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Actualités - OPINION

N’y touchez pas, il est fêlé… Jean ISSA

Quoi ça, qu’est-ce qui est fêlé ? Le vase délicat, translucide, du p’tit poète Prudhomme ? Oui, mais aussi, le vase de Chambre du Liban politique. D’un coup d’éventail, comme le dey de Tunis savait en donner jadis à d’impertinents franjis. Et tant pis pour les conséquences : l’honneur n’a pas de prix. L’indépendance ainsi perdue non plus, dira-t-on. Mais quelle importance peut-elle encore avoir, quand soi-même on n’est plus ? Ou plus rien, ou plus grand-chose, ce qui est du pareil au même et inversement. Un coup d’éventail prodigieux, universel. Tout le râtelier de mon dentier s’y est mis. L’ONU Ki-moon, les USA, la France, l’Espagne, l’Italie, l’Europe unie, la Russie, l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Jordanie, le Soudan, la Syrie, l’Iran, le Zimbabwe subinférieur, la Ligue et la Curie. Tous ligués pour la curée. Pour l’adieu aux larmes de crocodile, comme Rustom Ghazalé y a eu droit naguère à Rayack, peut-on l’oublier. L’adieu à un Liban cohérent, viable et vivable. À la révolution du Cèdre, à tout ce qu’il implique ou induit. En erreur. De trajectoire. Non pas fatale, puisqu’on évite, nous affirme-t-on, une guerre civile qui de toute façon n’allait jamais se produire. Mais fatigante. Parce que pour sauver l’aujourd’hui, on sacrifie à la fois l’hier du printemps de Beyrouth, et tout demain d’espoir bien tracé. Laborieux et difficile, certes, dans son premier tronçon de redressement et de récupération des assujettis. Mais ensuite, car la persévérance paie toujours, pacifié, stable et prospère. Ce n’est pas du respect de la Constitution, cette souillon si souvent traînée dans la boue, qu’il s’agit. Ni même de la lutte pour un État de droit, encore qu’elle soit synonyme de souveraineté et d’indépendance. Mais bien, au bout du compte, de l’entité, de l’unité libanaises. Car elles peuvent survivre aux guerres, même intestines, et elles l’ont montré. Mais certainement pas à une sorte de Quatrième République des partis aggravée d’un boulangerisme chronique. Avec retour probable au dualisme, au pouvoir parallèle, concomitant, complice, des pourris en civil, et des purs en autre chose. Notre seul réconfort reste que l’avenir n’est plus aussi incertain. Que cette fois, il vaut mieux tirer le rideau. Que si nous avons un grain de bon sens, nous devons songer, peut-être, à décamper plus vite que les abominables squatters des tentes. Partir, mourir un peu, pour nos enfants. Qui, une fois les six ans passés cahin-caha, sauront ce que l’armement du Hezbollah, qui met Berry au pas (c’est-à-dire à la négation), veut dire.
Quoi ça, qu’est-ce qui est fêlé ? Le vase délicat, translucide, du p’tit poète Prudhomme ? Oui, mais aussi, le vase de Chambre du Liban politique.
D’un coup d’éventail, comme le dey de Tunis savait en donner jadis à d’impertinents franjis. Et tant pis pour les conséquences : l’honneur n’a pas de prix. L’indépendance ainsi perdue non plus, dira-t-on. Mais quelle...