Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

EFFEUILLAGE Seule l’absence…

Je suis indispensable à toute création artistique. Bien sûr… L’oreille du musicien… L’œil du peintre… Le génie de l’architecte… L’imagination de l’auteur… Toujours est-il que sans moi, Beethoven n’aurait pas composé sa neuvième symphonie, Monet n’aurait pas peint ses Nymphéas, Vauban n’aurait pas érigé ses forteresses, Alain Fournier n’aurait pas écrit Le Grand Meaulnes ; ils ont tous eu besoin de moi. Je suis comme cette vérité dont vous ne tenez pas compte parce qu’elle n’est que trop évidente ; comme cet ami que vous ne remerciez jamais parce qu’il vous a toujours aidés et que le contraire vous paraît inconcevable ; comme cet objet du quotidien que vous utilisez sans même y penser… Seule l’absence révèle la vraie valeur des choses et des personnes. Et la mienne… Sans vouloir me vanter… Est des plus grandes. Pourtant, je n’ai strictement aucune intelligence. Rendons à César ce qui est à César : le cerveau est là pour ça. Moi, j’exécute. Mais détrompez-vous ; je ne suis pas la dernière roue du carrosse, loin de là… Voudriez-vous, dans votre maison, d’une magnifique porte en bois de chêne dépourvue de poignée ? Je joue un rôle important dans toutes les relations humaines. Ouverte, je peux sceller l’amitié. Tendue, je peux secourir. Fermée, je peux blesser. Je suis capable du meilleur comme du pire. Je peux être sale ; au propre comme au figuré. Je témoigne, peut-être mieux que tout autre membre, du génie divin ; merveilleusement articulée, d’une complexité désarmante, c’est par moi que tout devient possible. Bien souvent, j’ai le physique de l’emploi : calleuse chez le maçon, fine chez le musicien. Et au-delà des apparences, je suis habile chez l’artisan, extrêmement précise chez le chirurgien qui sauve des vies grâce à moi, dévouée et active dès quatre heures du matin chez le boulanger à qui vous devez votre pain quotidien. Aucun travail ne me rebute. Dans les usines, toujours au même poste, à répéter toujours les mêmes gestes, je m’émancipe quelque peu et agit presque indépendamment du cerveau qui, lui, pense à autre chose. Douce chez les enfants, soignée chez les femmes, rassurante chez les hommes, je trahis votre âge ; me ride et me couvre de fleurs de cimetière. Je suis indispensable pour l’essentiel et le superflu. Sans moi, vous ne pourriez écrire, caresser, vous défendre… Lamia EL-SAAD
Je suis indispensable à toute création artistique. Bien sûr… L’oreille du musicien… L’œil du peintre… Le génie de l’architecte… L’imagination de l’auteur…
Toujours est-il que sans moi, Beethoven n’aurait pas composé sa neuvième symphonie, Monet n’aurait pas peint ses Nymphéas, Vauban n’aurait pas érigé ses forteresses, Alain Fournier n’aurait pas écrit Le...