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Actualités - OPINION

Témoignage « Les trains de la mort », symboles sanglants d’une partition bâclée

Iqbal Farooqi avait 15 ans quand le Pakistan est né, le 14 août 1947, mais c’est le souvenir des abominables massacres entre hindous, sikhs et musulmans qu’a provoqués la décolonisation hâtive du « Raj » britannique qui a marqué à jamais sa mémoire. Il s’était engagé comme jeune volontaire pour prendre soin des réfugiés musulmans qui affluaient à Lahore, cité musulmane historique en plein cœur du Pendjab, en provenance de ce qui venait de devenir l’Inde indépendante. Mais à la gare, les trains qui arrivaient « ne transportaient que des cadavres atrocement mutilés, des femmes et des enfants comme des hommes », raconte-t-il, complètement effondré. « Les roues des trains projetaient du sang quand ils s’arrêtaient en gare puis, quand je suis entré dans les wagons, du sang jusqu’aux chevilles, il n’y avait plus un seul être vivant, ils avaient seulement épargné le conducteur pour qu’il puisse emmener le train jusqu’au Pakistan », pour l’exemple, souffle cet ancien fonctionnaire. « Dans ce carnage, j’ai vu la mort de l’humanité, je pourrais encore pleurer des heures et des heures », lâche-t-il. À Lahore, Iqbal Farooqi se souvient aussi des tueries qui visaient systématiquement les hindous et les sikhs. « Il suffisait d’évoquer les massacres de musulmans de l’autre côté de la frontière ou de voir arriver les trains pour déclencher de véritables boucheries, l’administration ayant complètement abdiqué et laissé les rues aux bandes armées », poursuit M. Farooqi. Le Pendjab, qui a concentré l’essentiel des massacres, avait vécu dans la paix des communautés des siècles durant, avec sa propre langue, quelle que soit la religion pratiquée. Les Britanniques l’ont scindé en deux. Nombre d’historiens reconnaissent maintenant que cela a été l’élément déclencheur du désastre. À 90 ans, Chaudhry Munir se souvient aussi du temps où il était garde de sécurité dans une petite compagnie du village de Khewra, dans le Pendjab occidental. La journée du 24 septembre 1947 a transformé sa vie en enfer. « Les Britanniques m’ont demandé d’assurer la sécurité dans un train qui transportait des centaines d’hindous vers le Pendjab oriental », raconte-t-il à l’AFP. « Nous étions quatre et on nous avait donné chacun un pistolet. Arrivé à Kamonke, près de la frontière indienne, le train s’est arrêté », se souvient-il. « La police nous a alors enfermés dans une pièce d’un wagon en nous disant de ne pas bouger, puis, à travers les fenêtres, je les ai vus vérifier que les passagers ne transportaient pas d’armes avant de partir », poursuit M. Munir. « À peine avaient-ils tourné les talons que j’ai vu arriver des hommes armés de poignards, épées et d’armes à feu et ils se sont mis à tuer tous les hindous, mes oreilles bourdonnent encore quand je me remémore les cris des femmes et des enfants », lâche-t-il d’une voix brisée. Dans les archives d’un journal local, on lit que, ce jour-là, dans ce seul train, 349 hindous ont été tués et nombres d’autres blessés. Rana JAWAD (AFP)
Iqbal Farooqi avait 15 ans quand le Pakistan est né, le 14 août 1947, mais c’est le souvenir des abominables massacres entre hindous, sikhs et musulmans qu’a provoqués la décolonisation hâtive du « Raj » britannique qui a marqué à jamais sa mémoire. Il s’était engagé comme jeune volontaire pour prendre soin des réfugiés musulmans qui affluaient à Lahore, cité musulmane...