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Actualités - ANALYSE

Analyse - Le scrutin du 11 juin a marqué une rupture entre Flamands et Wallons ; la survie du pays en jeu La Belgique plongée dans une crise inextricable

Un mois après les élections législatives du 11 juin, la Belgique est plus que jamais plongée dans une crise politique apparemment inextricable et lourde de risques pour la survie du pays. Souvent annoncé, toujours évité, le divorce entre Flamands et Wallons est désormais publiquement évoqué par les politologues les plus modérés du royaume. Le principal magazine francophone, Le Vif/L’Express, vient de donner un large écho à cette sombre prévision étayée par les réflexions du directeur général du Centre de recherche et d’information sociopolitique (Crisp), Vincent de Coorebyter. « Pour la première fois, la situation arithmétique postélectorale peut mener à la fin de la Belgique », estime-t-il. Même si d’autres politologues se montrent plus optimistes, comme Pascal Delwitt, de l’Université libre de Bruxelles, ou Carl Devos, de l’Université de Gand, qui parient tous deux sur un « compromis à la belge », la situation est très sérieuse. Le 11 juin, la Belgique s’est réveillée plus divisée que jamais après un scrutin qui a marqué une véritable rupture. Sur le papier, le résultat des urnes devrait faciliter la mise en place rapide d’une coalition de gouvernement. Les socialistes flamands et wallons ont subi une déroute historique et sont prêts à faire une cure d’opposition. Les libéraux, auxquels ils étaient alliés depuis 1999, ont enregistré une belle progression du côté francophone et souhaitent gouverner avec les grands vainqueurs du scrutin, les démocrates-chrétiens, qui ont brillé en Flandre. L’orange bleue tarde à mûrir Une coalition « orange bleue », couleurs traditionnelles de ces deux formations politiques, est donc pratiquement la seule solution possible. Elle pourrait s’appuyer sur 81 des 150 sièges de la Chambre des représentants. Sur le plan politique et économique, cette alliance, qui pourrait être renforcée par les 12 écologistes, est naturelle. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle sont arrivés à la fois « l’informateur » nommé par le roi Albert II pour tenter de démêler l’écheveau, le président du Mouvement réformateur (libéral) francophone, Didier Reynders, puis son « médiateur », l’ancien Premier ministre démocrate-chrétien Jean-Luc Dehaene. Mais ce dernier n’a toujours par été remplacé par le « formateur » du gouvernement qui serait Yves Leterme, président des démocrates-chrétiens flamands (CD&V) appelé par son éclatante victoire à devenir Premier ministre. C’est que Jean-Luc Dehaene, surnommé « le démineur », se retrouve devant un champ de mines peut-être trop dense même pour ses extraordinaires talents de négociateur. « J’avance et je recule sur tout », a-t-il ironisé en qualifiant sa tâche de « mission impossible ». La raison du blocage actuel est à chercher dans les résultats en Flandre, une région riche où règne le plein-emploi qui ne veut plus s’encombrer du boulet économique d’une Wallonie lestée par ses 20 % de chômeurs et ses scandales de corruption. Près de 60 % des Flamands ont, pour la première fois, apporté leurs voix à des partis qui prônent soit l’indépendance de la Flandre, soit la création d’une confédération lâche dans lesquelles les derniers bastions de l’unité nationale, comme la sécurité sociale, seraient gérés par les régions. Yves Leterme, actuel ministre-président de la Flandre, a présenté une liste commune avec des nationalistes flamands partisans de l’indépendance de leur région et martèle son exigence d’une nouvelle « réforme de l’État ». « Défiance totale » entre Flamands et Wallons « La Flandre doit pouvoir mener sa propre politique économique et sociale », a déclaré Marleen Vanderpoorten, présidente du Parlement flamand, en demandant que les soins de santé, les allocations familiales, l’emploi et l’impôt sur les personnes physiques soient également gérés par les régions. Ils réclament aussi la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde, ce qui empêcherait les quelque 200 000 francophones installés à la périphérie de la capitale de voter pour des candidats de leur langue. Si les francophones sont divisés politiquement, un dossier les unit toutefois : ils ne veulent pas d’une nouvelle réforme de l’État qui risquerait d’aggraver les difficultés de la Wallonie. De manière frappante, ce sont les alliés « naturels » de Leterme, les démocrates-chrétiens francophones du parti Centre démocrate humaniste (CDH), qui sont le plus opposés à un nouveau déshabillage de l’État central au détriment des francophones. La situation est d’autant plus inextricable que si le CD&V se sépare de son allié nationaliste de la NVA pour former une coalition, il perdra son statut de premier parti du pays. Signe des tensions croissantes, les députés flamands ont élu jeudi dernier un candidat du Vlaams Belang, parti d’extrême droite condamné pour « racisme » par la justice belge, à la vice-présidence de la Chambre des représentants. « On n’a connu aucune rentrée parlementaire qui exprime une tension aussi palpable entre les communautés », souligne Le Soir dans un éditorial, regrettant la rupture du « cordon sanitaire ». « L’incompréhension est immense. La défiance, totale. » Certains, en Flandre, sont prêts à refuser de former un gouvernement, ce qui entraînerait une crise politique. « Il serait stupide de former un gouvernement juste pour en avoir un », a ainsi déclaré Herman Van Rompuy, président de la Chambre et poids lourd du CD&V. « Cela n’est pas une négociation normale, c’est une négociation de crise. »
Un mois après les élections législatives du 11 juin, la Belgique est plus que jamais plongée dans une crise politique apparemment inextricable et lourde de risques pour la survie du pays.
Souvent annoncé, toujours évité, le divorce entre Flamands et Wallons est désormais publiquement évoqué par les politologues les plus modérés du royaume. Le principal magazine francophone, Le...