NUTRITION - La liste des effets bénéfiques qu’on leur attribue s’allonge… Les oméga-3 décryptés Rubrique réalisée par Nada Merhi

Rares sont ceux qui d’entre vous échappent à la folie des oméga-3. Il ne se passe pas une occasion sans que l’on ne vante les vertus de ces graisses bénéfiques à plus d’un niveau. Que ce soit dans les médias ou dans les rencontres mondaines, les conseils d’inviter ces acides gras à votre table se multiplient, suivis bien évidemment d’une longue liste de produits à forte teneur en oméga-3… pour prévenir les maladies cardio-vasculaires, pour un meilleur fonctionnement cognitif, etc. Mais que sont ces oméga-3 ? Comment les consommer et à quelles doses ? Faut-il vraiment en prendre sous forme de compléments alimentaires ? Le point avec Rached Saad el-Khoury, médecin-nutritionniste. Q : Que sont les oméga-3 ? R : « Les oméga-3 sont des graisses qui ont deux rôles capitaux dans l’organisme. D’une part, elles facilitent l’échange d’information entre les cellules, principalement les cellules nerveuses du cerveau. D’ailleurs on peut dire d’une façon vulgaire que le cerveau n’est autre qu’une graisse “ pensante ” constituée d’un pourcentage élevé en oméga-3. D’autre part, elles sont impliquées dans le processus inflammatoire, c’est-à-dire le système de défense de l’organisme. » Q : C’est la raison pour laquelle on les appelle acides gras essentiels ? R : « Non. En fait, le terme essentiel prête un peu à confusion. Le terme « acides gras essentiels » sous-entend en réalité des acides gras qui ne peuvent être apportés que par l’alimentation, contrairement aux acides gras non essentiels, les graisses saturées à titre d’exemple, qui, eux, peuvent être fabriqués par l’organisme si l’alimentation faisait défaut. » Q : Existe-t-il d’autres acides gras que les oméga-3 ? R : « Oui. Il existe également les oméga-6 que l’on retrouve dans quasiment tous les aliments gras, qu’ils soient d’origine végétale ou animale. Ces acides gras sont certes essentiels (c’est-à-dire apportés uniquement par l’alimentation), mais pas aussi indispensables que les oméga-3. Il faudrait donc être vigilant et éviter une consommation excessive de pistaches et d’autres sources de graisse végétale ! » Q : Dans quels aliments trouve-t-on les oméga-3 ? R : « Contrairement aux oméga-6, rares sont les aliments qui représentent une source intéressante d’oméga-3. Par ordre décroissant, on les retrouve donc essentiellement dans les poissons gras, dont la teneur en oméga-3 est beaucoup plus importante que l’huile de colza ou l’huile de noix. Vous pouvez donc manger du poisson gras tous les jours si vous le désirez. » Q : Mais la consommation du poisson gras n’entraîne-t-elle pas une prise de poids ? R : « Non, pas plus que de manger une viande maigre, un blanc de poulet ou encore un poisson maigre. En fait, les oméga-3 du poisson sont des graisses qui ne se stockent pas dans le tissu adipeux (ni dans les poignées d’amour ni dans les cuisses), mais jouent un rôle fonctionnel dans l’organisme. » Q : Les oméga-3 protègent-ils vraiment des maladies cardio-vasculaires ? R : « Oui, puisqu’ils agissent d’une manière favorable sur l’athérosclérose, la tension artérielle, le mauvais cholestérol, ainsi que sur le rythme cardiaque. D’ailleurs, cela est prouvé dans la majorité des publications internationales au cours des vingt dernières années. Elles aboutissent pour la plupart à des conclusions démontrant une réduction de 20 à 30 % des événements cardio-vasculaires chez les consommateurs réguliers de poissons gras ou chez les personnes qui prennent les oméga-3 en complément alimentaire, sous forme de gélules. De nombreuses interrogations persistent toutefois sur l’intérêt de cette dernière pratique. En effet, aucune étude ne ressemble à l’autre, en raison notamment des innombrables paramètres humains qui sont pris en compte, à savoir l’âge de l’individu, l’état de santé, le poids, les habitudes alimentaires, la quantité d’oméga-3 consommée, la prise concomitante d’autres médicaments, etc. Si les études italiennes, américaines et japonaises sont toutes favorables à la prise des oméga-3 sous forme de gélules, les Anglais eux restent très sceptiques quant à l’efficacité de cette pratique. » Q : Que faut-il donc comprendre ? Existe-t-il des recommandations officielles en ce sens ? R : « Oui, elles émanent notamment de l’Amercian Heart Association (AHA). Selon l’AHA, les personnes qui ne présentent pas de maladies coronariennes doivent consommer au quotidien 500 mg d’oméga-3 que l’on retrouve soit en consommant deux fois par semaine du poisson gras (150 g à chaque fois, soit l’équivalent d’une portion de restaurant) soit en prenant une capsule d’oméga-3 par jour dosée à 500 mg. Les personnes qui, elles, présentent un événement coronarien doivent prendre 1 g d’oméga-3 par jour en consommant deux fois par semaine du poisson gras “ complémenté ” par une prise quotidienne d’une gélule d’oméga-3 dosée à 500 mg ou en prenant tous les jours une capsule d’oméga-3 dosée à 1 g. » Q : Est-ce vrai que les oméga-3 préviennent également certaines formes de cancer ainsi que l’Alzheimer ? R : « Plusieurs études ont été publiées dans ce sens. En fait, la liste des bienfaits qu’on attribue aux oméga-3 est beaucoup plus importante, mais les preuves scientifiques sont un peu timides. » Q : Quel serait le message à faire passer sur les oméga-3 ? R : « C’est un message que j’adresse aux plus sceptiques d’entre nous, soit à tous ceux qui pensent (à raison) que les études ne sont pas encore très concluantes ou encore que les oméga-3 seraient la dernière invention à la mode. J’aimerais leur poser une question et les laisser conclure par eux-mêmes. Les Crétois et les Japonais, qui ont la meilleure espérance de vie dans le monde, vivent à des milliers de kilomètres de distance, ont un mode de vie et des habitudes alimentaires très différents. Pourtant, ils ont un seul point commun. En effet, ces deux recordmen de la longévité ont le taux sanguin d’oméga-3 le plus élevé de la planète ! »