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Actualités - CHRONOLOGIE

Le recteur de l’USJ dans l’ordre de la Légion d’honneur Émié salue en Chamussy « un grand serviteur de la francophonie » dans un Liban devenu sa « seconde patrie »

Au cours d’une cérémonie émouvante où le sentiment d’amitié n’a cessé d’affleurer, l’ambassadeur de France au Liban, M. Bernard Émié, a remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur au Pr René Chamussy s.j., recteur de l’Université Saint-Joseph. Remise au nom du président Jacques Chirac, la Légion d’honneur « vient couronner une haute figure universitaire et morale qui, à Beyrouth depuis trente-huit ans, a fait de l’Université Saint-Joseph la première université francophone du Moyen-Orient », écrit le chef de l’État français dans une lettre au recteur. « Elle récompense aussi votre engagement en faveur de la coopération avec notre pays et vos efforts pour resserrer les liens entre le Liban et la France », ajoute-t-il. La cérémonie s’est tenue à la Résidence des Pins, en présence des membres du conseil stratégique de l’USJ et d’un certain nombre d’amis. Avant de remettre au Pr Chamussy sa décoration, l’ambassadeur de France a évoqué, dans un discours, le parcours d’un homme né à Lyon en 1936, mais que « le destin », sous la forme d’un poste de coopérant, a conduit au Liban, précisément au Collège Notre-Dame de Jamhour. Grâce à Jamhour, René Chamussy fera la rencontre de celui qui va devenir « un grand compagnon » sur son chemin, le père Sélim Abou. C’est beaucoup en vertu de cette amitié qu’il reviendra au Liban, en 1969, et que son parcours finira par se confondre avec l’histoire du Liban, qui deviendra « naturellement sa deuxième patrie ». Ce parcours ne le ménagera pas. Il lui fera goûter « l’amertume et l’angoisse du confident des âmes » et la perte de compagnons « victimes innocentes d’une violence qui se déchaîne aveuglément ». Le Pr Chamussy « échappera lui-même au pire, lorsque le bateau devant vous mener à Chypre est bombardé dans le port de Jounieh », rappellera l’ambassadeur de France. D’une responsabilité à l’autre, au sein de l’Université Saint-Joseph qui est, avec sa famille et la Compagnie de Jésus, l’une des structures qui le portent, le Pr Chamussy finira par accepter en 2003 « l’écrasante responsabilité » du poste de recteur, qu’il va exercer notamment « dans le contexte parfois pesant de la tutelle syrienne » comme dans l’exaltation du « printemps de Beyrouth ». C’est, paradoxalement, « dans ces années de guerre que je me suis senti très libanais », devait affirmer le recteur Chamussy dans son discours de remerciement. « Je compris que je ne pouvais m’enfuir de ce pays et que je devais rester franco-libanais en diable », a-t-il souligné. Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits des discours prononcés à la Résidence des Pins, et d’abord de celui de l’ambassadeur de France, Bernard Émié : « (…) L’Université Saint-Joseph a été sous votre mandat, dans le contexte parfois pesant de la tutelle syrienne, le lieu d’affrontements réguliers et brutaux avec certaines forces de l’ordre. Il a été aussi celui de grandes manifestations lors du printemps de Beyrouth de 2005 et depuis, celui de débats internes complexes et parfois houleux. Mais vous veillez toujours à encourager vos étudiants à faire preuve de libre-arbitre, à se montrer des citoyens libres, imaginatifs, audacieux, et vous les invitez aussi à s’investir au sein de toutes les instances étatiques et économiques nationales. Vous leur demandez d’être bien sûr des citoyens du monde, mais avant tout des cadres intègres et performants réfléchissant à la création d’un État moderne et à l’affirmation de leur nation dont ils ont toutes raisons d’être très fiers et de vouloir la sauvegarder dans ses constantes et dans ses caractéristiques fondamentales. » Le « navire amiral de la francophonie » « Au-delà de votre personne, la France souhaite bien entendu rendre hommage à l’USJ et à ce qu’elle incarne depuis tant d’années (…) en étant le navire amiral de la francophonie au Proche-Orient (…) Cette francophonie, Monsieur le Recteur, n’exclut pas l’ouverture sur les autres langues, les autres mondes, ce que vous faites dans le Golfe, en Chine, avec l’ouverture visionnaire du centre Confucius, et aux États-Unis. Mais vous savez combien les valeurs de la francophonie, et de la diversité culturelle sont les meilleures garanties de cette spécificité de l’USJ. » « Vous êtes un recteur visionnaire, un bâtisseur aussi, soucieux de toujours mieux développer et moderniser votre université (…) Vous êtes aussi de ces hommes de religion qui forcent le respect, dont le regard, traduisant l’autorité morale, élève l’âme. Vous êtes un homme libre, qui n’a jamais craint de dire la vérité, de lutter contre les préjugés, même aux heures les plus sombres. Vous êtes un grand serviteur de la pensée française et de la francophonie, dans un Liban qui est devenu naturellement votre deuxième patrie » (…). Une guerre « inutile, injuste et absurde » Et M. Émié d’ajouter : « Monsieur le Recteur, sans vouloir heurter cette modestie naturelle qui vous honore, laissez-moi souligner aussi vos qualités humaines exceptionnelles, ce sens infaillible des responsabilités du service public, ce sens aussi de l’amitié qui est l’un de vos ressorts majeurs (…) Mais quelle générosité aussi et quelle force dans l’épreuve. J’ai le souvenir, Monsieur le Recteur, de notre travail en commun, de notre dialogue pendant la guerre inutile, injuste et absurde de l’été 2006. J’ai le souvenir d’une réunion au rectorat de Saint-Joseph, le samedi 29 juillet, entourés des membres libanais du conseil stratégique et auquel vous m’aviez invité. Ensemble, alors que la folie destructrice de la guerre, d’une guerre qui devait durer 33 jours, s’abattait sur le Liban, nous réfléchissions non loin du vacarme des bombes à la rentrée scolaire, à la rentrée universitaire, à la manière dont nous allions gérer une situation pleine d’incertitudes. C’était pour moi une première expérience du feu et des décisions à prendre dans l’urgence. J’ai senti en ces moments beaucoup d’inquiétude chez vous, mais aussi beaucoup de sérénité par rapport à une situation qui vous en rappelait sûrement d’autres. Quel bel exemple et quelle belle leçon que ces moments de travail en commun, ces moments de solidarité aussi pour les Français et les Franco-Libanais du Liban dont beaucoup furent accueillis à Saint-Joseph. » « (…) Permettez-moi, pour conclure, de rendre hommage à ce grand Français que vous êtes, qui aura contribué à façonner, avec d’autres, l’histoire du Liban moderne, fidèle ici à votre patrie, à vos racines, à votre formation, à cet esprit universel du génie français et des valeurs que vous incarnez si bien ici. La France sait ce qu’elle vous doit. Pour l’ensemble de ces raisons, Jacques Chirac, alors président de la République, a souhaité vous distinguer dans l’ordre de la Légion d’honneur. » « Désarroi et perplexité » Dans son allocution de remerciement, le Pr Chamussy a déclaré : « Je lisais ces derniers temps les Mémoires ou, compte tenu de la composition étrange de l’opuscule, les évocations multiples d’un auteur célèbre, célèbre du fait de son parcours d’homme politique, célèbre aussi du fait de ses écrits et des pièces de théâtre qu’il sut produire. Et ce personnage, Vaclav Havel, disait son désarroi et sa perplexité : comment, lui qui avait choisi de dire l’absurdité du monde en ses créations dramatiques, pouvait-il se retrouver, perdu dans une vie de représentation, à dire des discours convenus et aux aspérités limées. Je ne saurais certes me comparer à un tel personnage, mais dans un tout autre ordre de grandeur, je me sens habité d’un désarroi semblable. J’avais choisi pour moi-même de vivre une vie religieuse libérée de ce que l’on appelle tous ses aspects “mondains” et je me retrouve au cœur d’une cérémonie qui m’intimide fort, entouré d’amis tout autant que de personnalités fort respectables du monde universitaire et sociopolitique… Que dire de tout cela ? » « (…) S’il est des structures qui nous portent, il est aussi des personnes qui participent à nos cheminements. C’est ainsi qu’un supérieur me manda, alors que je me préparais à partir pour la guerre d’Algérie, de m’envoler pour le Collège de Jamhour à Beyrouth. J’eus quand même le temps de m’y préparer à la rue de Grenelle à Paris en compagnie de Sélim Abou qui écrivait alors sa thèse sur le bilinguisme, un compagnonnage qui n’allait plus cesser. Après cela, ce fut la découverte de cette étonnante jeunesse libanaise, ce fut la création de réseaux d’amis, ce fut l’insertion à l’université dans des équipes de collaborateurs fidèles. » « Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse et de dire que c’est dans ces années de guerre que je me suis senti très “libanais”. Non que j’ai renié alors ma patrie d’origine, cette patrie qui m’honore aujourd’hui, mais je compris que je ne pouvais dès lors m’enfuir de ce pays et que je devais rester franco-libanais en diable, handicapé du fait de mes blocages linguistiques, mais très lié à ce pays dont je ne quêterai pas la nationalité et qui était pour moi désormais toute une histoire et un réseau de relations et un peuple avec qui je devrais m’évertuer de vivre. » Vivre pleinement l’expérience de l’USJ « C’est dans cet état d’âme que je me suis décidé à vivre à plein l’expérience de l’Université Saint-Joseph, d’y enseigner, d’y assumer ce qu’il y avait à assumer. Cette décision, j’avoue ne jamais avoir eu à la regretter. Refondée pendant la guerre par le P. Jean Ducruet, dotée d’une aura sans pareille par le P. Sélim Abou, notre Université bénéficie d’un ensemble de responsables de haute qualité et c’est avec eux qu’il m’a été donné de travailler de façon merveilleuse. » (…) « Et c’est ainsi que notre université a poursuivi sa route, fidèle à son engagement francophone, fidèle aussi à son souci de marquer toujours davantage son impact dans le monde arabe, dans le monde tout court, fidèle enfin à travailler dans le respect des valeurs qui furent toujours les siennes : la liberté, bien sûr, mais aussi le respect des personnes, les droits de l’homme. C’est à l’ombre de ces données que notre université s’est retrouvée comme elle le fut toujours aux côtés de ceux qui l’avaient toujours soutenue, de la France en particulier. » « Les derniers mois que nous avons vécus au Liban n’ont pas été faciles et je ne suis pas près d’oublier, Monsieur l’Ambassadeur, les moments où, la guerre faisant rage, nous nous sommes retrouvés avec les membres libanais du conseil stratégique pour tenter de décrypter l’avenir. Avec vous, nous avions décidé d’aller de l’avant et, surtout, de ne rien lâcher. Et je ne pense pas que nous eûmes tort. C’est ainsi que, pour nous, la France, par-delà le jeu de ses “enveloppes” de la Mission culturelle, prenait un visage plus humain : nous traversions ensemble ces drames du Liban (…) Puisse l’avenir nous aider à poursuivre notre route malgré tant d’embûches et dans une solidarité qui ne faiblira pas. »

Au cours d’une cérémonie émouvante où le sentiment d’amitié n’a cessé d’affleurer, l’ambassadeur de France au Liban, M. Bernard Émié, a remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur au Pr René Chamussy s.j., recteur de l’Université Saint-Joseph. Remise au nom du président Jacques Chirac, la Légion d’honneur « vient couronner une haute figure universitaire...