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Actualités - CHRONOLOGIE

CORRESPONDANCE - La Philipps’ Collection nettoie « Les danseuses à la barre » Pour retrouver la palette originelle de Degas WASHINGTON - Irène MOSALLI

« Peinture audacieuse et singulière s’attaquant à l’impondérable, au souffle qui soulève la gaze sur les maillots, au vent qui monte des entrechats et feuillette les tulles superposés des jupes… ». Dixit, J. K. Huysmans, l’un des grands critiques d’art français du tournant du XIXe siècle qui évoquait ainsi Edgar Degas. « Les tulles superposés » de deux des multiples tutus (ceux de son tableau Danseuse à la barre) dont Degas a picturalement habillé ses danseuses subissent actuellement une opération de nettoyage. Ceci se passe dans le laboratoire de la Phillips’ Collection, ce musée de Washington qui possède un important lot d’œuvres impressionnistes acquises par son fondateur Duncan Phillips (1886-1966). Celui-ci, (héritier d’une famille ayant fait fortune dans la banque puis l’acier) crée, en 1921, à Washington, dans sa demeure même, qu’il ouvre au public, le premier musée d’art moderne privé des États-Unis, huit ans avant le célèbre MOMA (Museum of Modern Art) de New York. En 1944, il avait acheté, pour la somme de 18000 dollars, ce tableau intitulé  Danseuses à la barre, que Degas avait réalisé entre 1900 et 1905 et que l’on soumet aujourd’hui à un délicat nettoyage. La responsable du département de restauration du musée, Elizabeth Steele, a effectué elle-même cette tâche qui consiste à enlever une couche de vernis ne faisant pas partie de l’œuvre originale. Elle aurait été ajoutée durant une première restauration et ceci avant que le tableau n’ait été vendu à Duncan Phillips. Selon elle, Degas préférait l’apparence mate, «  car en reflétant la lumière, le vernis empêche de voir les subtilités des couleurs et les tracés des coups de pinceau ». Ceci vaut pour cette composition qui est un jeu de bleu, pour les tutus, contre un fond orange vif faisan. Vue de dos, avec une jambe sur la barre, chacune des ballerines semble être le reflet de l’autre, spécialement que leurs jupes se confondent, pour ressembler à un éventail bleu. Une couche de vernis de trop Toutes ces nuances, qui font la dynamique du tableau, ont été davantage mises en relief, une fois le vernis ôté. Une couche de trop. Il a fallu trois mois à Elizabeth Steele pour effectuer ce travail. Ce faisant, elle a pu suivre le processus de superposition privilégié par Degas. « Degas, explique-t-elle, dessinait et redessinait ses silhouettes féminines, interprétant leurs poses dans différents médias. Tantôt il utilisait les pastels, tantôt la peinture à l’huile, plutôt que d’utiliser ses dessins, comme études préparatoires. Et la restauration de ce tableau révèle la relation étroite entre ces deux médias et la quête incessante de l’artiste à développer son art, même en perdant la vue. » Avant d’enlever le vernis, elle avait pris une série de photos à l’infrarouge qui ont montré que l’artiste avait fait plusieurs croquis des positions des jambes des danseuses, qui l’ont mené à l’étape finale. « C’est typique de Degas, de faire beaucoup de changement sur son canevas », dit- t-elle. Elizabeth Steele a aussi découvert que cette toile, de plus d’un mètre de haut et de 90 cm de large, a été découpée à partir d’une plus grande toile, de même qu’elle a trouvé des morceaux d’un journal français employés pour la renforcer. Une autre trouvaille que dissimulait le vernis : un petit jet de peinture blanche appliqué avec le doigt de l’artiste sur le visage de la danseuse de droite. La restauration, (qui comprend également quelques fissures à réparer) est dans sa phase finale. En octobre, Les danseuses à la barre  reprendront leur place sur les cimaises du musée, en compagnie de cinq autres œuvres de Degas faisant partie de la collection permanente. Rafraîchies, ces demoiselles-là refléteront les vraies intentions du maître.
« Peinture audacieuse et singulière s’attaquant à l’impondérable, au souffle qui soulève la gaze sur les maillots, au vent qui monte des entrechats et feuillette les tulles superposés des jupes… ». Dixit, J. K. Huysmans, l’un des grands critiques d’art français du tournant du XIXe siècle qui évoquait ainsi Edgar Degas. « Les tulles superposés » de deux des...