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Actualités - interview

Interview - Pour l’ancien commandant de la Finul, l’ONU doit assumer le rôle de surveillance, que prétend se donner Israël, pour enlever toute justification aux survols aériens

Pellegrini à « L’Orient-Le Jour » : La Finul a des moyens plus puissants pour manifester la détermination internationale à faire respecter la 1701 Paris, de notre correspondant Élie MASBOUNGI Dans une interview exclusive accordée à L’Orient-Le Jour, le général Alain Pellegrini, ancien commandant en chef de la Finul, a évoqué les moments forts de sa mission au Liban-Sud, citant notamment le déploiement en force de l’armée libanaise au sud du Litani. Sur les points positifs de la mission de la force intérimaire, le général Pellegrini a estimé que grâce aux capacités d’assistance aux autorités libanaises et à ses liaisons fiables avec ces autorités, la Finul a permis de faire baisser les tensions et d’éviter de nombreux incidents. Il a estimé par ailleurs que la Finul est aujourd’hui plus forte que par le passé puisqu’elle dispose de « moyens plus nombreux et plus puissants », et aussi parce que les Nations unies lui ont donné « des règles d’engagement robustes qui lui permettent d’être plus efficace dans l’exécution de son mandat ». Le général Pellegrini affirme que les survols israéliens sont « totalement inacceptables au regard de plusieurs résolutions de l’ONU et du droit international », et qu’il ne faut pas abdiquer devant de telles violations puisqu’il existe, dit-il, des solutions. L’ancien commandant de la Finul adresse enfin un émouvant message aux Libanais du Sud, rappelant ce qu’ils ont enduré et rapportant son témoignage au sujet du courage dont ils ont fait preuve durant la phase de reconstruction. Enfin, l’ancien chef des Casques bleus promet de retourner dans quelques années chez Habib, le Phénicien de Tyr, pour « déguster un mezzé de poissons » et revoir les amis. Nous reproduisons ci-dessous le texte de l’interview accordée par le général Pellegrini : Question – Durant ses premières années et sous votre commandement, quels ont été les grands moments de l’implantation de la Finul au Liban-Sud ? Réponse – « À mon avis, les grands moments pour la Finul ont été ceux où elle a rempli avec succès certaines des missions qui lui ont été confiées par son mandat. Je pense à deux périodes particulièrement importantes. Tout d’abord l’été 2000 lorsque, après le retrait israélien du Liban, la Finul a, en premier lieu, contribué à tracer la ligne bleue, cette ligne de séparation entre le Liban et Israël. Puis, comme le lui demandait la résolution 425, elle a été en mesure de confirmer que la totalité des forces armées israéliennes s’était retirée au sud de cette ligne, définie comme inviolable par les Nations unies. Elle devait par la suite s’assurer, entre autres tâches, que le statut de cette délimitation était bien respecté. « Le second grand moment a été l’automne 2006 lorsque, après le conflit de l’été entre Israël et le Liban, l’armée libanaise s’est déployée en force au sud du Litani et finalement en bordure de la ligne bleue. Après plusieurs dizaines d’années, les autorités libanaises répondaient enfin positivement aux instances internationales et rétablissaient leur souveraineté sur l’ensemble du territoire national. Cela s’est fait progressivement et sans heurt grâce à l’action de la Finul qui a été un intermédiaire impartial et indispensable entre les parties. » Q – Quels sont les principaux points positifs de la mission de la force intérimaire et quels sont les objectifs qui n’ont pas été atteints ? R – « Les principaux points positifs, outre les deux mentionnés plus haut, sont les suivants : – La Force contribue en permanence à la restauration de la paix et de la sécurité dans la zone comprise entre le Litani et la ligne bleue. Par ses capacités d’assistance aux autorités libanaises, de liaison fiable et rapide entre les parties, elle permet en cas de crise de faire baisser les tensions. De nombreux incidents n’ont pas provoqué d’escalade parce que la Finul était là pour initier un dialogue permettant de ramener le calme. – L’étroite collaboration qui existe entre la Force et l’armée libanaise a permis à cette dernière d’assurer efficacement ses missions dès son déploiement. Les relations de confiance, les liens opérationnels qui existent entre les deux partenaires sont forts et permettent aux forces armées libanaises de jouer pleinement leur rôle, voire de progresser. « Je ne veux pas oublier non plus ce qui est peut-être moins voyant, car devenu presque banal et naturel, mais qui est extrêmement important. Je veux parler du soutien et de l’aide humanitaires apportés en permanence par la Force. La liste de ces actions est longue et éloquente : visites médicales, évacuations d’urgence, déminage et destruction d’explosifs, fourniture de matériels scolaires, cours de langue et d’informatique, travaux de génie, etc. » « Enfin, en cas de risques imminents, la Force a souvent démontré que, dans la mesure de ses moyens, elle pouvait apporter aide et protection aux populations locales. Mais il reste beaucoup à faire et plusieurs objectifs n’ont pas été atteints. Je veux évoquer, en particulier : – l’établissement d’un cessez-le-feu entre les parties israélienne et libanaise. Pour l’instant, il faut malheureusement se contenter d’une simple cessation des hostilités, qui établit une situation beaucoup plus précaire ; – malgré de nombreuses discussions menées sous l’égide de la Finul et qui ont été très près d’aboutir, le sort de la partie nord du village de Ghajar n’est toujours pas réglé et l’État libanais n’a pas pu y rétablir sa souveraineté ; – les violations aériennes israéliennes, qui restent inacceptables, perdurent ; – enfin, les frontières du Liban n’ont pas l’étanchéité exigée par la résolution 1701. » Q – La Finul est-elle, selon vous, plus forte aujourd’hui qu’au cours des trois premières années de son implantation ? R – « Oui, la Finul est aujourd’hui plus forte. Elle dispose de moyens plus nombreux et plus puissants. Et surtout, les Nations unies lui ont donné des règles d’engagement robustes qui lui permettent d’être plus efficace dans l’exécution de son mandat ». Q – Partagez-vous l’inquiétude des gouvernements français, italien et espagnol au sujet de la sécurité des troupes et quel est selon vous le danger le plus sérieux ? R – « Bien sûr que je partage cette inquiétude qui d’ailleurs, pour moi, ne se cantonne pas aux trois gouvernements précités. Je pense qu’au sein de la Force, personne n’est à l’abri d’une action hostile, et on en a déjà eu malheureusement un exemple en juin dernier, le danger le plus important restant l’agression terroriste de la part de mouvances fondamentalistes. Des affiliés à el-Qaëda ont, il y a quelques mois, nettement affiché leur hostilité à l’égard de l’ONU, et en particulier de la Finul. Cela ne peut qu’être pris très au sérieux, d’autant que certaines parties pourraient aussi chercher à déstabiliser la Force en essayant d’agir sous le couvert de mouvements déjà connus comme étant hostiles et qui se sont clairement prononcés contre la présence onusienne. » Q – Quel rôle dissuasif pourrait avoir la Finul en cas de nouvelle agression israélienne contre le Liban et aussi en cas de provocation grave de la part du Hezbollah ? R – « La Finul a des moyens plus lourds et puissants, et des règles d’engagement qui sont maintenant robustes. Cela peut lui permettre de manifester clairement sur le terrain la détermination de la communauté internationale à faire respecter les termes de la résolution 1701. Elle est en mesure d’avoir des réactions adaptées aux circonstances, alors qu’avant le conflit de 2006, elle ne pouvait quasiment que subir. » Q – Quel est selon vous le moyen de faire cesser les fréquents (et parfois quotidiens) survols du territoire libanais par l’aviation militaire israélienne ? R – « Ce problème est particulièrement ardu bien que, je le rappelle, de tels survols restent totalement inacceptables au regard de plusieurs résolutions de l’ONU et du droit international. Il ne faut pas pour autant abdiquer et je pense qu’il existe des solutions, mais, pour l’instant, elles ne sont pas du niveau de la Finul. Elles sont à rechercher à New York, entre États membres des Nations unies. Plusieurs options peuvent d’ailleurs être évoquées, mais chacune a des implications politiques non négligeables. En fait, il s’agit d’enlever toute justification à ces survols. Pour ce faire, il faudrait être en mesure de détecter sur le terrain libanais les manquements au respect des résolutions concernant ce pays. En un mot, reprendre au niveau international le rôle de surveillance que prétend se donner aujourd’hui Israël et, en restant impartial, rétablir ainsi la confiance. On peut par exemple avoir recours à une observation satellitaire particulière, menée dans un cadre international. Ou bien mettre en œuvre une force aérienne d’observation aux couleurs de l’ONU. Si on veut être plus coercitif, on peut également créer une zone d’exclusion aérienne avec les moyens de s’opposer à son éventuelle violation. Mais il faudra alors accepter les risques que cela peut comporter. » Q – Est-il vrai que dès ces premiers survols et alors que vous étiez à son commandement, la Finul n’a pu utiliser des avions sans pilote du fait de l’opposition d’Israël à une telle utilisation ? Aviez-vous à l’époque reçu des drones qui seraient restés dans leurs caissons, selon certaines rumeurs ? R – « La seule chose qui à mes yeux soit certaine est que, pour améliorer l’observation de sa zone d’opérations tout en palliant le danger posé par les mines et munitions non explosées, l’état-major de la Finul avait envisagé l’emploi de drones et s’en était donc ouvert au département des opérations de maintien de la paix, à New York. Cette demande a certes été examinée, mais à ma connaissance, aucun accord officiel n’a jamais été conclu entre l’ONU et un pays contributeur pour doter la Finul de ce type de matériel. D’où son absence au sein de la Force. « Par ailleurs, je n’ai jamais eu connaissance d’une opposition israélienne à l’utilisation par la Finul de ce type de matériel. Si opposition il y a eu, sûrement a-t-elle été exprimée au niveau décisionnel, à New York. » Q – Quel message avez-vous envie d’adresser aujourd’hui aux soldats de la Finul et à la population libanaise du Sud ? R – « Je ne suis plus aux affaires et je ne me sens donc pas le droit d’adresser quelque message que ce soit aux soldats de la Finul. Je veux simplement leur dire que je connais la difficulté et les dangers de leur mission, et que j’admire leur dévouement. Je suis profondément reconnaissant de leur engagement désintéressé auprès de populations qui leur étaient souvent totalement étrangères avant d’arriver au Liban et je leur souhaite bonne chance. « Quant aux Libanais du Sud, je sais ce qu’ils ont enduré et je suis témoin du courage avec lequel ils ont reconstruit. Je suis certain qu’ils aspirent à la paix, mais souhaite qu’ils ne se laissent pas instrumentaliser et entraîner dans des querelles qui ne les concernent pas. À eux aussi, je souhaite bon courage et des jours heureux. » Q – Avez-vous envie de revoir le Liban, et en particulier le Sud ? R – « Vous savez, on ne totalise pas sept ans de présence dans un pays comme le Liban sans que cela ne laisse de traces. Oui, bien sûr, j’ai envie de revoir la région, mais plus tard. En effet, je veux laisser mon successeur et ami, le général Claudio Graziano, accomplir en toute quiétude sa difficile mission. Il n’est pas utile d’ajouter à ses nombreuses préoccupations la présence sur ses terres du précédent locataire, ce qui pourrait ne lui être que désagréable. « Dans quelques années, peut-être, je retournerai chez Habib, le Phénicien de Tyr, déguster un mezzé de poissons, ou du côté de Ibel el-Saqi manger quelque truite du Hasbani. Et puis j’irai, bien sûr, revoir les amis. Inchallah ! »
Pellegrini à « L’Orient-Le Jour » : La Finul a des moyens plus puissants pour manifester la détermination internationale à faire respecter la 1701

Paris, de notre correspondant Élie MASBOUNGI

Dans une interview exclusive accordée à L’Orient-Le Jour, le général Alain Pellegrini, ancien commandant en chef de la Finul, a évoqué les moments forts de sa mission au Liban-Sud,...