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Actualités - CHRONOLOGIE

L’entente Ryad-Téhéran-Paris-Le Caire : un faux dilemme pour Damas et Washington Jean ISSA

La solution doit venir des Libanais eux-mêmes. C’est ce que proclament à l’unisson, la main sur le cœur, tous les gouvernements impliqués dans le dossier libanais. Que cela soit à titre de conciliateurs ou de coaches des pugilistes. Un désintéressement pudique, bien trop modeste en réalité. Car le faisceau de conseils, voire de directives, qu’ils prodiguent à tire-larigot constituent tout à la fois, ou contradictoirement, un des éléments les plus essentiels de la crise, une feuille de route pour en sortir et un barrage antirèglement. Quoi qu’il en soit, au fil des jours, des semaines et des mois, les diverses médiations étrangères se sont affinées pour finir par converger vers l’initiative centrale (centrale parce que étant la seule à pouvoir être officialisée) de la Ligue arabe. Sous-entendu du Caire, dont Amr Moussa, le secrétaire général, dirigeait naguère la diplomatie. Les missions successives de l’intéressé ont toujours achoppé, comme il l’a assez clairement laissé entendre à plus d’une reprise, sur le « niet » syrien. On se rappelle de la sorte que dès le départ, Assad lui avait déclaré sans fausse honte que sans enterrement du tribunal international, il ne lèverait pas le petit doigt pour faciliter une solution au Liban. Ce qui revient à dire qu’il ferait tout pour la contrer. Et, à en juger par la situation présente, il a bien tenu parole. Même la dernière tentative de la Ligue, fortement nuancée par la présence qatarie en faveur de Damas, a été sèchement récusée par le régime syrien. Il faut cependant reconnaître que cette mission était pour le moins ambiguë. Elle a été enclenchée, au départ, par une plainte du gouvernement Siniora devant le Conseil de la Ligue, portant sur la frontière-passoire avec la Syrie et sur la déstabilisation. Le Conseil, réuni au niveau des ministres des Affaires étrangères, avait donc prié une délégation, dirigée par Moussa, de traiter ces éléments à Beyrouth et à Damas. Mais avant d’aboutir, dans la capitale syrienne, à un échec sur les points qu’ils étaient censés régler, les Arabes s’étaient déjà englués, dans la capitale libanaise, dans les contradictions du clivage interlibanais. Ils ont multiplié recommandations et incitations. Alors qu’en l’occurrence, la Ligue était sollicitée, en tant qu’organisation régionale, pour intervenir entre deux États, et non dans les problèmes intérieurs d’un pays membre. À Beyrouth, donc, les Arabes ont oublié de faire la distinction entre l’affirmation d’une prise de position dans un cadre déterminé, ce qui était l’objet de leur mission, et l’étalage de leurs opinions propres sur la crise interne. Cela s’est passé au mois de juin. Et pourtant, on en est déjà très loin. Un peu grâce, ou à cause, de Baradeï et de l’assouplissement sur le nucléaire iranien. Mais n’allons pas trop loin dans l’examen des facteurs internationaux ou régionaux, car on n’en finirait pas. Contentons-nous de constater un net rapprochement irano-français sur le dossier libanais, renforcé par l’adhésion du Caire et de Ryad. Ce qui donne, en pratique, un consensus quadripartite autour d’un package deal réservé au cas libanais. Un premier pas, peut-être, pour des négociations, éventuellement avec les Américains aussi, sur l’Irak et la Palestine. Bien entendu, cet arrangement reste inavoué. Pour deux raisons. D’abord parce que les capitales concernées s’égosillent à répéter que la solution doit sourdre du Liban même. Ensuite parce qu’il faut faire avaler la pilule aux Syriens, mais aussi aux Américains. Et comme cela reste, de toute évidence, pour le moins difficile, il n’est pas question pour Téhéran, Paris, Ryad et Le Caire de s’engager ouvertement dans un pari potentiellement perdant. Il reste que l’initiative non déclarée bénéficie de ce précieux allié qu’est le temps. Dans ce sens qu’il reste à peine deux mois, jusqu’à la présidentielle, pour éviter un éclatement du Liban que même les Syriens n’envisageraient pas de gaîté de cœur, car cela pourrait faire tache d’huile chez eux. Or aucun autre document de travail ne dégage pour l’heure autant de chances d’accord que le programme quadripartite off record. Mais quels en sont donc les tenants et les aboutissants ? Selon diverses sources diplomatiques qui se recoupent, le marché comprendrait les engagements suivants : – pas de second gouvernement ; – levée du sit-in dans le centre-ville de Beyrouth ; – cabinet d’union ou élargissement de la présente équipe Siniora pour qu’elle en tienne lieu ; – nouveau président consensuel ; – organisation, en tout cas, de la présidentielle dans les délais légaux ; – réouverture du Parlement ; – ajournement des législatives partielles à Beyrouth et au Metn ; – enfin, cela va de soi, trêve politico-médiatique. Cette distribution de cartes est, évidemment sujette à modifications en fonction des exigences de Damas et des réserves de Washington. La ligne syrienne ne peut en effet s’accommoder d’une solution véritable qui neutraliserait pratiquement son influence au Liban. Et réduirait à néant ses espérances de récupérer sinon la tutelle, du moins les deux tiers de ses avantages antérieurs. Pour ne déplaire ni aux Iraniens, auxquels il est viscéralement lié, ni aux Saoudiens, ni aux Égyptiens, qui le protègent face à Bush, le régime syrien serait sans doute disposé à composer. Comme il l’avait fait, côté prévention de heurts entre sunnites et chiites libanais, en janvier dernier. Mais il n’irait presque certainement pas jusqu’à permettre une solution interdisant une replongée de crise. De leur côté, les Américains n’ont envie ni de donner de la marge à l’axe syro-iranien ni de dorer le lustre régional des Européens, et plus particulièrement des Français. Il faudra donc voir, dans les semaines qui suivent, quels détails il faudra apporter, retirer ou changer dans le programme précité. En se rappelant que, comme l’adage le dit, le diable est dans les détails…
La solution doit venir des Libanais eux-mêmes. C’est ce que proclament à l’unisson, la main sur le cœur, tous les gouvernements impliqués dans le dossier libanais. Que cela soit à titre de conciliateurs ou de coaches des pugilistes. Un désintéressement pudique, bien trop modeste en réalité. Car le faisceau de conseils, voire de directives, qu’ils prodiguent à tire-larigot...