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Le rendez-vous avec l’histoire

Qui a empêché le général Aoun d’accéder à la présidence de la République ? C’est tout simplement le système parlementaire libanais. Par conséquent, la nouvelle guerre du général de Rabieh vise avant tout autre chose à torpiller ce système. Et en militaire avisé, il tente d’éviter la confrontation directe par des manœuvres d’étouffement progressif de l’adversaire. Sans oublier les épais écrans de fumée derrière lesquels il espère réussir son approche. Alors les fumigènes fusent dans tous les sens : la protection des chrétiens, les pouvoirs du président, la réciprocité… Et, last but not least, est le veto à l’accession de Saad Hariri au poste de Premier ministre. En 1989 déjà, n’est-ce pas lui qui s’est dressé contre le Parlement de l’époque en prétendant détenir à lui tout seul la globalité de la légitimité et de la légalité nationales ? Les accords de Taëf sont venus toutefois mettre un terme à son parcours. Par la suite, l’exil fut intelligemment mis à profit pour lui permettre d’élaborer ses plans, de planifier ses alliances, de mobiliser ses ressources et de peaufiner sa tactique en vue de son ultime objectif : la revanche. L’ennemi est désormais clairement identifié : Taëf et le système parlementaire. Et cette fois-ci, l’ennemi sera pris dans un étau. De l’intérieur, à travers les députés du CPL et de leurs alliés, et de l’extérieur, à travers le nouveau « patriarche » prétendument intronisé par la rue chrétienne. Nous voilà donc au cœur de la bataille aouniste : défaire Taëf et renverser le système parlementaire. Pour mettre quoi à la place ? Voilà la grande énigme. Michel Aoun n’est ni un vendu ni un traître à la nation. C’est un homme avec une vision dont, pour le moment, il est le seul à pouvoir déceler les pourtours et définir l’horizon. Par quoi veut-il remplacer les accords de Taëf et le système parlementaire ? Bien sûr, en habile politicien, il se défend de vouloir remettre en cause les fondements politiques de la république. Même si tout son être tend vers cet objectif. Faute de réponses crédibles de la part de l’intéressé, nous en sommes réduits aux suppositions. Voudrait-il un nouveau pacte national basé sur le tripartisme chiite-sunnite-chrétien à la place du pacte actuel fondé sur une égalité islamo-chrétienne ? Les chrétiens disposeraient ainsi de marges de manœuvre au-delà de leur poids démographique ! Serait-il obsédé par l’alliance des minorités dans une région majoritairement sunnite ? Serait-il un admirateur du colonel Kadhafi et de sa Jamahiriya à tel point qu’il chercherait à instaurer une Jamahiriya libanaise basée non plus sur la démocratie représentative, mais sur la démocratie directe ? D’où ses goûts immodérés pour les contacts directs et pour le non-respect des hiérarchies. Tout cela paraît peu probable. Et si tout simplement le général n’était qu’un Libanais patriote qui veut le bien de son pays et de son peuple ? Il a été empêché, à deux reprises, de réaliser son ambition la plus légitime d’accéder à la présidence de la République. Et pourtant, il est le chef du plus grand bloc parlementaire chrétien. Alors, il s’adresse à son public en victime de manœuvres déloyales. Il pose des questions justes et simples. Pourquoi la réciprocité ne prévaut-elle pas à tous les échelons de l’État ? Pourquoi est-il permis aux sunnites et aux chiites de porter aux postes qui leur sont réservés leurs leaders les plus représentatifs alors qu’on interdit aux chrétiens de porter à la présidence leur chef le plus populaire ? Son raisonnement, s’il n’est pas faux, est pour le moins incomplet. Le système politique libanais pose deux conditions pour briguer les plus hautes fonctions de l’État : posséder une assise populaire et disposer d’une majorité parlementaire. Si le général dispose d’une assise populaire indiscutable, il a échoué à rallier autour de sa candidature la majorité parlementaire nécessaire. Alors, il réplique en traitant le camp adverse de déloyauté : « Les députés chrétiens ont approuvé en son temps les choix des communautés chiite et sunnite dans leurs choix de président de l’Assemblée et du Premier ministre. Aujourd’hui, les députés musulmans, et notamment sunnites, sont dans l’obligation morale d’entériner le choix de la communauté chrétienne. » Or c’est là où le bât blesse. Le général a échoué à rallier autour de son nom l’écrasante majorité de la communauté chrétienne. Il est peut-être le plus populaire, mais il est loin d’être le seul. Les élections du Metn l’ont largement démontré, qui ont accordé au candidat aouniste à peine la moitié des voix chrétiennes. Reste alors l’autre moitié pour laquelle le général ne représente pas ses aspirations. Sans parler de l’autorité morale et nationale que représente Bkerké qui, également, ne lui a pas apporté son appui dans la course à la présidence. Dans un tel contexte, il est tout à fait normal que les autres parties refusent de considérer la candidature aouniste comme la seule candidature chrétienne. M. Berry aurait-il pu accéder à la deuxième présidence s’il avait contre lui au moins 50 ou 40 % des chiites en plus de l’opposition des hautes instances religieuses chiites ? Rafic Hariri aurait-il pu accéder à la troisième présidence s’il avait contre lui 50 ou 40 % des sunnites en plus de l’opposition du mufti de la République ? Il se confirme désormais jour après jour que le plus grand ennemi du général Aoun a été le général Aoun lui-même. Et il ne sert plus à rien de chercher des coupables à droite et à gauche. Michel Aoun peut poursuivre sa bataille contre Taëf et contre le système parlementaire. Cela ne changera rien à la réalité. Il a raté son rendez-vous avec l’histoire. À moins qu’il ne fasse sauter en dernière minute les verrous qui empêchent le général Sleimane d’accéder démocratiquement au pouvoir. Car il dispose, lui, et de l’assise populaire et de la majorité parlementaire. Raymond NAMMOUR Côte d’Ivoire
Qui a empêché le général Aoun d’accéder à la présidence de la République ? C’est tout simplement le système parlementaire libanais. Par conséquent, la nouvelle guerre du général de Rabieh vise avant tout autre chose à torpiller ce système. Et en militaire avisé, il tente d’éviter la confrontation directe par des manœuvres d’étouffement progressif de...