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Actualités - OPINION

Attention, on brade ! Gilbert FOUMAREGE

Les résultats du baccalauréat libanais sont tombés et ça plafonne : plus de 80 % de reçue, en SV et SG ! Vous ne m’en voudrez pas de ne pas joindre à la majorité criarde mon « Koullouna… ». En revanche, je me pose tout de même quelques questions quant à la fiabilité de nos examens officiels. Cette proportion anormalement élevée de réussites m’y engage. Nous savons (par les candidats eux-mêmes) qu’il y va du déroulement des épreuves comme du train où va la nation : fraude et filouterie, système D et tricherie…, des surveillants « bienveillants », obligeant les candidats à se donner « un coup de main » les uns aux autres… Nous savons aussi (par des correcteurs eux-mêmes) que les corrections se déroulent dans des conditions proches de la prévarication (si, si, le mot n’est pas trop fort) et il me souvient avoir lu dans cette tribune même le billet d’une jeune candidate au brevet 2006 qui nous narrait les « anomalies » avec lesquelles s’étaient déroulées les épreuves ! Alors, je vous le demande : y a-t-il lieu de pavoiser et de se réjouir de pareilles performances, compte tenu des conditions où elles sont faites ? Cela est tout bonnement révélateur de l’état de délabrement de nos institutions. Certes tous les candidats n’obtiennent pas leur diplôme aussi honteusement, et nombreux sont ceux qui le méritent. Mais un nombre scandaleusement élevé le trouve dans une pochette-surprise et n’est pas, peu s’en faut, de niveau. Des amis, professeurs d’universités (qui ont toutes leurs facultés) ne tarissent pas sur le délabrement intellectuel de nos jeunes à l’entrée en faculté : indigence intellectuelle, paupérisation culturelle, incapacité à réfléchir, analyser, etc. Le constat est accablant. C’est comme si nos jeunes étaient « formatés » pour une économie de marché où le terme d’« économie » renvoie davantage à la parcimonie qu’à l’art d’administrer des biens ! Et où le mot « marché » s’assimile à celui de « braderie » avec ce qu’il comporte de « liquidation » et d’« abandon ». Le bazar, quoi ! C’est qu’on brade à tour de bras dans notre pays : le territoire, les êtres humains, les valeurs… Tous ces jeunes, dont on se moque en leur donnant l’illusion qu’ils sont prêts à entrer dans la vie active, sont des êtres sans histoire (au sens figuré) et sans passé (au sens propre), au nez desquels on agitera le drapeau blanc de la reddition pour en faire de futurs travailleurs au rabais, dont les prétentions salariales ne seront jamais bien élevées. Les dirigeants de ce pays ont depuis quelques années œuvré pour y établir la misère ; il était logique que, parallèlement, ils y réhabilitassent l’ignorance. La seconde faisant passer facilement la première ! Autrefois, le baccalauréat était la reconnaissance d’un apprentissage et d’un savoir acquis pleinement par ses seules aptitudes. Il était un rite de passage et il n’est pas de rite de passage qui ne soit difficile, douloureux même… Sortir de l’adolescence, c’est toujours un arrachement. Un examen qui donne aux jeunes le droit d’entrer dans le monde des adultes ne peut être, ne doit être bradé. Il est de toute première urgence de rétablir des examens qui ne soient pas des mascarades. Autrefois, le citoyen libanais était membre d’une communauté avec une histoire faite de luttes, de succès et de replis ; une dialectique de l’affrontement permanent qui faisait de lui un individu accompli au plan de l’identité et du savoir. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes semblent inadaptés et revendiquent une culture qui n’est jamais qu’une somme de comportements instantanés, tout le contraire d’une vraie réflexion et l’antithèse d’un vrai savoir. Être cultivé, avoir de l’instruction, être qualifié, cela suppose un travail soutenu, des connaissances solides, une volonté… toutes valeurs battues en brèche par un mimétisme de l’Occident (décadent) qui tient aujourd’hui lieu de culture. Nos experts de l’Éducation et les parents de nos jeunes candidats aux examens officiels doivent admettre que l’apprentissage est fait de traumatismes surmontés, de défaites et de déroutes retournées en victoire. On n’apprend pas sans blessures, on ne grandit pas sans humiliations ! Alors, réhabilitons l’effort et la constance, la discipline et le travail ; survalorisons la culture, la vraie, et refusons les « cultures » truquées et simulées qui sont à une vraie culture ce que l’éphémère est à la permanence. Enfin, aux jeunes bacheliers du millésime 2007 (et du futur), je veux dire que le tout n’est pas d’obtenir son bac, mais de savoir qu’en faire. Méditez cette phrase d’Horace : « Tu sais vaincre Catilina, mais tu ne sais profiter de ta victoire. » Il ne faut pas qu’un jour vous ayez à vous dire : « Ah ! si c’était à refaire. » Gilbert FOUMAREGE Pédagogue Article paru le Mardi 17 Juillet 2007
Les résultats du baccalauréat libanais sont tombés et ça plafonne : plus de 80 % de reçue, en SV et SG !
Vous ne m’en voudrez pas de ne pas joindre à la majorité criarde mon « Koullouna… ». En revanche, je me pose tout de même quelques questions quant à la fiabilité de nos examens officiels. Cette proportion anormalement élevée de réussites m’y engage.
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