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Rifaq el-Darb, ou comment faire pour que Noël n’oublie personne Un déjeuner de gala pour les têtes blanches victimes de la solitude et de la misère

Un repas chaud, une sortie au restaurant, des cotillons et des cadeaux. C’est une liste bien commune quand il s’agit de fêtes de fin d’année. Et pourtant, tout le monde n’a pas la chance de vivre un Noël chaleureux. Il y a ceux qui avaient une vie, des parents, des sœurs, des frères, des enfants, mais le temps a passé, les laissant fatigués et seuls. Certains d’entre eux se souviennent toujours, les larmes aux yeux, des proches qui sont partis. D’autres n’ont même pas de beaux souvenirs pour se donner courage. Qu’elles aient eu des vies ordinaires, heureuses ou tristes, beaucoup de personnes du troisième âge se retrouvent dans la misère, vivant dans des maisons insalubres, humides et miteuses. Elles font le tour des associations pour un repas chaud ou se rendent dans des couvents pour prendre un bain. Tout au long de l’année, elles manquent de tout. Pour Noël, elles ont juste besoin d’un peu de chaleur, d’un bref instant de joie, qui les aidera à surmonter plus tard leurs tristes moments de solitude. Chaque année, pour donner de la chaleur à la Noël des têtes blanches, Rifaq al-Darb organise un déjeuner de gala le 27 décembre. Ce déjeuner rassemblera 900 personnes du troisième âge, qui vivent seules ou dans des asiles. Elles se retrouveront autour d’un banquet au restaurant Zad el-Kheir. Il y aura des cadeaux et de l’animation. Mais plus que le repas, l’animation et les cadeaux, les têtes blanches vivant dans la misère se sentiront aimées. Parmi les 900 fêtards du 27 décembre, une centaine font partie des habitués de Rifaq el-Darb, une association qui s’occupe tout le long de l’année des personnes du troisième âge, leur assurant un repas chaud par mois, plusieurs excursions par an, des médicaments, des visites à domicile…Bref, de l’aide au quotidien. Oum Élie habite le secteur Mar Mikhaël, elle a 85 ans. Elle vit avec un fils âgé de plus de 60 ans. Oum Élie peut se passer de faire le tour des restos du cœur et d’associations qui servent des plats chauds. Mais elle se sent horriblement seule. Et quand elle est seule, elle se souvient en pleurant de son mari qu’elle adorait et qui est parti avant elle, ou encore de son fils mort durant la guerre en 1990. D’ailleurs, elle ne peut pas regarder trop longtemps le portrait de son benjamin, fauché par un obus. Il avait 22 ans. Elle parle fièrement de son mari, mort neuf mois après son fils. « J’avais 15 ans quand j’ai épousé Antoine. C’était mon voisin. Il était élève des frères à Gemmayzé, il parlait français… Maintenant, je ne vis plus qu’avec leurs images », sanglote-t-elle. Oum Élie sait confectionner des nappes, des sacs et d’autres objets en crochet. Rarement, quand elle n’a pas mal aux mains à cause des rhumatismes, elle en fabrique pour les offrir aux personnes qui s’occupent d’elles, qui lui tiennent compagnie. Un peu plus loin, dans une autre maison à Mar Mikhaël, Saïdi, 55 ans, s’occupe de sa mère Hélène, tétraplégique, terrassée par une embolie cérébrale l’année dernière. La vie d’Hélène a été marquée par le malheur. Elle a perdu très jeune son mari, fauché par un accident de la route. Vingt-cinq ans plus tard, elle perd son fils, également dans un accident de la route. Sa belle-fille meurt trois ans plus tard. Elle s’occupe donc de ses deux petits-enfants. Sa fille Saïdi ne s’est jamais mariée. Grâce à son travail de vendeuse, elle faisait bouillir la marmite. Il y a une dizaine d’années, elle a été mise à la porte pour cause de compressions budgétaires. Aujourd’hui, après s’être occupée de ses neveux, Saïdi s’occupe de sa mère, désormais incapable de parler et de bouger. Elle mange auprès d’associations et ramène avec elle au quotidien un bol en plastique d’aliments chauds à l’intention d’Hélène. Elle a besoin de couches-culottes et de médicaments pour sa mère. « Surtout les couches-culottes, le sac coûte 24 000 livres », chuchote-t-elle, comme si elle portait tout le poids du monde sur ses épaules. Le rêve d’une vie normale Toujours à Mar Mikhaël : une vieille paire de chaussettes et un boxer initialement blanc, mais à la couleur incertaine sont étalés sur une corde à linge devant l’entrée d’une vieille maison. C’est ici que vit Joseph depuis plus de quarante ans. Il avait occupé les lieux avec sa sœur, morte il y a quelques années. Joseph, qui paraît plus que ses 68 ans, vit entre les caisses, les sacs en plastique, les matelas éventrés et les bassines d’eau. « On ne sait jamais quand il y a une coupure d’eau », explique-t-il. Joseph offre à ses visiteurs tout ce qu’il a ou tout ce que des bienfaiteurs lui donnent : des bananes, des pommes, des tomates, même de vieilles bouteilles de soda, couvertes de poussière. Il a peur du jour où il tombera malade. « Maintenant, je peux me déplacer… Mais si un jour, je dois rester au lit, je n’aurais personne pour s’occuper de moi », dit-il. D’ailleurs, il a demandé aux membres de Rifaq el-Darb de le placer dans un asile. Il semble qu’il ait changé d’avis dernièrement : « Si ça ne me plaît pas, je ne pourrai plus rentrer chez moi. Je serai comme emprisonné », indique-t-il. Joseph a toujours vécu pauvre. Il n’aimait pas l’école et a rarement travaillé. Bien sûr, il aurait aimé avoir une autre vie. Laquelle ? « Je ne peux pas l’imaginer. J’ai toujours vécu dans l’indigence. Je ne sais ce que c’est le fait de vivre normalement comme tout le monde. » L’espace d’un déjeuner de Noël, Joseph et 899 autres personnes de troisième âge pourraient vivre une autre vie. Celle de tout le monde. Grâce aux cartes « Pour que Noël n’oublie personne » que Rifaq el-Darb vend pour dix dollars l’une, vous pouvez rendre leur Noël plus chaleureux. L’argent servira aussi à financer tout au long l’année les activités de l’association. Créée il y a une quinzaine d’années par une bande d’amis étudiants à l’Université Saint-Joseph, Rifaq el-Darb compte aujourd’hui une vingtaine de membres. Plusieurs fondateurs de l’association certes, mais aussi de jeunes volontaires, étudiants à Notre-Dame de Jamhour et à l’American Comunity School. D’ailleurs, ce sont ces jeunes, avec les scouts de Furn el-Chebbak, qui s’occuperont des personnes du troisième âge durant le déjeuner de gala, qui rassemblera des têtes blanches d’Achrafieh, de Nabaa, de Bourj Hammoud, de Zahlé, de Jounieh et de Byblos. D’autres viendront d’asiles, notamment l’asile maronite et Les têtes blanches. Tout au long de l’année, Rifaq el-Darb organise des activités pour une centaine de personnes du troisième âge, donnant notamment un déjeuner mensuel qui a lieu dans un local de l’Université Saint- Joseph. L’année dernière, grâce à la vente des cartes de vœux, « Pour que Noël n’oublie personne », l’association a pu organiser trois excursions à Byblos, à Saint-Charbel de Annaya et au Kesrouan. Lors de cette dernière sortie, une centaine de têtes blanches de Rifaq el-Darb ont pris part à un dîner traditionnel libanais. Rifaq el-Darb a également pu distribuer des caisses alimentaires l’année dernière. Joe Tawtel, président de l’association, souhaite vendre un grand nombre de cartes cette année. « Nous pourrons ainsi augmenter le nombre de repas mensuels en organisant un repas tous les quinze jours. Nous pourrons aussi augmenter le nombre d’excursions », indique-t-il. Le bonheur des têtes blanches, seules et dans la misère, ne dépend que de vous. Pour vos dons, contacter les numéros suivants : 03/624645 et 03/522058. Patricia KHODER
Un repas chaud, une sortie au restaurant, des cotillons et des cadeaux. C’est une liste bien commune quand il s’agit de fêtes de fin d’année. Et pourtant, tout le monde n’a pas la chance de vivre un Noël chaleureux. Il y a ceux qui avaient une vie, des parents, des sœurs, des frères, des enfants, mais le temps a passé, les laissant fatigués et seuls. Certains d’entre eux se...