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Actualités - OPINION

La poudrière du Moyen-Orient

Lutte fratricide interpalestinienne entre le Fateh et le Hamas. Poursuite, malgré le retrait israélien de la bande de Gaza, des attaques sur Israël et des représailles contre ce territoire. Consolidation des colonies israéliennes protégées par le « mur de la honte » en Cisjordanie. Raid aérien israélien en Syrie. Attentat terroriste contre Benazir Bhutto, au premier jour de son retour au Pakistan où elle compte, avec la bénédiction américaine, constituer un front anti-islamiste avec le général Musharraf. Existence d’un sanctuaire d’el-Qaëda dans les zones tribales et montagneuses aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan. Poursuite de la guérilla des talibans en Afghanistan contre les troupes occidentales et le régime de Hamid Karzaï. Bain de sang quotidien et risque de guerre civile débouchant sur un éclatement de l’Irak. Danger que fait peser l’émergence d’une entité kurde quasi indépendante au nord de l’Irak sur l’intégrité territoriale des pays voisins, en particulier la Turquie. Menace d’intervention militaire turque contre le PKK au Kurdistan irakien. Assassinats de personnalités politiques libanaises opposées au régime syrien et blocage institutionnel persistant au Liban. Ambitions nucléaires et visées régionales hégémoniques de l’Iran. Émergence d’un clivage sunnite-chiite et d’un croissant chiite allant de l’Iran au Liban-Sud, en passant par l’Irak et le régime alaouite en Syrie. Menace sur la paix civile et régionale représentée par le réarmement du Hezbollah, bras armé de l’Iran au Liban. Discours incendiaires de Mahmoud Ahmadinejad menaçant de rayer Israël de la carte. Enfin, pour couronner le tout, déclaration de George Bush brandissant la menace d’une troisième guerre mondiale au cas où l’Iran se dotait de l’arme nucléaire… L’actualité de ces dernières semaines est venue rappeler, si besoin est, l’extrême gravité de la situation au Moyen-Orient. Alors qu’il y a quelques années la question palestinienne paraissait être le problème central de la région, celle-ci est presque reléguée au second plan par la multiplication des dossiers explosifs qui, depuis le 11-Septembre et l’occupation de l’Irak, en font une véritable poudrière ; expression évoquant la « poudrière des Balkans » qui fut à l’origine de la Première Guerre mondiale. Certes, les États-Unis sont loin d’être les principaux responsables de ces problèmes, d’ailleurs étroitement liés, et qui existaient avant le 11-Septembre et l’intervention en Irak. C’est le cas notamment de l’émergence de l’islamisme politique et de sa fraction radicale. S’agissant du monde arabe, cette dernière est moins due à l’hégémonie des États-Unis sur la région et à leur partialité en faveur d’Israël qu’à l’échec des régimes non démocratiques en place, ainsi qu’à celui du nationalisme panarabe socialiste et laïc. Quant aux malheurs de l’Irak, ils sont d’abord imputables à son hétérogénéité ethnique et confessionnelle, en faisant un pays difficilement gouvernable sans une poigne de fer, ainsi qu’à la mégalomanie sanguinaire de Saddam Hussein. Cela dit, l’occupation du pays les a non seulement aggravés, mais marque un tournant historique qui a déclenché un processus de déstabilisation de toute la région dont on ne voit pas l’issue. Il ne s’agit pas ici d’analyser les objectifs véritables de l’intervention américaine en Irak. Ceux-ci ont sans doute peu à voir avec les arguments fallacieux invoqués pour la justifier : présence d’armes de destruction massive et instauration de la démocratie au Moyen-Orient. Il ne s’agit pas non plus de tenter de prévoir les conséquences de son échec sur le leadership mondial, politique et surtout moral américain. Ou encore sur le grand dessein géopolitique des néoconservateurs visant à consolider, à travers le contrôle militaire du Moyen-Orient et de ses hydrocarbures, la suprématie des États-Unis sur ses rivaux russes, chinois, japonais et européens. On se souvient des vaines tentatives, françaises notamment, pour tenter d’empêcher une aventure comportant d’énormes risques. Alors qu’un des objectifs de l’Administration Bush était de renforcer Israël en éliminant définitivement la principale force militaire arabe, elle a créé un vide de puissance dans lequel s’est engouffré l’Iran, qui constitue une bien plus grande menace pour Israël et les intérêts américains et occidentaux que l’Irak. Et alors que le prétexte de son agression contre l’Irak était d’y poursuivre sa « guerre contre le terrorisme » commencée en Afghanistan qui, lui, en était un vrai foyer, elle a au contraire suscité une recrudescence du terrorisme et une vague sans précédent de sentiments antiaméricains dans la région et à travers le monde. Mais l’échec américain a surtout eu des conséquences de loin plus catastrophiques pour la région que pour les États-Unis. Dictatorial mais laïc, le régime de Saddam Hussein maintenait au moins l’unité de l’Irak et ne constituait plus, après la première guerre du Golfe et l’embargo international, une menace pour ses voisins et encore moins pour les États-Unis. Sa chute a non seulement plongé le pays dans le chaos, mais celui-ci risque de se propager à toute la région, comme le montrent notamment la tension avec la Turquie, provoquée par la question kurde, et la crise que connaît le Liban depuis l’assassinat de Rafic Hariri. Éternel otage des divisions et des contradictions de la région, le Liban ne pouvait que payer au prix fort ces développements, d’autant plus qu’il est devenu un enjeu majeur de l’équilibre des forces sur l’échiquier géopolitique régional ; comme en témoigne le ballet sans précédent des médiateurs arabes et occidentaux qui se succèdent à son chevet. Alors que la Syrie avait bénéficié de sa participation à la coalition menée par les États-Unis pour expulser l’armée irakienne du Koweït afin de réoccuper le Liban ; à l’inverse, la présence militaire américaine aux portes de la Syrie au début de la deuxième guerre du Golfe avait favorisé la libération du pays. Mais l’enlisement américain en Irak et l’incapacité d’Israël à écraser le Hezbollah en juillet dernier ont de nouveau modifié le rapport des forces. D’abord du fait du renforcement de l’axe syro-iranien, déterminé à faire de l’infortuné pays du Cèdre un terrain privilégié de leur confrontation avec les États-Unis et Israël. Ensuite, du fait de la répercussion au plan local du clivage régional entre sunnites et chiites, et de la lutte de pouvoir entre ces deux communautés qui a pris le relais de celle qui les opposait aux chrétiens, désormais politiquement marginalisés. Il se peut malgré tout que les politiciens locaux, en dépit de la pesante tutelle de leurs protecteurs étrangers, arrivent à s’entendre pour élire un président de la République avant l’échéance fatidique de novembre, faute de quoi ce serait le saut dans l’inconnu. Mais même si cette élection a lieu, l’opposition entre la vision de la vocation du pays des alliés locaux de l’axe syro-iranien et celle du camp souverainiste appuyé par l’Occident et les pays arabes modérés est trop grande pour espérer un règlement en profondeur de la crise. Celle-ci est en effet étroitement dépendante des tensions régionales qui ne sont pas prêtes à se résorber de sitôt. Il pourrait y avoir à la rigueur une chance de sortie de crise concernant la question du nucléaire iranien, à l’instar de ce qui s’est passé pour la Corée, quoique l’Iran, malgré ces problèmes internes, soit bien plus puissant que ce pays. Il n’est pas certain d’autre part que les États-Unis ou Israël ne prennent le risque de bombarder ses installations nucléaires. Quant au régime syrien, placé sous l’épée de Damoclès du tribunal international, il est trop affaibli pour constituer une menace pour Israël et la politique américaine qui le considèrent comme un moindre mal ; et sa capacité de nuisance se limite au Liban. Mais il existe au moins deux problèmes dont aucune solution n’est en vue. D’abord le conflit existentiel israélo-palestinien, qui peut durer cent ans comme la guerre du même nom. Ensuite, la montée de l’intégrisme, et surtout du terrorisme islamiste, qui représente une menace bien moins grande pour l’Occident que pour les régimes de la région. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces derniers n’hésitent pas à mener contre lui une lutte sans merci. Ce fut le cas par exemple en Algérie et, à une moindre échelle, à Nahr el-Bared, où il ne s’agissait certes que d’un groupuscule étranger. Mais dans ces deux cas, le terrorisme a été éradiqué par des gouvernements nationaux légitimement élus et bénéficiant, s’agissant du Liban, de l’appui de l’immense majorité de la population. Il est douteux par contre qu’une puissance occupante, comme les États-Unis, arrive à gagner la « guerre contre le terrorisme » par la seule force des armes. Celle-ci ne leur permettra pas non plus, ni d’imposer la démocratie dans la région ni de bâtir un « nouveau Moyen-Orient » conforme à leur vision. Après avoir joué les apprentis sorciers en soutenant les moudjahiddine afghans contre l’URSS, ils ont accumulé les erreurs en Irak, d’où le retrait de leur armée surviendra tôt ou tard, ce qui risque de poser de nouveaux problèmes. Pour toutes ces raisons, le Moyen-Orient restera une poudrière avec les conséquences que cela comporte pour le Liban. Ibrahim TABET Historien
Lutte fratricide interpalestinienne entre le Fateh et le Hamas. Poursuite, malgré le retrait israélien de la bande de Gaza, des attaques sur Israël et des représailles contre ce territoire. Consolidation des colonies israéliennes protégées par le « mur de la honte » en Cisjordanie. Raid aérien israélien en Syrie. Attentat terroriste contre Benazir Bhutto, au premier jour de...