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Actualités - CHRONOLOGIE

PORTRAIT D’ARTISTE Une mezzo-soprano incomparable Le charme capiteux de Cecilia Bartoli

Il y a des engouements comme ça ! Ils font brusquement fureur puis s’apaisent tout aussi brusquement comme tempête de neige au premier rayon de soleil…Cecilia Bartoli, née en 1966 à Rome, symbolise fort bien ces turbulents et tapageurs phénomènes de l’art lyrique où une cantatrice brûle littéralement les planches, allume l’auditoire avec ses ut et contre-ut, devient la coqueluche de la presse et du public, et puis, un beau jour, sans crier gare, c’est le silence doublé du ronron du quotidien. Et pourtant, rien n’a changé, ni dans l’art de chanter ni dans l’attitude du public. Le parcours de la cantatrice (tout comme celui du public !) continue comme eau tranquille d’un grand fleuve qui poursuit paisiblement son cours. Raison de plus par conséquent pour revenir sur cette voix, cette personnalité vive et pétillante, cette diva qui a défrayé les chroniques en parlant des sauces spaghetti qu’elle concocte avec sa mère, cette cantatrice qui préfère davantage, semble-t-il, l’intimité du récital aux dorures de la scène et qui a remis au goût du jour des partitions presque totalement oubliées. Peu de mezzo-sopranos, telles que Cecilia Bartoli, peuvent se targuer d’avoir rencontré le succès et la gloire bien avant leur vingtième printemps ! Tout remonte à l’enfance, bien sûr, où la Bartoli est initiée au chant par ses parents, eux-mêmes chanteurs professionnels. Si Cecilia, jeune enfant haute comme trois pommes, interprète à neuf ans un berger dans La Tosca de Puccini, sa véritable passion, contre toute attente, est le flamenco et la danse ! Sans la détourner de sa fascination, vigilants, les parents découvrent sa « voix ». Dès lors, tout le travail au Conservatoire Sainte-Cécile, où la jeune artiste peaufine sa formation académique, est focalisé en ce sens. C’est-à-dire cette voix incomparable, véritable miroir et arc-en-ciel, reflétant toutes les beautés de la terre et du ciel… Et ce n’est guère un hasard si, à dix neuf-ans, surdouée et déjà brillante, Cecilia Bartoli est vite remarquée par Ricardo Muti qui l’invite à une audition à la Scala. Son « Vivaldi », un record de vente… Et dès lors, tout s’enchaîne rapidement, surtout après l’hommage rendu à Maria Callas par Cecilia Bartoli et présenté par Ève Ruggieri à l’Opéra national de Paris. « Mozartienne » et « rossinienne » consommée, Cecilia Bartoli aura, dans sa fulgurante carrière de star de l’art lyrique, en tout campé sur scène une dizaine d’héroïnes allant de Despina à Zerline, en passant par Cherubino et l’Angelina de la Cenerentola. Des rôles de servantes (pour mieux servir l’opéra !), ont dit les méchantes langues, et elles sont nombreuses dans les coulisses des salles d’opéra où le snobisme est sans bornes… Mais son plus grand mérite est celui d’avoir fait découvrir les inépuisables richesses et trésors du répertoire baroque, allant même en toute intrépidité dans les chemins de traverse des castrats. À son palmarès, des partitions de Vivaldi (son CD, sur Le prêtre roux de la Cité des Doges a battu le record des ventes dans les bacs), Scarlatti, Caldera, Gluck, Haydn. Et bien sûr, Antonio Salieri qu’elle exhume de l’ombre, et dont elle réhabilite en quelque sorte la musique et l’image. Grâce à elle, on découvre l’œuvre quelque peu jetée aux oubliettes de ce compositeur, guère assassin de Mozart comme dans le film Amadeus de Forman, qui vécut entre Venise et Vienne, et dont l’influence rayonna entre époque baroque, classique et aurore du romantisme. On met de côté les « persifleurs » qui ont osé parlé de « sa petite voix » dans l’immense salle du Metropolitan de New York, car la Bartoli, « diva assoluta » et belle comme échappée d’un tableau vénitien, juge, selon ses propres termes, que « le Met est trop grand pour mon répertoire » ! Bien sûr, on comprend, les airs baroques, ce n’est ni l’ampleur ni le faste « verdien » ou « wagnérien »… Mais il ne faut pas conclure pour autant que la cantatrice a négligé de voir ailleurs. Tout en travaillant (entre autres !) sous la férule de Claudio Abbado, Riccardo Chailly, sir Georg Solti et sir Naville Marriner , Cecilia Bartoli, ne cédant toutefois jamais à la musique pop telle que pratiquée par Andrea Boccelli, a aussi chanté du Bizet, Fauré ,Verdi et Bellini. Pour ses récitals, bien plus nombreux que sa présence sur une aire scénique, elle a donné la réplique à des solistes au talent exceptionnel, tels James Levine, Andras Schiff, Daniel Barenboïm, Jean-Yves Thibaudet. « Ce qui est décisif, confie-t-elle lors de l’une de ses interviews, c’est l’expression, l’interprétation, la capacité de véhiculer des émotions et des sentiments…» Émotions et sentiments sont bien les mots-clefs d’une mezzo-soprano colorature qui a fait un vrai tabac dès ses premiers levers de rideau. Une fois le calme rétabli et que son regard mutin, son sourire un peu narquois, ses cheveux noirs croulant en cascades généreuses n’attisent plus autant le flash des photographes et n’enflamment plus autant les imaginations, Cecilia Bartoli, au charme absolu et capiteux, prépare sans nul doute, quelque part et pas forcément à Rome, l’évènement lyrique de la saison. Pour le moment, le mieux serait de la retrouver sur une platine. Sans fouiller trop loin ou faire preuve d’une imagination inutilement féconde, « son » Vivaldi reste bien sûr un bijou étincelant dans le silence de la nuit ou même dans l’éclat du jour. Edgar DAVIDIAN
Il y a des engouements comme ça ! Ils font brusquement fureur puis s’apaisent tout aussi brusquement comme tempête de neige au premier rayon de soleil…Cecilia Bartoli, née en 1966 à Rome, symbolise fort bien ces turbulents et tapageurs phénomènes de l’art lyrique où une cantatrice brûle littéralement les planches, allume l’auditoire avec ses ut et contre-ut, devient la...