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Actualités - CHRONOLOGIE

VIOLENCE JUVÉNILE - Les mafieux juniors, un phénomène nouveau au Liban Quand des enfants « de la haute » se comportent en délinquants

Qu’est-ce qui pousse les adolescents issus de la haute bourgeoisie à la violence gratuite ? Qu’est-ce qui entraîne les fils de « bonne famille », réunis en bandes qu’ils baptisent « outlaws », à agresser violemment leurs camarades sans raison jusqu’à les ensanglanter, à commettre des actes répréhensibles par la justice, comme des infractions, des actes de vandalisme ou des enlèvements, à récidiver même, sous différentes formes, à se considérer au-dessus de la loi, car protégés par des parents puissants, socialement, financièrement, politiquement ? Tout simplement, l’impunité et le manque de sanctions à l’égard de ces jeunes qui n’ont pas de limites, car leurs parents n’ont jamais su leur en poser. Car leurs écoles ferment les yeux sur leurs agissements et la justice n’en finit pas de passer l’éponge sur les délits qu’ils commettent, voire de les étouffer, banalisant des actes qui pourraient avoir de graves conséquences, taisant à la presse ce qui devrait, au contraire, être dénoncé au grand jour. Tout devient alors permis, à commencer par prendre et conduire la voiture de papa ou maman, à 15, 16 ou 17 ans, puis entraîner la bande de copains dans des virées diurnes ou nocturnes, pour aller faire les quatre cents coups, aller boire un bon coup (d’alcool bien sûr), fumer un joint ou se doper à l’ecstasy. Et puis il s’agit de faire la peau aux autres, à ceux qui les dérangent, qui leur tiennent tête, ou tout simplement à ceux dont la tête ne leur revient pas. De simples bagarres sans conséquences entre adolescents ou même de simples antipathies se transforment alors en agressions préméditées, soigneusement organisées, et les bandes de copains prennent la forme de gangs hors la loi qui font régner la terreur dans les stations de ski, les soirées d’adolescents, les cours de récréation et même dans certaines boîtes de nuit où on leur ouvre grand la porte malgré leur jeune âge. Les exemples se multiplient depuis l’été et alimentent les ragots des salons. Mais au niveau des autorités, personne pour mettre en garde, prendre des mesures, protéger ces jeunes contre eux-mêmes ou contre des parents trop laxistes, ni même pour protéger les victimes de leurs actes. Longtemps, l’histoire d’un jeune, enlevé l’été dernier dans une station de ski par un groupe d’adolescents aidés du chauffeur de l’un d’entre eux, ligoté dans le coffre d’une voiture, déshabillé et attaché à la croix d’un sommet, a défrayé la chronique. Mais aucune sanction n’a jamais été prise contre la bande qui a commis le délit, ni même contre le chauffeur. L’affaire a été camouflée et tue à la presse, alors que les familles se sont arrangées entre elles pour parvenir à une solution à l’amiable. Les agresseurs sont restés impunis. Rien n’empêchera certains d’entre eux, notamment l’instigateur de l’opération, de recommencer, sous une autre forme cette fois, et d’organiser une véritable expédition contre un de leurs camarades de classe, sans raison apparente. Histoire d’une agression Cela s’est passé quelques jours avant Noël, le jeudi 20 décembre plus exactement. Un groupe de huit adolescents, profitant du premier jour de congé scolaire, passaient ensemble la soirée dans un chalet loué par les parents de l’un d’eux, à Faraya. Un membre du groupe reçoit un coup de fil d’un camarade, lui demandant où il se trouve. Appel apparemment anodin, mais qui confirmera le caractère prémédité de ce qui va suivre. Un laps de temps plus tard, la porte sonne et deux adolescents demandent à la ronde si les parents sont présents. Réponse négative de ceux qui ouvrent la porte, à mille lieues de se douter de l’intention des arrivants qu’ils connaissent. Sans crier gare, un groupe d’une douzaine d’adolescents, tous mineurs, dont le fils d’un ancien ministre, arrivés dans trois voitures conduites par trois d’entre eux, font irruption dans le chalet, demandant où se trouve celui qu’ils ont contacté par téléphone dont nous tairons le nom, par souci de discrétion. (Nous saurons plus tard qu’ils étaient quatorze au total, mais que deux ou trois d’entre eux sont restés en voiture). Huit jeunes rejoignent aussitôt l’adolescent qu’ils recherchent, l’encerclent et commencent à le rouer de coups, tandis que le reste du groupe, dont l’instigateur, observe la scène. L’un d’entre eux utilisera même une batte de baseball. La victime, prise de court, est incapable de se défendre malgré sa ceinture noire en taekwondo. Tout juste âgé de 16 ans et plutôt menu de constitution, l’adolescent tente de s’échapper dans le salon, mais il est aussitôt rattrapé et rossé de coups à la tête, au dos et aux jambes. Parmi les membres du groupe qui passait la soirée au chalet, tous se cachent effrayés, sauf un seul qui, prenant son courage à deux mains, tente de défendre son camarade et de calmer les assaillants, des copains de classe pour certains, des connaissances pour d’autres, tous élèves d’écoles huppées du pays. Mais les agresseurs sont trop nombreux et trop acharnés. Ils prennent également le défenseur pour cible. L’un d’entre eux s’arme même d’un vase qu’il brise sur la tête de l’ami, avant de le jeter par terre et de le rouer de coups de pied à la tête et au visage, lui ouvrant carrément la paupière. Le salon du chalet ressemble à un véritable champ de bataille : fauteuils renversés, objets cassés par terre… La scène n’aura duré que quelques minutes. Les deux victimes sont abandonnées par terre, choquées. Le premier est ensanglanté, la paupière fendue. Le second est littéralement sonné, le corps tout meurtri de contusions, notamment à la tête, au dos et au genou. Les agresseurs prennent la fuite, tout en lançant à leurs victimes quelque chose comme, « la prochaine fois, ce sera à coup de fusil de chasse ! ». Aussitôt après avoir repris ses esprits, une des victimes contacte la Défense civile dont les volontaires arrivent rapidement et conseillent aux deux jeunes agressés de se rendre sur-le-champ aux urgences où leurs parents les rejoignent. La paupière de l’un est aussitôt suturée tandis que les deux adolescents reçoivent les soins nécessaires. Le lendemain, un médecin légiste examine soigneusement les deux jeunes gens, prend note des contusions et blessures qui leur couvrent la tête, le dos et les jambes. Il conseille aux familles de garder leurs fils sous observation pendant une bonne semaine. La justice suit son cours malgré les pressions Aujourd’hui, l’affaire est entre les mains de la justice, les familles des deux victimes, ainsi que les locataires du chalet ayant porté plainte contre X. Et ce, pour permettre à l’enquête de déterminer les responsabilités. Au total, une vingtaine de personnes ont été entendues dont tous les jeunes agresseurs, sans exception. Les deux adolescents battus vont nettement mieux, les médecins attendent cependant d’effectuer de nouveaux examens d’ici à dix jours, avant de se prononcer sur l’état de l’œil de l’une des victimes. Mais les pressions pleuvent, tant sur les trois familles pour qu’elles fléchissent et acceptent la conciliation, que sur la presse, à laquelle on demande, par personnes interposées, de ne pas ébruiter l’affaire. La justice suit toutefois son cours. Vu la gravité de l’affaire, le dossier a été directement porté devant le procureur de la République, le juge Saïd Mirza. Ce dernier a transféré le dossier pour investigation devant la police criminelle judiciaire. À l’issue des interrogatoires, le procureur général pourrait clore le dossier s’il n’existe pas de preuves ou alors demander au parquet du Mont-Liban (en raison du lieu où s’est déroulée l’agression) de mettre en exercice une action publique, selon la nature de l’acte (délit ou crime). Ce sera alors au tour du juge unique pour mineurs en cas de délit, ou du tribunal pour mineurs en cas de crime, d’établir les mesures ou les peines à adopter à l’égard des agresseurs. Le tribunal devrait aussi s’assurer que les mineurs n’ont pas été aidés dans leur « expédition » par des adultes, notamment un chauffeur, un gardien ou autre. Les familles qui ont porté plainte iront-elles jusqu’au bout ? Cela est souhaitable, pour le bien des victimes et des agresseurs. Car il est important que de tels actes ne se répètent plus et que les adolescents responsables de ces actes soient rapidement pris en main pour éviter de sombrer dans la grande délinquance et, plus tard, dans la criminalité.
Qu’est-ce qui pousse les adolescents issus de la haute bourgeoisie à la violence gratuite ? Qu’est-ce qui entraîne les fils de « bonne famille », réunis en bandes qu’ils baptisent « outlaws », à agresser violemment leurs camarades sans raison jusqu’à les ensanglanter, à commettre des actes répréhensibles par la justice, comme des infractions, des actes de vandalisme...