« Écrire » en dessinant, la nouveauté de l’auteur

«J’ai toujours fini l’écriture dans un dessin. » Alors que sortait Chagrin d’école, Pennac offrait aux amoureux de poésie et de belles images un petit livre d’une soixantaine de pages sur le bonheur et la difficulté d’écrire, Écrire (éditions Hoëbeke). Avec, pour personnage central, le stylo, en hommage à son premier vrai stylo, offert par son frère Jean-Louis, pour accompagner son désir d’entreprendre cet exercice difficile. Foi de cancre ! Les lettres de l’alphabet se sont rapidement transformées en bonshommes. Le stylo, en obsession. Les dessins qui se trouvent dans ce livre disent « les états où nous plonge l’écriture, précise Pennac en introduction : le désir, l’empêchement, la rigueur, la solitude, l’exaltation, le refus, le désespoir, la libido, le doute, la gloriole, bref ce cocktail d’exigences et de ridicules qu’on s’afflige à soi-même dès qu’on espère être lu. » Divisé en plusieurs chapitres, ce livre de dessins cruels, vrais, drôles, surprenants illustre le processus de l’écriture dans ses différentes étapes : rêver d’écrire, écrire, avoir écrit et enfin mourir d’écrire. Le stylo y est tour à tour chaise longue, banane à dévorer, serpent, téléphone, contorsionniste, dactylo, pages d’écriture jetées dans une poubelle, thermomètre comblant la page. Puis, plus amer, il devient athlète, flèches atteignant une cible, doigts affûtés ou encore revolver. Pour finir en squelette, en douilles de mitraillettes, en pendu, en écrasé ou en victime, dans un triste enterrement. Les messages de ces illustrations sont directs, forts, à couper le souffle, quelquefois, avec l’utilisation de trois couleurs essentielles et très contrastées : le jaune, le bleu et le noir. Et l’on ne peut s’empêcher, en refermant ces quelques pages sur la vie et la mort de l’écriture, de repenser à Gebran Tuéni, lui-même mort d’en avoir trop écrit, brandissant un stylo à l’enterrement de Samir Kassir, autre victime de ses mots libres qui nous manquent... C. H. * Ces livres sont disponibles à la librairie el-Bourj, place des Canons, immeuble an-Nahar.