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Lifestyle - Hotte d’or

Kodeih/Federer : 1-0

De Marguerite K.
Il joue les prolongations, pratiquement à guichets fermés. Un succès certes mérité, mais surtout légitime : son Hayét el-jagal so3bé est devenu en trois semaines à peine un petit bijou de phénomène de société. Et pour cause : Joe Kodeih tend au mâle libanais un miroir. Un grand, très grand miroir. En pied. Un miroir dans lequel ce mâle-là, quels que soient son âge, son appartenance socioculturelle, sa pointure, la marque de son déodorant (quand il en met) ou ses sympathies politiques, se voit si grotesque. Et ce mâle adore : il rit même, à gorge déployée, toutes incisives dehors, babines ravies, en jetant parfois, sur sa femme, sa fiancée, sa mère ou sa meilleure amie, assises juste à côté de lui, un œil à la fois complice, inquiet, suppliant et interrogateur. Lesquelles femme, fiancée, mère ou meilleure amie, fascinées, se pincent pour y croire : l'homo libanicus n'est vraiment pas cette espèce connue et remarquée pour son sens de l'humour ou pour sa capacité à se foutre de sa propre gueule. Et pourtant, dans la salle archicomble du théâtre Monnot, cet homo libanicus s'éclate, dans un dialogue ininterrompu, une partie de ping-pong intense avec l'auteur-interprète, juste fait de sourires énormes, de rires, de fous rires et d'éclats tapageurs de rire. Langage universel, esperanto bergsonien en diable, que seul a pu rendre possible, audible et compréhensible l'ingéniosité du showman à incarner (être ? devenir ?) une partie ou le tout de la beaufitude, de la plouc attitude de chacun de ces bipèdes plus ou moins poilus, plus ou moins testostéronés, plus ou moins rednecks, plus ou moins Frank Dubosc en gestation. En fait : il ne s'agit ni plus ni moins que de l'ingéniosité de Joe Kodeih à savoir passer en un clin d'œil, hop, du bourreau à la victime ; sa remarquable aptitude à glorifier, sanctifier un concept sans lequel le monde ne ressemblerait plus qu'à un gigantesque et mortel ennui : l'autodérision. Cet art de vivre et de jouir que ne maîtrise plus, visiblement, cette très suisse horloge qu'était cet herculéen Roger Federer. Bien sûr, ses larmes, ses sanglots, ses hoquets retransmis par mille et une caméras en ont fait chavirer plus d'une : voir cet immense bonhomme pleurer toutes les larmes de son corps d'Apollon parce qu'un Espagnol bien plus jeune que lui l'a privé d'un énième trophée et d'un nouveau record a dû réveiller puis allumer en un immense feu d'artifice toutes les fibres maternelles de celles-là mêmes qui, quelques secondes à peine plus tôt, rêvaient, fantasmaient ses biceps, le doux intérieur de ses cuisses, ses mains de champion. Roger Federer, avec tous ses titres, tous ses dollars, toutes ses conquêtes, aurait pu (sou)rire de sa défaite australienne, se moquer de son service, à peine meilleur, en cette finale, que celui d'une Amy Winehouse sous cristal-meth, faire comprendre très poliment au tigre Nadal que la vengeance est un plat qui se mangera tiède à Roland-Garros, emmener sa femme vider plein de Veuve Cliquot puis la clouer aux septièmes cieux entre des draps en satin blanc d'un palace melbournois, dans une suite décorée par Andrée Putmann herself, des chocolats, naturellement suisses, plein la bouche, miam miam.
Il joue les prolongations, pratiquement à guichets fermés. Un succès certes mérité, mais surtout légitime : son Hayét el-jagal so3bé est devenu en trois semaines à peine un petit bijou de phénomène de société. Et pour cause : Joe Kodeih tend au mâle libanais un miroir. Un grand, très...
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