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Actualités - OPINION

De Bush à Bush Henri BOUILLER

Comme un match éternel. Les joueurs sont les mêmes : la Syrie, l’Iran, les pays arabes modérés (comprendre sunnites), l’Europe, la Chine, la Russie, les USA… le monde entier, quoi. On a juste changé la composition des équipes. La présidentielle libanaise concentre plus d’énergie que tous les problèmes politiques et économiques de la planète entière. Tout comme en 1988. Quand les Américains nous ont donné le choix entre Mikhaël Daher ou le chaos. Autrement dit, leur choix ou le chaos. À l’époque, Hafez el-Assad n’était pas méchant. Il coopérait bien avec George Bush père et allait même aider les Yankees, deux ans plus tard, à chasser l’odieux Saddam Hussein du Koweït. Ensemble donc, main dans la main, ils ont choisi leur candidat. Michel Aoun, farouchement opposé à cette option, appelait à une décision libanaise libre de toute ingérence extérieure. Mais il s’est vite retrouvé seul contre tous. La suite des événements – la « guerre de libération », le retournement des Forces libanaises et l’invasion du 13 octobre 1990 –, venait consacrer la volonté internationale d’imposer une solution externe au Liban. Cette solution s’appelait Taëf : un produit américano-saoudo-syrien. Hariri père en était le parrain, les chiites se contentaient de leur part du gâteau et les chrétiens se turent. En fait, leur a-t-on vraiment demandé leur avis ? Le patriarche Sfeir aurait été leurré ou, du moins, avait-il parié sur la bonté de l’être humain… La suite, on la connaît. On dirait une affaire familiale. Une mission à accomplir de génération en génération. Chez les Texans, on ne plaisante pas avec ça. Ce foutu Saddam, encore et encore. George W. s’était juré de finir le boulot de papa. Il fallait casser la gueule à ce dictateur qui menaçait de ses ADM (toujours pas retrouvées, mais on y arrivera un jour) les États-Unis et le monde entier. Depuis les attentats de 2001, ça le démangeait. En 2003, c’était chose faite. Sauf que cette fois, le « lonesome cow-boy » n’a demandé la permission de personne. L’alliance folklorique ne ressemblait en rien à celle de 1990. Puisque rien ne les avait arrêtés, les maîtres du monde se sont finalement rendu compte qu’ils ne devaient rien à personne. Ils imposeraient désormais leur vision et leurs choix partout. Le « Grand Moyen-Orient » devait naître. Revenons à notre cher pays. Condi nous l’a clairement dit il y a quelques jours : le candidat du 14 Mars ou… rien. Autrement dit, encore une fois : leur choix ou le chaos. Qu’importe le moyen, les équilibres internes, la volonté des Libanais et les choix des chrétiens. Les Américains ont donc choisi la même méthode gagnante. Mais ils retrouvent encore une fois le même Michel Aoun sur leur route. Qui refuse encore une fois un diktat extérieur. Qu’il soit régional ou international. Mais que veut-il, bon sang ? Les nouveaux souverainistes accusent le général (de moins en moins d’ailleurs) d’être devenu prosyrien. Admettons. Les Syriens seraient-ils pour autant devenus aounistes ? Sûrement pas. Mais il est plus que normal que Damas préfère l’arrivée au pouvoir de Aoun à celle du candidat de la majorité. Celle-ci se propose en effet (dixit Joumblatt) de lancer une guerre tous azimuts contre la Syrie. Il s’agirait de renverser le régime, de traîner Assad fils, sa famille et ses collaborateurs devant la justice internationale et d’installer notre bien-aimé et cher Khaddam en lieu et place de son ancien maître. On comprend un peu la trouille du lionceau. En 1990, la Syrie, forte de son accord avec les USA, était en position de force et pouvait se permettre d’imposer son candidat. Aujourd’hui, elle se retrouve en position délicate et prend une posture défensive. Certes, elle préférerait probablement un Sleimane Frangié ou un autre allié plus proche historiquement. Mais ils essaient d’être réalistes, les frérots. De se contenter de limiter la casse. Qui pourrait leur en vouloir ? Disons-le clairement : nous n’avons aucun intérêt à lancer une guerre contre Damas. Laissons cette sale besogne à d’autres. Nous n’en avons d’ailleurs ni les moyens ni le devoir. L’histoire se répéterait donc. Mais à bien y regarder, tout n’est pas exactement semblable. Aoun n’est pas tout à fait seul cette fois. La communauté chiite n’est plus aujourd’hui dans le coup. Elle s’est même rangée derrière lui dans ce bras de fer. La Chambre des députés n’est pas non plus entièrement acquise à la volonté US. Par ailleurs, Hariri fils aura-t-il la volonté de choisir la voie de la concorde ? Pourra-t-il se libérer du poids énorme des pressions que l’on imagine peser sur lui ? L’Arabie saoudite cherchera-t-elle à imposer une solution américano-sunnite ? Ou bien comprendra-t-elle que Beyrouth n’est pas Ryad ? Enfin, et ce point est capital, le patriarche Sfeir semble essayer de jouer l’équilibre cette fois-ci. Peut-être ne voudrait-il pas se faire encore avoir, par les mêmes en plus … Il lui revient de réagir vite, de dire que les chrétiens ne peuvent être écartés d’un revers de la main. Qu’ils doivent avoir leur mot à dire pour le choix du président. Qu’ils ont déjà clairement tranché aux législatives de 2005. Mais rendons-nous à l’évidence. Le sort de la présidentielle et du Liban dépendra surtout de la décision de l’Administration américaine. De Bush fils. Comme elle dépendait de Bush père hier. Le bouche-à-bouche est le plus souvent une expression d’amour. Il est parfois salvateur suite à une noyade. Une étude récente a prouvé qu’il ne servait à rien en cas d’arrêt cardiaque. Henri BOUILLER Consultant financier - Paris Article paru le mardi 13 novembre 2007
Comme un match éternel. Les joueurs sont les mêmes : la Syrie, l’Iran, les pays arabes modérés (comprendre sunnites), l’Europe, la Chine, la Russie, les USA… le monde entier, quoi. On a juste changé la composition des équipes.
La présidentielle libanaise concentre plus d’énergie que tous les problèmes politiques et économiques de la planète entière. Tout comme en...