peut parfois se greffer sur des expériences préalables conflictuelles traumatiques qu’il faudrait surmonter, surtout à l’heure de la mondialisation où les conflits deviennent de plus en plus transnationaux (conquêtes religieuses, croisades, guerres coloniales, génocides, massacres). En résumé, il s’agit d’identifier cette diversité à travers des paramètres identitaires structurants constants et puis l’intérioriser au sein d’un pluralisme culturel partagé compensé et consenti, vécu comme un enrichissement idéalisé et non comme une menace potentielle. L’identité touchant l’affectif, il en va des groupes comme des individus au sein d’une relation. Si le rapport est un rapport de domination, il dégénère inéluctablement en conflit, si c’est un rapport de compréhension et d’identification mutuelle, il peut générer une synergie positive. Si la prétention démocratique numérique intervient avant l’intériorisation positive de cette diversité, elle ne peut aboutir qu’à un rapport de force et à une violence car, plutôt que de favoriser une égalité et une alternance au pouvoir, elle débouche sur un coup de force, un renversement et une usurpation du pouvoir. Le processus démocratique ne peut intervenir dans une société qui n’a pas encore résolu de façon pacifique son conflit identitaire. L’idée d’élire un président au Liban au suffrage universel ou à la majorité parlementaire simple est une aberration et une tentative de dictature dans un pays qui n’a pas encore résolu ses conflits identitaires communautaires. Intérioriser le pluralisme culturel religieux est une condition préalable à tout processus démocratique. L’apport culturel des communautés doit se refondre pour fonder une identité culturelle nationale. Si le processus politique est préalable à cette intériorisation, il entrave et compromet l’émergence d’une identité nationale fédératrice et unificatrice. La crise de confiance entre les Libanais et le dysfonctionnement de leur système politique ne sont pas conjoncturels, mais structurels. Ils prouvent que le processus d’identification entre les Libanais n’a pas été défini, n’a pas abouti, ni été surtout intériorisé comme un partage et une mise en commun, mais comme la poursuite de projets communautaires parallèles et potentiellement conflictuels. Bahjat RIZK
Les concepts de démocratie et de diversité se recoupent, mais ne se confondent pas. La démocratie s’effectue au sein d’un groupe ayant une même identité culturelle et se traduit par un pluralisme de partis politiques et une possibilité d’alternance au pouvoir suite à des élections libres. Ainsi la démocratie opère au sein d’une même entité qu’on l’appelle...