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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITIONS Tortosa, ex-truand, ex-taulard, peintre et pédagogue

Ex-truand fiché au grand banditisme, ex-taulard à la Santé pendant 22 ans, François Tortosa expose ses peintures jusqu’au 8 juillet au Musée Singer-Polignac de l’Hôpital Sainte-Anne. « En 1977, j’ai été incarcéré au 42, rue de la Santé. En 2007, j’expose au... 100, rue de la Santé ! Il m’aura fallu 30 ans pour parcourir une centaine de mètres et passer de l’ombre à la lumière », raconte-t-il avec humour à l’AFP. La lumière, ce sont des scènes de rue colorées (« la vie de tous les jours ») évoquant l’art brut de Gaston Chaissac ou de Jean Dubuffet. Des toiles où Tortosa a pétri le sable, le papier mâché (« peu coûteux ») et la peinture. L’homme est rond et débonnaire. Sous le chapeau noir, des cheveux gris noués en queue-de-cheval, des yeux malicieux, mais où passent souvent des nuages. « J’ai en moi une plaie qui ne guérira jamais. J’ai fait mourir ma mère et mon père par mes actes. J’ai beau me noyer dans la peinture, je ne pourrai pas les faire revenir. J’ai payé, mais je ne peux effacer mon passé de truand. » Il y met pourtant une ardeur décuplée par son besoin de rédemption, travaillant avec les enfants handicapés de quartiers difficiles, comme à l’Institut médico-éducatif de Bobigny. « J’établis un lien affectif avec eux, je suis devenu comme un papa, un vieux frère. » Tortosa était d’ailleurs parti pour être instituteur. « Seulement, dit-il, j’ai basculé dans le banditisme. J’ai été arrêté à l’âge de 38 ans. C’était juste. J’avais fait pâtir la société en enlevant des PDG, des banquiers. » Il est condamné de respectivement 15 ans et 16 ans aux assises pour les enlèvements du banquier Bernard Mallet et de Guy Thodoroff, PDG de Saab. Arrêté par le commissaire Broussard, incarcéré comme « DPS » (détenu particulièrement surveillé, autrement dit dangereux), il ne songe qu’à s’évader. Ce sera dans la peinture. Dans sa cellule isolée. À 68 ans, Tortosa « espère avoir atteint le stade humain. Parce qu’un bandit, c’est une bête. Rusée peut-être, mais pas intelligente ». Il voue à sa femme (« une sainte ») une reconnaissance infinie pour l’avoir attendu 22 ans. « J’ai eu une chance inouïe d’avoir ces mains tendues. Mais je m’inquiète pour ces gosses qui échouent en prison. Parce qu’on ne leur y apprend rien. Telle que la prison est conçue actuellement, il est impossible d’échapper à la récidive. Les murs vous enlèvent tout. Votre avenir, votre passé, vos espoirs, vos larmes, votre rire. Les murs vous assèchent. Ceux qui ne sont pas des criminels endurcis le deviendront. La peinture m’a sauvé. En prison, j’ai lu énormément de bouquins sur les peintres. Puis j’ai commencé moi-même. Au début, je peignais des horreurs. Ma femme ne voulait même pas les regarder. Puis, c’est venu. Du fond de moi», dit-il. Il parle de ses enthousiasmes. Pour Van Gogh, Matisse, Nicolas de Staël qu’il place au-dessus de tous. Un jour Anne-Marie Dubois, psychiatre et conservateur des collections de Sainte-Anne, est venue voir son travail en Normandie. Et lui a proposé une exposition au Musée Singer-Polignac. « Je ne sais pas si j’ai confiance en moi, confesse-t-il. La peinture, ça rend humble. D’ailleurs, mon exposition s’intitule “Pitchic-Art”, de l’art modeste », dit-il. « Et en même temps, ça enrichit mon “ moi ” profond. Quand je travaille avec des handicapés mentaux, y compris des autistes, je compense ce que je n’ai pas su faire auprès de mes trois fils. J’ai transformé ma vanité de truand en orgueil d’honnête homme. » Annick BENOIST (AFP) « Pitchic’Art », Musée Singer-Polignac, Centre hospitalier Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, Paris 14e, jusqu’au 8 juillet.

Ex-truand fiché au grand banditisme, ex-taulard à la Santé pendant 22 ans, François Tortosa expose ses peintures jusqu’au 8 juillet au Musée Singer-Polignac de l’Hôpital Sainte-Anne.
« En 1977, j’ai été incarcéré au 42, rue de la Santé. En 2007, j’expose au... 100, rue de la Santé ! Il m’aura fallu 30 ans pour parcourir une centaine de mètres et passer de...