Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

EFFEUILLAGE Lacrima Lamia EL-SAAD

Je suis produite par des glandes, mais en réalité je viens de beaucoup plus loin. Je prends ma source dans le cœur de l’homme où je n’existe pourtant pas. Le corps humain est, entre toutes, la plus belle réussite de la création. Les os brisés se ressoudent tout seuls pour peu qu’on les immobilise, les peaux écorchées cicatrisent, les anticorps luttent contre les microbes… Le corps sait se défendre et même, dans une certaine mesure, se guérir. Je fais partie de cet ingénieux mécanisme. Lorsque le cœur devient trop lourd et que la gorge se serre, j’apparais et apporte un soulagement considérable. Ne dit-on pas que les malheureux n’ont que leurs yeux pour pleurer ? Je suis leur dernier rempart ; je coule jusqu’à ce que le chagrin s’épuise. Selon les personnes et les circonstances, je me manifeste de différentes manières. C’est sous forme de sanglots que je suis le plus efficace : aux grands maux les grands remèdes. C’est ainsi que pleurent les enfants ; ils sont si petits que tout leur paraît grand. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, ils peuvent aussi pleurer en silence et laisser couler, avec beaucoup de dignité et de retenue, de très grosses larmes sur leurs petites joues. Les grandes personnes, et les hommes en particulier, ont honte de moi ; je suis perçue comme un signe de faiblesse. Pourtant, je les soulage… Ont-elles honte de se faire soigner lorsqu’elles sont malades ? Cependant, n’oublions pas trop vite que je ne suis pas uniquement compagne des mauvais jours. Je peux aussi être sollicitée par une forte émotion, un éclat de rire ou un bonheur trop grand. Mystère… Comment se fait-il que joie et tristesse produisent exactement le même effet dans les yeux des hommes ? Est-ce parce qu’ils ont peur de voir leur bonheur s’évanouir ? Parce qu’ils n’osent pas vraiment y croire ? Parce qu’il les dépasse ? N’oublions pas non plus qu’il y a, dans le grand livre de la vie, un chapitre dans lequel je joue un rôle capital et incontournable. C’est un autre mystère… Ainsi, je peux susciter l’attention et la compassion alors que je n’exprime strictement aucun sentiment ; alors que je ne suis qu’un moyen de communiquer, le moyen le plus élémentaire. Je peux servir à réclamer un jouet, les bras d’une mère affectueuse, le sommeil… Les larmes n’aiment pas la solitude. Puisque le rire est communicatif, il faut bien que les larmes le soient. Est-ce aussi pour cette raison que les hommes pleurent en silence ? Sont-ils avares de leurs douleurs ?
Je suis produite par des glandes, mais en réalité je viens de beaucoup plus loin. Je prends ma source dans le cœur de l’homme où je n’existe pourtant pas.
Le corps humain est, entre toutes, la plus belle réussite de la création. Les os brisés se ressoudent tout seuls pour peu qu’on les immobilise, les peaux écorchées cicatrisent, les anticorps luttent contre les microbes… Le...