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LIVRES - « Sept pierres pour la femme adultère » de Vénus Khoury-Ghata Le droit à la liberté et à l’amour…

Trente-troisième opus d’une femme de lettres libanaise installée à Paris depuis 1970 et qui s’est érigée en flamboyante et ardente porte-parole de la francophonie. De l’art de taquiner les muses aux romans en passant par les nouvelles, Vénus Khoury-Ghata a bâti une œuvre littéraire aux couleurs, à la lumière, aux senteurs et aux saveurs de l’Orient. Un Orient dont elle n’a jamais pu se départager. Laissant, à son corps défendant, avec une émotion toujours débordante et jamais contenue, une bonne part de son cœur au pays du Cèdre où elle est née en 1937… Humour, lyrisme poétique, chant de la nature, descriptions cocasses des personnages de tous les jours, drames et combats de la femme orientale, sensualité omniprésente, vive et pétillante, sont les assises du tableau de chasse de la mythologie personnelle de l’auteure de Vacarme pour une lune morte. Une mythologie personnelle marquée par une sombre histoire de famille transformée en riche terreau d’inspiration romanesque, à travers une écriture française bruissante de modernité tout en étant nourrie d’un esprit éminemment levantin. Aujourd’hui, avec Sept pierres pour la femme adultère (Mercure de France-189 pages), Vénus Khoury-Ghata abandonne le cercle de la famille et les limites de ses souvenirs d’enfance pour entrer de plain-pied dans le monde arabe avec ce qu’il a de plus obscurantiste, de plus barbare et de plus révoltant. À savoir la lapidation des femmes pour adultère. Une image surgie des pays mordus par la poussière et la misère, une image de femme emmitouflée de « burka » au soleil de midi, une image de région désertique où la vie remonte parfois à des conceptions, des dépossessions, des isolements et des dénuements du Moyen Âge…Un récit et une occasion de plus de plus à l’auteure de La maestra pour défendre le droit à la liberté et à l’amour… Justement, dans un village aux portes du désert, nommé Khouf (sans jamais préciser le pays ou les frontières de cet espace reculé), Noor attend son châtiment. Elle est coupable d’adultère et condamnée par une « fatwa ». Sept pierres l’attendent « pour fêler sa tête comme une grenade mûrie au soleil de l’été ». Résignée, cette femme n’imagine pas pouvoir se soustraire aux traditions ancestrales et à la justice. Mais c’était compter sans l’intervention d’une Française au service d’une mission humanitaire qui, pour la sauver, bravera bien de tabous, de différences, d’interdits et de barrières. Solidarité, compassion et complicité de femmes qui savent le prix de l’amour, du plaisir, de l’érotisme, de la trahison, des ruptures, des abandons, de la maternité… Mais aussi la lâcheté des hommes et leurs désirs irrépressibles ! Du même côté de la même tranchée, ces femmes mènent, différemment, un âpre combat pour la « féminitude » dont Vénus Khoury-Ghata sert la noble cause en militante active et inspirée jusqu’au bout des ongles… Fabuleuse conteuse, Vénus Khoury-Ghata a le goût de la parabole, des dictons, des aphorismes, des lumières violentes, des vagabondages de l’imagination, des mots justes mâtinées de résonance arabe, des images à la fois surréalistes et baroques, et surtout le don de faire rire en toute impertinente et irrévérente candeur. Elle trace ici un récit faussement crayeux car grouillant de vie, d’anecdotes, de réflexions pertinentes, de situations saugrenues, de coups de griffe, d’impalpables caresses de houppettes pour « un teint de loukoum » ! Par petites phrases assassines et d’une clarté de lanterne magique, voilà une critique amusante d’une société en contradiction avec les valeurs occidentales, tout en gardant aux choses graves incontournables leur part de dérision et de sarcasme pince-sans-rire. Cette caricaturale mais émouvante petite fresque à quelques personnages, dominée surtout par des femmes, dénonce le machisme brut et brutal, l’obscurantisme aveugle, le sexisme sourd, les mentalités sclérosées, les comportements jaillis d’un autre temps, les attitudes frustes, les goujateries et grandeurs, tous deux imprévisibles, de l’être humain…Avec la drôle, distante, froide et tranquille acidité d’un dessin de Copi. Pour une histoire triste à mourir, l’attente de la mort, Vénus Khoury-Ghata a trouvé un ton unique et particulier pour dérider le lecteur et le faire rêver. Rire et rêve servis par une poésie légère, aux images sensuelles, coquines et colorées, qui emprunte volontiers à l’indignation, mais aussi à l’humour, un volet libérateur. Un des livres les plus accomplis, car probablement celui de la maturité, de l’auteure de Bayarmine qui s’est toujours positionnée sur l’échiquier des lettres, en toute franche liberté, en femme, au ton élégamment narquois et détaché. Edgar DAVIDIAN
Trente-troisième opus d’une femme de lettres libanaise installée à Paris depuis 1970 et qui s’est érigée en flamboyante et ardente porte-parole de la francophonie. De l’art de taquiner les muses aux romans en passant par les nouvelles, Vénus Khoury-Ghata a bâti une œuvre littéraire aux couleurs, à la lumière, aux senteurs et aux saveurs de l’Orient. Un Orient dont elle n’a...