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Actualités - CHRONOLOGIE

ÉDITION - Georgia Makhlouf signe « Les hommes debout », ce vendredi 14 décembre, à la librairie Antoine Redécouvrir, au-delà des clichés, ce peuple de passeurs que sont les Phéniciens

Il est de notoriété publique (et historique !) que les Phéniciens ont été de remarquables artisans, tisserands, teinturiers, orfèvres, sculpteurs, architectes, urbanistes. Leur richesse et leur habileté, leurs sens du commerce et de la navigation étaient déjà proverbiaux près d’un millénaire avant notre ère. Georgia Makhlouf est allée faire un tour du côté de ce peuple de passeurs pour essayer de le découvrir au-delà des clichés qui lui sont accolés depuis les Grecs. Dans un bel essai littéraire intitulé « Les hommes debout, dialogue avec les Phéniciens », éditions al-Manar (qu’elle signera ce vendredi 14 décembre à la librairie Antoine de Hamra, de 17h00 à 20h00), l’auteure établit des correspondances entre les « ancêtres » et leurs dignes descendants. Il semble que les Grecs aient été les premiers à considérer les habitants des cités phéniciennes comme une entité globale et à les désigner par le terme générique de Phéniciens. Tous les clichés concernant les Phéniciens se trouvent déjà dans l’Iliade et l’Odyssée. Les Phéniciens sont représentés comme d’habiles artisans, d’incomparables métallurgistes, mais surtout comme de grands navigateurs. Ils sont décrits également comme des modèles de ruse et de fourberie. Cette image persistera à travers toute la littérature grecque, on la retrouve chez Hérodote, Xénophon, Thucydide, Polybe. Les Phéniciens représentent avant tout pour les Grecs un symbole de l’altérité, du « non-grec », une image inversée d’eux-mêmes. « Si on m’avait dit, il y a deux ans, que j’écrirais un texte sur les Phéniciens, j’aurais ri, la chose m’aurait paru impossible, inenvisageable, s’exclame Georgia Makhlouf. Et pourtant... » Le résultat est là. Un véritable délice d’essai littéraire à déguster lentement pour savourer pleinement les tournures de la langue et les cheminements de la pensée « géorgienne ». Des mots qui tournent autour des Phéniciens, de cette « identité à la fois rayonnante et honteuse, flamboyante et obscure... », indique l’éditeur. Un itinéraire d’écriture qui explore les branches multiples d’une généalogie imaginaire, enrichi des illustrations à l’encre de Chine de Judith Rothchild. Georgia Makhlouf, qui partage sa vie entre Beyrouth et Paris, a déjà publié des poèmes et des textes pour la jeunesse, ainsi qu’un livre sur Les grandes religions du Livre et, chez al-Manar, Éclats de mémoire. Beyrouth, fragments d’enfance, prix France-Liban 2006. L’idée du livre lui est venue lors d’une rencontre avec une responsable d’édition à l’Institut du monde arabe à Paris. « Elle me racontait le projet d’exposition autour des Phéniciens et me proposait de travailler à un livre documentaire pour la jeunesse qui serait publié à cette occasion. » L’auteure a longuement réfléchi. « L’idée a cheminé. Je me suis finalement demandé si je pouvais moi-même écrire sur les Phéniciens, non pas un texte de vulgarisation scientifique en direction d’un public jeune, ni un texte érudit dont je n’avais ni la matière ni l’envie, mais un texte personnel, une réflexion subjective, une rêverie pourrait-on dire, sur et autour des Phéniciens. » Un texte qui dévoilerait son « musée secret », ajoute-t-elle en reprenant le titre d’une très belle collection créée par les éditions Flohic et qui proposent à un auteur de livrer son coup de cœur, son regard personnel sur un artiste, peintre ou sculpteur, qui compte pour lui. Elle s’est donc lancée dans l’écriture, sans connaître la réponse à cette question qu’elle s’était posé : « Qu’avais-je à dire sur ces Phéniciens ? Cette généalogie, aussi imaginaire que réelle, avait-elle encore du sens pour moi aujourd’hui, et de quelle façon ? Y avait-il des choses à prendre, finalement, dans cet héritage qui était devenu si lointain à force de se dissoudre, si stéréotypé à force d’être méconnu, si lourd à force d’avoir été instrumentalisé par le discours politique ? De ces Phéniciens avec lesquels je voulais, pendant des années, ne rien avoir à faire, que pouvait-on retenir, que pouvait-on aimer, de quoi pouvait-on être fier et se revendiquer ? » C’est pour tenter de répondre à ces questions que Georgia Makhlouf a finalement rédigé Les hommes debout. Une écriture difficile, avoue-t-elle, car « à chaque étape, à chaque avancée, je pensais que j’étais allée au bout de ce que je pouvais faire, et que c’était peu de chose. Puis de nouvelles lectures, la rencontre avec une thématique ou un objet, relançaient mon exploration, me poussaient à reprendre la route. » Une ténacité toute phénicienne, il faut bien l’avouer… Giacometti, Baudelaire et… Cadmos Le choix des thèmes, des motifs iconographiques ou des objets s’est fait de la façon la plus subjective qui soit, indique l’auteure. « Je prenais des notes sur ce qui m’émouvait, me fascinait, me touchait de façon frontale et directe, le plus souvent sans que je sache pourquoi j’étais touchée. Disons que je ressentais qu’ils me parlaient de moi, de mon identité libanaise et méditerranéenne, et même du Liban d’aujourd’hui, affaibli et plus que jamais déchiré. » Tout en respectant la validité historique des données, elle s’est permise (pour le côté fantaisie) de convoquer Giacometti, Baudelaire ou Fellini, de faire des comparaisons entre les Phéniciens et les Vénitiens, ou d’interpréter à sa façon la récurrence de certains motifs dans l’iconographie phénicienne, tels que le sphinx ou la palmette. Écrire sur les Phéniciens a permis à Makhlouf de se réconcilier avec une part de la mémoire des Libanais, avec cette branche de leur généalogie, généalogie complexe et tellement riche. « Aujourd’hui, je me sens phénicienne aussi, et je pense qu’il faut qu’on se réapproprie cette identité-là, qu’on ne la laisse pas aux mains des faussaires d’histoire qui nous l’ont confisquée depuis si longtemps pour servir des intérêts partisans. » Des réactions à son livre ? « Je ne connais que celles qui sont positives, voire enthousiastes. Je crois que les lecteurs sont sensibles au pari que j’ai tenté de relever, celui de me tenir sur une ligne de crête où je tisse en permanence deux fils, celui d’une profonde subjectivité et celui d’une pertinence plus globale et qui déborde largement la sphère de l’intime. » Et d’ajouter : « Je crois également que des rapprochements saisissants sont possibles entre des événements séparés par plus de trois millénaires d’histoire, et que certaines choses qui se passent dans le Liban d’aujourd’hui font étrangement écho à ce passé si ancien. » Georgia Makhlouf conclut en soulignant qu’après avoir visité l’exposition actuelle de l’IMA, elle a été étonnée de voir combien de ponts, de rapprochements et de passerelles il existait entre son livre et ce très beau parcours, riche en objets inédits et profondément innovant dans les comparaisons qu’il permet. Maya GHANDOUR HERT
Il est de notoriété publique (et historique !) que les Phéniciens ont été de remarquables artisans, tisserands, teinturiers, orfèvres, sculpteurs, architectes, urbanistes. Leur richesse et leur habileté, leurs sens du commerce et de la navigation étaient déjà proverbiaux près d’un millénaire avant notre ère. Georgia Makhlouf est allée faire un tour du côté de ce...