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Actualités - OPINION

Impression Pas de salut pour Teddy

Théodore Roosevelt parraina un jour un bébé grizzly. L’avatar en peluche de celui-ci détrôna dans les nurseries baigneurs et autres objets transitionnels. Teddy devint le partenaire officiel du bébé sous toutes les latitudes. Nombreux sont parmi nous les rescapés de l’attachement cannibale porté à ce premier ami. De nous être étranglés en arrachant avec nos premières quenottes ses yeux en boutons de culotte, de lui avoir bouffé le museau de fil, mâché les oreilles d’étoupe, de lui avoir ouvert le ventre où, nous semblait-il, gisait le secret du monde, d’avoir découvert que tout cela n’était que laine vaine et tripes de fripes nous laissa pantois. Maintes fois recousu, le patient confident de nos premiers babillages ne nous tint jamais rancune de cet acharnement. Tandis que sa loque se prêtait encore à nos expérimentations sauvages, son âme blanche d’un grand pas chaloupé musardait au pôle Nord. Là-bas, parmi leurs pairs, les ours polaires vivaient leur vie rêvée. Des photos nous parvinrent de cette félicité. Truffe à truffe, insouciants et seuls au monde sur la glace en dérive, leurs corps moelleux se roulant dans la neige comme beignets dans le sucre, leurs paluches rondes comme des mains d’enfants nous liquéfiaient de tendresse. Nonchalance de pêcheurs à la ligne, patte distraite glissée dans l’eau au passage d’un poisson furtif – mais pas assez, faut-il croire, et puis, le dos calé dans une motte de sorbet, panse heureuse, sommeil à portée de paupières soulignées de khôl, impression de flotter sur la poudreuse immensité, confiance béate, est-il meilleure définition du paradis ? Mais nous ne sommes pas hommes à laisser paître les âmes. Mauvaises nouvelles de la Banquise, elle part en granité, emportant dans sa débâcle notre idée primitive du bonheur. Les ours meurent d’épuisement. La terre se dérobe sous leurs pattes incrédules, leurs montagnes s’effondrent, leurs radeaux chavirent, leur océan se vide sans appel. Qu’avons-nous fait pour essouffler l’hiver ? Trop rêvé palmes et lagons ? Trop mouché dans les étoiles ? Cassé nos jouets pour la science. Éventré Teddy. Pleuré en disant que c’était pour rire. Fifi ABOU DIB
Théodore Roosevelt parraina un jour un bébé grizzly. L’avatar en peluche de celui-ci détrôna dans les nurseries baigneurs et autres objets transitionnels. Teddy devint le partenaire officiel du bébé sous toutes les latitudes. Nombreux sont parmi nous les rescapés de l’attachement cannibale porté à ce premier ami. De nous être étranglés en arrachant avec nos premières...