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Actualités - CHRONOLOGIE

PATRIMOINE - Il y a passé l’été 1861 et écrit son brûlot la « Vie de Jésus » Ghazir dresse un monument en hommage à Ernest Renan May MAKAREM

Écrivain, philosophe et archéologue, Ernest Renan, qui a dirigé en 1861 des fouilles à Byblos, Sidon et Tyr, a séjourné du 22 juillet au 2 septembre à Ghazir où il a écrit son brûlot la « Vie de Jésus ». Demain dimanche 19 août, le conseil municipal de la ville lui rendra hommage et un monument qui lui est dédié sera inauguré. Une rencontre autour de sa vie et de son œuvre est également organisée. Elle regroupera MM. Patrick Toularastel, maire de Tréguier (ville natale de Renan) ; Ibrahim Haddad, président de la municipalité de Ghazir ; Jean Balcou, président du Comité Renan ; Hyam Mallat, Hareth Boustany, le RP Paul Féghali et Charbel Matta, professeur des Beaux-Arts à Bordeaux, bibliophile et cheville ouvrière de cette manifestation. «Fouillez la vieille Phénicie, on ne sait pas ce que cache cette terre. » Devant l’Académie des inscriptions, fin 1857, puis dans la Revue des deux mondes du 15 janvier 1860, Renan exprime son désir d’entreprendre des recherches archéologiques au Proche-Orient. Chargé de cette mission par le gouvernement de Napoléon III, il dirige durant un an des fouilles en Syrie et au Liban où « il eut le bon sens de comprendre que tout ce qui était dégagé de terre était immédiatement menacé de vandalisme ». L’imposante série d’objets archéologiques mis au jour fut alors envoyée au Louvre ! L’été 1861, fuyant la chaleur des villes côtières, Renan et sa sœur Henriette séjournent à Ghazir. Dans une maison à trois arcades, portant les couleurs de la pierre libanaise (toujours là, mais dans un état de délabrement avancé), le philosophe s’attelle à son brûlot la Vie de Jésus, où il explique les épisodes de la vie du Christ à la lumière d’une critique scientifique exigeante. Publié en 1863, l’ouvrage connaît un « succès foudroyant » et soulève « une tempête de contradictions et de haine... Pape, archevêques, évêques, curés, diacres et sous-diacres, tout le monde s’en mêle, sans parler du tiers ordre et des fils des ex-libéraux d’autrefois », écrit Marcelin Berthelot, ami de l’écrivain. Le ton neutre employé par Renan, ses mots simples font un contraste violent avec la hardiesse de sa pensée. Les lecteurs accusent un choc. « Ce court texte, à l’usage des classes populaires, introduit l’œuvre du philosophe dans les plus humbles chaumières. Il y a longtemps qu’il ne s’est pas fait autant de bruit autour d’un livre », souligne pour sa part Larousse. À Reims, Marseille, Montauban, Lyon, partout en France, les évêques condamnent l’œuvre que « les fidèles ne doivent pas lire, garder, vendre, prêter ». Ils font sonner le glas, réciter des prières de réparation. Rien n’y fait. En deux mois, six éditions sont épuisées. Né prêtre a priori Ce n’est pas la première fois que Renan est la cible des critiques de l’Église. En 1858, la polémique s’était engagée à propos d’un texte de la Bible que le savant, maîtrisant les langues araméenne, arabe et l’hébreu, avait traduit et dont il avait écrit la préface. Il y réfute l’interprétation du Livre de Job en faveur du dogme de l’immortalité de l’âme. Les autorités religieuses mettent l’ouvrage à l’index et interdisent aux catholiques de le lire. De même, le 22 février 1862, pour son premier cours au Collège de France où la coutume veut que ce jour-là l’amphithéâtre soit ouvert au grand public, Renan exprime des paroles contraires au dogme de la divinité du Christ : « Jésus (...) un homme incomparable. » Ces mots subversifs soulèvent un scandale énorme et provoquent des manifestations au Quartier latin. Le lendemain, les journaux en font leurs gros titres ; le clergé lance de hauts cris et un arrêté ministériel suspend le cours. Mais Renan, ancien séminariste de Saint-Sulpice, « débarrassé des contraintes religieuses », n’est pas homme à sacrifier sa liberté de penser. Ignorant les attaques, il publie un an plus tard, en 1863, la Vie de Jésus qui sera le plus grand scandale intellectuel du siècle et l’un de ses best-sellers traduits dans toutes les langues. Renan, qui était un savant connu du seul monde intellectuel, passe au premier plan de l’actualité et devient en quelques mois une personnalité parisienne. Il noue des amitiés avec les célébrités du second Empire, tels Sainte-Beuve, les frères Goncourt, Flaubert, George Sand, et compte au nombre des proches du prince Jérôme Napoléon, cousin de l’empereur. L’homme, qui a cristallisé autour de sa personne tant de passions politiques et religieuses, a été le théoricien des « États-Unis d’Europe », de la nation en tant que « principe spirituel », « le guide à penser de toute une génération ». Il est aussi l’auteur, pour ne citer que quelques œuvres, de l’Histoire des origines du christianisme ; du peuple d’Israël ; de La réforme intellectuelle et morale qui fait connaître son point de vue sur la société contemporaine ; de Mission en Phénicie où une masse d’informations a constitué le fondement de l’archéologie phénicienne ; du Prêtre de Némi et des Drames philosophiques dont certains seront adoptés au théâtre puis mis en scène. Et c’est la sculpture de ce grand homme, resté dans les mémoires comme un maître d’audace et de tolérance, qui prendra désormais place à Ghazir.
Écrivain, philosophe et archéologue, Ernest Renan, qui a dirigé en 1861 des fouilles à Byblos, Sidon et Tyr, a séjourné du 22 juillet au 2 septembre à Ghazir où il a écrit son brûlot la « Vie de Jésus ».
Demain dimanche 19 août, le conseil municipal de la ville lui rendra hommage et un monument qui lui est dédié sera inauguré. Une rencontre autour de sa vie et de...