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VIENT DE PARAÎTRE - En lice pour le Goncourt, « Le rapport de Brodeck » de Philippe Claudel Des histoires à ne plus dormir du tout

Philippe Claudel est un sacré raconteur d’histoires. La preuve ? Son dernier opus, Le rapport de Brodeck (Stock) (en lice pour le Goncourt), vous accroche dès la première phrase, « Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien », et ne vous lâche pas avant le mot fin. Chargé par les villageois de raconter une histoire, leur histoire, Brodeck se prend au jeu et sa propre histoire devient dans la langue somptueuse de Philippe Claudel la matière même du roman. Résultat : des… histoires pêle-mêle, qui se suivent et s’entrecoupent, sans autre lien apparent que l’appartenance des personnages à ce hameau perdu. Mais attention, le lecteur ne se perd à aucun moment dans ce bric-à-brac intelligemment construit comme un puzzle et le suspense est distillé à doses thérapeutiques. Un étranger, « l’Anderer » (l’autre), arrivé quelques mois plus tôt dans un trou perdu, est assassiné après plusieurs mises en garde. Parce qu’il a fait des études, Brodeck est donc chargé de rédiger un rapport sur la mort de ce mystérieux personnage, qui passait ses journées à peindre les habitants et « renvoyait à chacun son image ». Car il est lui-même un étranger, échoué il y a longtemps dans le village où il a fini par se faire accepter. Jusqu’à ce que la guerre arrive et que les habitants le dénoncent aux occupants pour protéger leur communauté. Il rentrera après deux ans de persécutions dans un camp et reprendra sa vie d’avant. Mais l’arrivée de « l’Anderer » ravivera bientôt la haine et la vengeance. Jamais les mots juifs ou nazis ne sont prononcés et rien ne situe vraiment le village, où l’on s’exprime dans un patois proche de l’allemand. Le roman devient dès lors une sorte de fable sur le mal et le fanatisme, dont les personnages sont aussi sombres que ceux des Âmes grises, qui avait la guerre de 1914-1918 pour toile de fond. Même si le dénouement laisse ici une lueur d’espoir. Agrégé de lettres, Philippe Claudel a publié son premier roman, Meuse l’oubli, à 38 ans et enchaîne depuis recueils de nouvelles et romans. Il préfère la discrétion de sa Lorraine natale aux plateaux de télévision et ambitionne, dit-il, de « disparaître derrière (ses) livres ». La critique évoque notamment Jean Giono à son sujet, pour ses thèmes et son goût du terroir. Lors d’un voyage à Beyrouth en avril dernier à l’invitation de l’UL, l’auteur avait confié à L’Orient-Le Jour que « l’écriture était sa dose quotidienne et vitale d’oxygène » et que c’est en observant le monde et les hommes qu’il puisait son inspiration. Une inspiration qui va souvent errer du côté de la guerre. « La guerre, c’est quelque chose qui marque, a-t-il dit. Un écrivain ne fait que métaphoriser le monde, c’est une problématique qui me hante. L’écrivain est un veilleur. » Un auteur résolument humaniste, au risque de céder aux bons sentiments. Déjà multiprimé – Bourse Goncourt de la nouvelle 2003 pour Les petites mécaniques, prix Renaudot pour Les âmes grises... –, Philippe Claudel figure, comme en 2003, dans la deuxième sélection du Goncourt. Après l’adaptation des Âmes grises au cinéma en 2005, il vient de réaliser lui-même son premier film, Il y a longtemps que je t’aime. Ni sinistrement noires, ni immaculément blanches, les âmes sont définitivement grises dans les romans de Philippe Claudel. Maya GHANDOUR HERT
Philippe Claudel est un sacré raconteur d’histoires. La preuve ? Son dernier opus, Le rapport de Brodeck (Stock) (en lice pour le Goncourt), vous accroche dès la première phrase, « Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien », et ne vous lâche pas avant le mot fin.
Chargé par les villageois de raconter une histoire, leur histoire, Brodeck se prend au jeu et sa propre histoire...