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Actualités - CHRONOLOGIE

MUSIQUE - Gidon Kremer, un violoniste haut de gamme Avec lui, même Bach c’est autre chose…

Il a un profil d’aigle. Lunettes au verre épais, silhouette filiforme, regard ardent, cheveux lisses aujourd’hui un peu disséminés et surtout ce violon, compagnon inséparable, niché au creux des épaules. Voilà un homme éperdument épris de musique et pour qui le violon est à la fois une planète et ses galaxies. Lui, c’est Gidon Kremer, l’un des violonistes, à cheval entre le XXe et le XXIe siècle, les plus doués et les plus impressionnants qui règnent sur le monde de l’archet depuis plus d’un demi-siècle. Avec un plénipotentiaire pouvoir d’interprétation qui laisse un peu pantois par la richesse, la variété et l’étendue de son registre. Pour les fins connaisseurs qui ont pourtant vu défiler des sous-Paganini et des sous-Sarasate, les Partitas de Bach ne retrouveront plus jamais leur force d’envoûtement, leur pouvoir d’évocation et d’invocation, leur intensité spirituelle et leur vibrato depuis que son violon les a visitées… C’est dire combien son talent, sa virtuosité et son approche des partitions, et non des plus faciles, sont uniques et exceptionnels. Né à Riga en Lettonie le 27 février 1947 de parents d’origine allemande, Gidon Kremer a su, sans nul doute très tôt, que sa vie est placée sous le signe des notes de musique et du violon. Peu lui importait le succès et la gloire. L’acharnement au travail et sa boulimie des connaissances musicales semblait, de toute évidence, sa destinée. Dès l’âge de quatre ans, son père et son grand-père, violonistes rompus au métier, l’initient à l’art de gratter les cordes de la « boîte magique ». À six ans, il entre à l’école de Riga pour la musique, et à seize ans, sa carrière est déjà entamée, grâce à ses remarquables performances, avec le premier Prix de Lettonie. Le voilà immédiatement propulsé dans la cour des grands non seulement en suivant des cours au Conservatoire de Moscou, mais en étudiant aussi sous la férule de David Oïstrakh. Et pleuvent brusquement les récompenses internationales les plus prestigieuses et les plus convoitées, allant du prix Reine Élisabeth (en 1967) aux compétitions Paganini et Tchaïkovski. Dès lors, la critique ne tarit plus d’éloges à son propos. Et pour beaucoup, actuellement, il est considéré comme l’un des plus grands violonistes de l’Europe et de l’Amérique. Un répertoire impressionnant et une activité musicale intense… Pour ce brillant musicien de soixante ans, d’une étonnante et constante jeunesse d’esprit et toujours à l’avant-garde de l’inspiration musicale moderne, le palmarès de ses innombrables activités, sortant aussi un peu du rang conventionnel et académique, laisse un peu rêveur. Les plus grands maestros de la scène internationale ont allègrement, et dans une fusion heureuse, donné la réplique à son violon. On cite volontiers, et ce n’est guère là une nomenclature exhaustive, Bernstein, Karajan, Eschenbach, Muti, Maazel, Mehta, Gergiev, Abbado, Ozawa et Sir Neville Marriner… Ses partenaires sous la flaque de lumière, pour ses multiples concerts aux quatre coins du monde, se nomment Martha Argeritch, Keith Jarret, Misha Maïsky, YoYo Ma, Valery Afanessiev, Vadim Sakharov… Gidon Kremer surprend, non seulement par ses nombreuses et différentes prestations avec les plus grands chefs d’orchestre et solistes, mais par sa prodigieuse vitalité (fondateur de l’ensemble de musique de chambre Kremerata Baltica, directeur des festivals de Gstaad, Art Projekt, Bâle) et sa culture musicale sans limites ni frontières. Plus de cent albums enregistrés à son actif (d’ailleurs il est le détenteur du Grand prix du Disque en 1981) et un répertoire qui inclut aussi bien la période baroque et classique (Vivaldi, Bach, Mozart…) en passant par que les trémolos romantiques (Brahms, Beethoven…) et les stridences sifflantes du XXe siècle (Enescu, Stockhausen, Berg, Henze, Schnittke). Aimé et sympathisé des compositeurs, dont il a d’ailleurs largement contribué à promouvoir l’inspiration contemporaine avec des œuvres parfois qui lui sont personnellement dédiées, Gidon Kremer a aussi bien interprété des pages d’Arvo Pärt, de Luigi Nono que de John Adams et Astor Piazolla. Palette colorée de son pouvoir d’interprétation où le classique et le moderne voisinent adroitement et dans la même justesse de ton. Jonglant avec un savoir-faire saisissant, avec toutes les nuances de la musique, le violon (un Nicolo Amati datant de 1641) de Gidon Kremer est plus qu’un enchantement. Du Deutsche Gramaphon à Teldec en passant par ECM records, les enregistrements de Gidon Kremer ont toujours fait sensation et l’évènement. Bien sûr on se rappelle – souvenir impérissable – sa Chaconne de Bach donnée dans le cadre du festival d’al-Bustan en 2005. Mais pour tous ceux qui n’ont pas pu l’applaudir à Beit-Méry (et ils sont bien plus nombreux qu’on ne le pense), quoi écouter en un début de soirée où la chaleur est torride et écrasante ? Le choix bien difficile mais un tour du côté du double concerto pour Brahms (avec Maisky Bernstein) ou parcourir Georges Enescu sont bienvenus. Pourtant, le mieux serait d’écouter, dans le recueillement le plus absolu, ces fabuleuses pages des Partitas de Bach où le violon de Gidon Kremer, par-delà la notion d’un souverain art de l’interprétation, atteint des cimes inégalées… Edgar DAVIDIAN
Il a un profil d’aigle. Lunettes au verre épais, silhouette filiforme, regard ardent, cheveux lisses aujourd’hui un peu disséminés et surtout ce violon, compagnon inséparable, niché au creux des épaules. Voilà un homme éperdument épris de musique et pour qui le violon est à la fois une planète et ses galaxies. Lui, c’est Gidon Kremer, l’un des violonistes, à cheval entre le...