VIENT DE PARAÎTRE Flânerie à travers trois œuvres aux couleurs et tons divers

De Cuba à Lahore, en passant par la mythique Égypte, la littérature est une source inépuisable de voyages, surtout avec des romanciers talentueux et inspirés. Fiction, réalité, histoire ou témoignage, la littérature ouvre toutes grandes les portes non seulement sur un univers sans frontières, mais sur un imaginaire fécond, fascinant et turbulent. Des théories scientifiques aux trappes de l’histoire, en passant par les confidences personnelles devant les maladies graves, les écrivains prennent la plume pour une pause réflexion devant les événements qui les dépassent ou qui les frappent. À travers fiction ou reconstitution historique, parfois empruntant à l’une comme à l’autre, le roman se fraye des chemins partout. Petite flânerie à travers trois livres aux tons, aux couleurs, aux langues et aux atmosphères différents, mais tout aussi attachants et riches… Lecture édifiante et agréable pour un vrai voyage immobile tout en nuances. « La théorie des cordes », de José Carlos Somoza Connaissez-vous Somoza ? Il ne s’agit pas d’un dictateur de l’Amérique latine, encore moins d’un flibustier des Caraïbes. Non ce n’est pas non plus un explorateur comme Magellan, Vasco de Gama, Aguirre ou Christophe Colomb… Somoza est un nom qui fait rêver aujourd’hui des millions de lecteurs en langue hispanique d’abord, du monde entier toutes langues confondues ensuite. José Carlos Somoza est écrivain. L’auteur de La théorie des cordes (Actes Sud, 515 pages), en tête de vente du hit-parade du box-office des livres en librairies, se définit comme espagnol. Six ouvrages à son actif, qui l’ont propulsé au firmament des lettres. Magicien des mots et orfèvre des histoires bien ficelées, Somoza, cubain né en 1959 à La Havane, vivant à Madrid, est également psychiatre. Autant d’atouts pour construire un univers romanesque attachant qui savent garder la part de l’ombre pour le mystère et la séduction. Un peu à l’image des livres d’Ecco, qui sait doser rythme palpitant des thrillers ainsi que les détails historiques des périodes anciennes tout en soutenant le souffle des intermittences de cœur de ses personnages. Au fond d’un atoll de l’océan Indien, la fine fleur de la physique mondiale est en quête du Graal. C’est le décor planté pour la trame La théorie des cordes, avec l’émergence d’un personnage énigmatique, la physicienne Elisa Robledo, qui fait rêver plus d’un homme… Puissance narrative, rebondissements imprévisibles et magie incantatoire pour un auteur généreusement inspiré. « Au plus près de l’éternité », de Gamal Ghitany Le bilan d’une vie Ceux qui ont eu des problèmes de cœur, du point de vue chirurgical et non sentimental, savent de quoi parle Gamal Ghitany dans son livre Au plus près de l’éternité (édition du Seuil, 122 pages, traduit de l’arabe au français par Khaled Osman). Court récit autobiographique d’un auteur, dessinateur de motifs pour tapis à dix-sept ans et né en 1945 en Égypte, considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands écrivains des bords du Nil après Naguib Mahfouz. Bilan d’une vie quand, à l’âge mûr, le cœur fait des siennes…. L’opération à cœur ouvert reste une expérience terrifiante pour le corps, mais où les interrogations les plus secrètes et les plus profondes affleurent. Gamal Ghitany les aborde, dans une langue simple et claire, en toute humilité, avec l’ancestrale sagesse égyptienne qui garde une place particulière à l’âme, à une certaine spiritualité. Voyage impromptu pour une vie différente et aspects dévoilés, dans un lyrisme tout en pudeur, pour des parts d’ombres qu’on voulait peut-être éviter… « Un sultan à Palerme », de Tariq Ali Né à Lahore en 1943, Tariq Ali est une figure prépondérante de l’extrême gauche antilibérale au Royaume-Uni. Son œuvre littéraire est marquée par des essais politiques et historiques, et par deux cycles romanesques. Avec Un sultan à Palerme (édition Sabine-Wespieser, 356 pages, traduit de l’anglais en français par Diane Meur), premier volet des cinq romans qui constituent Quartet de l’islam, Tariq Ali interroge la civilisation musulmane à travers le temps, dans sa dimension de tolérance, de culture et d’éducation. C’est l’amitié, vers les années 1153, entre deux hommes, le sultan Rujari et Idrisi, et en arrière-fond l’ombre de la belle Mayya, un amour de jeunesse, qui a fait battre le cœur du sultan et de son complice d’ami…Roman d’aventures, aux rebondissements multiples, querelles de familles, secrets d’alcôves, intrigues de harem, complots politiques, manipulations, confrontation des religions chrétienne et musulmane, voilà autant de sujets pour meubler une période charnière de la Sicile du XIIe siècle. Avec panache, saveur et un éclat particulier aux belles vies retentissantes d’aventures… Edgar DAVIDIAN