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Tabac - À partir de demain, les lieux publics deviennent non fumeurs en Angleterre Les bars à chicha de Londres mobilisés contre l’interdiction de fumer

De plus en plus à la mode chez les jeunes, les bars à chicha (narguilé) pâtissent de la nouvelle loi interdisant de fumer dans les lieux publics en Angleterre, et certains ont déjà mis la clé sous la porte. Sans le narguilé – qui consiste à fumer un mélange de tabac et de pâte parfumée avec une pipe à eau –, des dizaines de restaurants vont perdre leur principal attrait touristique. Pour les salons à chicha (sans restauration), c’est la disparition de leur unique activité. « C’est un désastre, nous ne savons que faire car nous sommes liés par un bail de onze ans signé en 2003 », explique à l’AFP Youssef Benfadel, propriétaire d’un lounge et de deux restaurants dans Queensway (centre de Londres). « En plus, la municipalité refuse la transformation du Mamounia Lounge en restaurant », a-t-il précisé. Selon lui, la disparition des bars à chicha – où aucun alcool n’est servi en général – aura aussi des incidences économiques plus vastes : « La population arabe et asiatique génère beaucoup d’activité pour le tourisme, le shopping et le jeu. De nombreux Européens viennent également pour la chicha. Ils iront dans d’autres pays. » Pour sauver cette tradition, de plus en plus à la mode chez les jeunes Anglais, l’Association des commerçants d’Edgware Road – artère de Londres réputée pour ses nombreux bars à narguilé – a lancé la « Campagne pour sauver la chicha », offerte dans 500 établissements en Angleterre. Une pétition sur le site Internet du Premier ministre britannique a recueilli près de 10 000 signatures. Une autre, sur papier, en a recueilli près de 20 000 auprès des amateurs. « La chicha fait partie de notre culture, son interdiction va détruire toute une communauté », a prévenu Ibrahim el-Nour, président de l’Association des commerçants d’Edgware Road et coordinateur de la « Campagne pour sauvegarder son passe-temps favori ». « Les hôpitaux psychiatriques et les prisons vont bénéficier d’exemptions, pourquoi pas la chicha ? Même à New York où la réglementation est très stricte, ils ont épargné les bars à chicha », explique-t-il à l’AFP. Murad Qureshi, un élu de Londres et fumeur de chicha, a reconnu qu’il était « trop tard » pour changer la loi, mais « elle peut être appliquée avec une certaine latitude. Je m’inquiète des effets culturels et économiques ». Jusqu’à présent, le ministère de la Santé était clair : « Il n’y aura pas d’exemption pour la chicha », a indiqué une porte-parole. La nomination jeudi d’Alan Johnson à la tête du ministère pourrait faire bouger les choses car « il est sensible à notre problème », selon M. Benfadel. Les pouvoirs publics s’appuient sur un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2005 : « Utiliser une pipe à eau pour fumer du tabac expose les fumeurs et les autres à des risques très graves » à cause des toxines dégagées par le charbon ou la braise servant à chauffer la mixture et de la fumée inhalée. Selon plusieurs experts, un fumeur absorbe 200 fois plus de fumée dans une session d’une heure de narguilé qu’avec une cigarette de cinq minutes. Des arguments rejetés par les prochicha qui relèvent qu’il n’y a pas d’accoutumance car la nicotine est quasi inexistante. « Tout le monde parle depuis des semaines de cette date redoutable. Que va-t-on faire à partir du 1er juillet ? » s’inquiète Ranna, 21 ans. « Fumer la chicha, c’est convivial. On se retrouve pour discuter, jouer aux cartes, retrouver un peu l’ambiance de chez nous, écouter de la musique. C’est multiculturel, avec beaucoup de non musulmans qui viennent », ajoute-t-elle. Pour ces jeunes, le pub et le night-club ne sont pas des alternatives : « On ne peut pas discuter, c’est trop bruyant et on peut se faire agresser », explique Zohreh, une étudiante en psychologie de 20 ans. Toutefois, si les bars à chicha ou l’industrie du bingo se plaignent de cette nouvelle réglementation, l’Association britannique des pubs et de la bière (BBPA) se frotte les mains. « L’interdiction de fumer va profiter aux pubs. Cela va nous permettre de faire revenir des gens qui ne venaient plus à cause de l’atmosphère enfumée, cela va nous permettre d’attirer les 75 % de la population qui ne fument pas, mais aussi de garder nos clients fumeurs avec nos espaces extérieurs », explique Mark Hastings, porte-parole de la BBPA qui représente la moitié des 60 000 pubs britanniques. La perspective de cette interdiction a déjà incité de nombreux Britanniques à éteindre leur dernière cigarette, ou en tout cas à essayer. Le marché des produits pour arrêter de fumer franchira cette année au Royaume-Uni la barre des 100 millions de livres (148 millions d’euros), soit un bond de 40 % depuis 2002, selon le groupe de recherche Mintel, tablant sur 140 millions (207 millions d’euros) en 2011. À côté des traditionnels patches et chewing-gums, la gamme de substitution comprend un spray buccal qui donne la nausée en cas de rechute, du gel pour les mains à l’extrait de tabac ou encore une boisson à la nicotine. Il existe même un kit pour abandonner la cigarette en deux semaines.

De plus en plus à la mode chez les jeunes, les bars à chicha (narguilé) pâtissent de la nouvelle loi interdisant de fumer dans les lieux publics en Angleterre, et certains ont déjà mis la clé sous la porte.
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