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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - « Voix dans le noir » d’après un texte de Matéi Visniec, ce soir, au Zico House Les marionnettes-métaphores d’Éric Deniaud

«Dans notre pays, le lavage de cerveau est gratuit. Chaque citoyen doit se laver le cerveau au moins une fois par an. Ceux qui essaient de se soustraire au lavage de cerveau seront déclarés ennemis de l’harmonie sociale. » Une radio diffuse ce message en boucle sur fond de musique dans le style des publicités françaises des années cinquante. Un homme aux yeux globuleux et au crâne surdimensionné s’acharne à massacrer toutes sortes de petites créatures mi-humaines, mi-animales… Bienvenue dans le monde merveilleux des marionnettes… Oui, mais celles qui gravitent dans le spectacle Voix dans le noir sont loin d’être de gentilles créatures colorées. Il y a là une vingtaine de personnages caricaturaux, « au regard curieux et ahuri, comme hébétés devant l’absurdité de notre société », dixit leur créateur, et qui prennent vie dans une scénographie minimale : un cadre de fenêtre ouvert sur le monde et ses paradoxes. Ces petits masques et marionnettes à tringles sont manipulés à vue par Éric Deniaud. Voix dans le noir, créée en 2002 dans le cadre de la compagnie Drolatique Industrie, a déjà tourné 60 fois en France, Italie, Pologne et Roumanie. Elle est au programme du Zico House ce soir, à 20h00. Tiré de Théâtre décomposé ou l’homme-poubelle, pièce du dramaturge et journaliste roumain Matéi Visniec, le spectacle est composé de quatre séquences. Ces scènes indépendantes offrent « toute une palette de personnages hauts en couleur, qui ressemblent parfois à s’y méprendre à notre voisin de quartier ou à cette femme que vous ne connaissez pas, mais que vous croisez tous les jours en allant au boulot », indique le marionnettiste. En tant que marionnettiste, il dit avoir découvert « une liberté immense » qu’il n’aurait jamais trouvé en tant que comédien et ce pour « pouvoir interpréter les choses de toute autre manière ». Il faut dire que l’objet de sa pratique offre en effet des possibilités illimitées, tant dans l’aspect technique que dramaturgique. La marionnette est une métaphore. On peut lui faire dire n’importe quoi. Et elle permet également d’aborder tous les sujets. Voix dans le noir scrute par exemple les grandeurs et les misères de la société actuelle. La liberté d’expression, la mort, l’abandon, les responsabilités, autant de fardeaux de la vie qui se suspendent aux minces fils de ces personnages. L’auteur Matéi Visniec explore avec une ironie surréaliste les aléas de la société contemporaine. Il est passé maître de l’écriture laconique et du petit format concentré. Auteur aux visages multiples, le Roumain a toujours manifesté un intérêt particulier pour les « brèves théâtrales ». Ces petites formes correspondent parfaitement à son humour incisif et grinçant, coloré d’une pointe de cet absurde du quotidien qu’il maîtrise au plus haut degré. Les textes réunis ici sont en fait des modules théâtraux à composer. Avec ces monologues qui invitent à construire un ensemble, l’auteur a voulu imposer au metteur en scène une seule contrainte : la liberté absolue. Résultat : un spectacle sur le thème de la déshumanisation par un scribe contemporain de l’absurde. Voix dans le noir ? Une exploration poétique du monde d’aujourd’hui à travers le prisme grossissant du surréalisme des situations et des personnages. Il nous prouve, si besoin est, que la marionnette est un art qui possède un pouvoir de permission et d’évocation formidable, autant pour le créateur que pour le spectateur. Les gens s’identifient très rapidement à elle, car elle frappe l’imaginaire et touche aux sentiments les plus profonds. Il faudrait en user plus souvent. Le poète et romancier Paul Claudel ne disait-il pas que « la marionnette n’est pas un acteur qui parle, mais une parole qui agit » ? Maya GHANDOUR HERT

«Dans notre pays, le lavage de cerveau est gratuit. Chaque citoyen doit se laver le cerveau au moins une fois par an. Ceux qui essaient de se soustraire au lavage de cerveau seront déclarés ennemis de l’harmonie sociale. » Une radio diffuse ce message en boucle sur fond de musique dans le style des publicités françaises des années cinquante. Un homme aux yeux globuleux et au...