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Société - Pour être un « homme accompli », il faut se plier à la tradition séculaire sous peine d’exclusion Le « grand mariage » aux Comores, un passage obligé mais ruineux

En Grande-Comore, île de l’archipel pauvre des Comores, une tradition persiste, bien qu’elle contribue à ruiner un peu plus la population : le « grand mariage », étape obligée pour tout homme né sur l’île s’il ne veut pas être exclu de la société. Illustration de l’importance de cette cérémonie : en 2004, la famille d’un homme gravement malade a préféré le marier plutôt que d’aller le faire soigner. Le marié est mort quelques heures après la fin de ses noces. « Il n’y a pas de honte à ce qu’un être humain meure. Chacun y passera. Mais il est essentiel qu’il ait pu payer sa dette à la société », tente de justifier un membre de sa famille, sous couvert d’anonymat. « À un certain âge, si tu ne te plies pas à la tradition, tu es exclu de la société », explique à l’AFP l’anthropologue Damir Ben Ali, ancien président de l’Université des Comores. « J’ai fait le grand mariage pour les autres », confie-t-il. Le « grand mariage », une tradition séculaire, est pratiquée sur les trois îles de l’Union des Comores, mais elle n’est considérée comme « obligatoire » que sur l’île de la Grande-Comore. La population masculine de Grande-Comore, qui compte près de 300 000 habitants, est divisée en deux catégories : les wanamdji (« enfants des villages » en langue comorienne), qui n’ont pas fait de « grand mariage », et les autres, « les hommes accomplis ». Dans les rassemblements publics, les premiers portent généralement une veste occidentale sur un simple boubou, « les hommes accomplis » sont vêtus d’une tunique longue, parfois brodée de fils d’or, et prennent toujours place aux premiers rangs. « Tu peux avoir de bons diplômes, être un grand cadre, mais si tu n’as pas fait le grand mariage, tu ne seras jamais reconnu par cette société », affirme Said Islam, ancien gouverneur de l’île aujourd’hui à la retraite. Les Grands-Comoriens qui n’ont pas les moyens d’organiser le « grand mariage » peuvent certes se marier dans l’intimité, mais ils n’auront pas la reconnaissance de la communauté. Le coût des dépenses d’un « grand mariage » à Moroni est évalué à un minimum de 17 millions de francs comoriens (35 000 euros ou 47 000 dollars) versés en nature et en espèce (chèvres, bœufs, électroménager, or, etc.) pour le marié, et 11 millions de francs comoriens (22 000 euros ou 31 000 dollars) pour la famille de la mariée, selon Damir ben Ali. Auquel il faut ajouter le coût de la maison du futur couple, aux frais de la mariée. Des sommes à comparer au salaire mensuel moyen aux Comores, archipel de l’océan Indien, qui est de 40 000 francs comoriens (80 euros, 110 dollars). Des hommes s’endettent à vie, économisent pendant des années pour pouvoir respecter la tradition, des familles organisent des collectes. Et du coup, certains ne se marient qu’une fois la cinquantaine passée. Des milliers de personnes, venues des quatre coins de l’île, participent au « grand mariage », qui consiste en une cérémonie religieuse, des danses, l’abattage d’animaux, des concerts, la présentation de cadeaux, des repas collectifs, qui durent plusieurs semaines... voire des années. Aujourd’hui, l’appauvrissement de la société comorienne rend de plus en plus difficile l’organisation du « grand mariage ». Alors, des milliers de jeunes Comoriens quittent le pays pour amasser suffisamment d’argent pour se marier selon leur coutume. Contrecoup : les émigrés comoriens, surnommés les « je viens », ont fait encore plus exploser les coûts du mariage. Un constat amer, qui fait dire à Damir ben Ali que « l’élite comorienne a failli de ne pas avoir su adapter cette coutume aux réalités actuelles ».
En Grande-Comore, île de l’archipel pauvre des Comores, une tradition persiste, bien qu’elle contribue à ruiner un peu plus la population : le « grand mariage », étape obligée pour tout homme né sur l’île s’il ne veut pas être exclu de la société.
Illustration de l’importance de cette cérémonie : en 2004, la famille d’un homme gravement malade a préféré...