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Actualités - CHRONOLOGIE

Ils lisent, font du sport, dirigent leurs affaires et refusent haut et fort tout compromis politique Le « Phoenicia », « bastion de la liberté » pour 40 députés

«C’est une situation ruineuse en hommes, en temps et en matériel. Depuis des mois, je n’ai plus pratiqué mon métier. Depuis le 26 juin, je ne suis plus rentré à la maison et, pour aller voir mes filles aux États-Unis, j’ai dû faire des acrobaties pour prendre l’avion. » Chirurgien cardiologue, député du siège protestant de Beyrouth, le Dr Bassam Chab réside aujourd’hui à l’hôtel « Phoenicia » avec 39 de ses collègues. « Un bon nombre d’entre eux ont écrit leur testament et Henri Hélou a même contracté une assurance-vie pour son chauffeur », déclare avec malice Waël Bou Faour. Il ajoute dans un éclat de rire que cet exercice lui a été épargné, car « je ne possède pas grand-chose » ! Dans un des salons de l’hôtel, se sont regroupés les députés Solange Gemayel, Henri Hélou, l’ancien ministre Nicolas Fattouche, Waël Bou Faour, Bassam Chab et, passant en coup de vent, Akram Chehayeb. La question se pose : comment fonctionnent les députés du Phoenicia, « bastion des hommes et de la liberté, mais une liberté agressive, sinon elle serait dévorée par la peur », selon le député Fattouche ? Que font-ils au cours de cette terrible attente ? Ont-ils l’impression que quelque chose va leur tomber sur la tête ? Trois ans de combats et toujours la même détermination sans faille. Les représentants du peuple ne sont pas près de baisser les bras. « Rien ne nous arrêtera dans la lutte en faveur de l’indépendance. Et par fidélité à tous ceux qui sont morts et qui sont menacés... nous refusons toute concession. Un compromis serait même une démission de notre part », disent-ils. Entiers, passionnés, ils se sont fixé un objectif qu’ils tiendront jusqu’au bout : « Un président de notre choix, par conséquent un président du 14 Mars. » Et à les entendre, « la révolution du Cèdre » deviendra forcément réalité. Ils refusent néanmoins de verser dans le tragique, même si d’intenses périodes d’inquiétude alternent avec de longs moments d’optimisme. « La situation est fortement préoccupante, mais nous conservons le moral, les choses se décanteront, les perspectives qu’on a de notre destin national ne se trouvent pas rétrécies parce qu’on est là. Par la force des choses, nous voilà réunis et plus que jamais les échanges et les discussions vont bon train », observe Solange Gemayel, soulignant qu’en raison des tragédies qu’elle a personnellement vécues, « je connais la signification du mot sacrifice et il y a en moi une force qui me pousse à aller jusqu’au bout de mes convictions. Après, advienne que pourra ». « Nous sommes la vraie résistance et le combat qu’on mène actuellement est celui de l’indépendance du Liban. La vraie. Emprisonné pour liberté d’esprit et pour non-ingérence dans nos affaires est un motif dont je ne cesserai de m’honorer. Quelque chose comme un couronnement de notre carrière », explique pour sa part l’ancien ministre Nicolas Fattouche. « En tout cas, nous n’avions pas le choix : soit on reste ici, soit on ira dormir aux côtés d’Antoine Ghanem », intervient Waël Bou Faour. Jouant sans cesse la carte de l’ironie et de l’humour, il déclare qu’après tout il est bien ici et qu’il n’a plus à courir les pharmacies pour faire sa piqûre bihebdomadaire : « Le Dr Atef Majdalani me l’a faite gratuitement, à domicile. » Les députés ne se laissent en rien décontenancer. Ils s’arrangent pour s’adapter aux situations les plus abracadabrantes et tentent, chacun à sa manière, de mener leurs affaires. « Tout se passe beaucoup plus facilement qu’on ne s’y attendait », disent-ils. En cours de journée, leur lieu de résidence se transforme en bureaux. « Je reçois les présidents des municipalités du caza de Rachaya, les “makhatir”, les habitants de la région viennent demander des services et j’essaye de répondre à leurs besoins et de résoudre leurs problèmes », raconte Bou Faour. De même pour le député Hélou. « Mon chauffeur fait des allers-retours entre le Phoenicia et mon bureau, apportant les papiers à signer et les documents à étudier. Il faut bien que le travail continue. » Entre-temps, il a déjà lu La poudrière du Moyen-Orient, les ouvrages de Laurent Gaudé, la biographie d’Edgar Hoover, Napoléon de Villepin, etc. Diwan al-Moutannabi est le livre de chevet du député Fattouche, qui planche depuis des semaines sur des études juridiques. Beaucoup de députés pratiquent aussi le sport. « Si nous ne remportons pas les élections présidentielles, je peux au moins garantir que nous gagnerons des médailles aux prochains Jeux olympiques », dit encore Waël Bou Faour, avant de prendre congé. Bassam Chab arrive à ce moment et dès les premiers mots, on comprend qu’il est contre tout compromis « car celui-ci sera le prélude de la fin du Liban », dit-il. « Il ne doit y avoir nulle concession dans nos décisions, car nous ne menons pas une guerre politique, mais un combat contre une idéologie qui refuse d’être en phase avec son époque, qui va plonger le pays dans les ténèbres du Moyen Âge et sonner le tocsin d’un Liban libre et moderne. Nous nous débattons contre un système passéiste, fanatique, médiocre ; contre une culture étrangère qui n’a rien de commun avec notre héritage culturel. J’étais un homme modéré ; j’étais pour le dialogue, mais leur attitude révèle tellement le mépris des “autres” que je ne peux plus le rester. » Chab réfute même le principe de « ni vainqueur ni vaincu », car « on ne doit plus mettre entre parenthèses le destin du Liban. Notre résistance est une épreuve de force pour sauver le pays. Ou je suis gagnant et je vivrai en homme libre ou bien je suis perdant et je quitte ce pays. Un pays où il suffit à une personne d’endosser une tunique pour s’introniser Dieu et décider de me vouer aux gémonies, parce que je bois de l’alcool ou parce que je suis chrétien. Moi je veux une solution définitive au problème du Liban. Je ne veux pas que mes enfants subissent ce que j’endure maintenant. Ils ont libéré le Sud ? Et alors ? Les communistes ont combattu les nazis, mais ce n’est pas une raison de faire l’apologie d’un système qui a foulé aux pieds les droits de l’homme et qui a été responsable de dizaines de millions de morts ». May MAKAREM
«C’est une situation ruineuse en hommes, en temps et en matériel. Depuis des mois, je n’ai plus pratiqué mon métier. Depuis le 26 juin, je ne suis plus rentré à la maison et, pour aller voir mes filles aux États-Unis, j’ai dû faire des acrobaties pour prendre l’avion. » Chirurgien cardiologue, député du siège protestant de Beyrouth, le Dr Bassam Chab réside aujourd’hui à...