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Actualités - CHRONOLOGIE

CONFÉRENCE - Au CCF, une initiation, diapositives à l’appui, donnée par Thérèse Kabsa « L’art contemporain de 1960 à nos jours » : un « miroir qui accuse »...

Souvent difficile à appréhender, ardu à déchiffrer, l’art contemporain est assimilé à un art provocateur et nébuleux qui s’adresse exclusivement aux intellectuels. « Comme on apprend le langage de l’ordinateur pour pouvoir le manipuler, pour comprendre l’art contemporain, il faut apprendre un nouveau langage », assure Thérèse Kabsa, artiste peintre et architecte d’intérieur de formation, qui s’est initiée à la « lecture » des œuvres contemporaines. Au Centre culturel français, où elle a fait part de ses recherches et découvertes dans ce domaine au cours d’une conférence illustrée de diapositives, Thérèse Kabsa a commencé par affirmer que « l’art contemporain défend d’autres idées ». « Car, à la différence de l’art classique, contemplatif, qui porte au rêve, à la transcendance, à la recherche d’une certaine esthétique, le courant contemporain, qui se nourrit de la réalité et du quotidien, veut dénoncer les choses, montrer ce qui ne va pas. C’est un art qui veut faire réfléchir. » Née au cours d’un siècle riche en découvertes (notamment celles de nouveaux matériaux, tels le laser, les ordinateurs, le polyester, le polymère, etc.) et de remises en questions (les guerres mondiales, les crises économiques...), la création contemporaine, qui tend un miroir – souvent accusateur ! – à la société, ne pouvait plus s’exprimer uniquement au moyen des médiums traditionnels. « Peut-on traduire la bombe atomique à travers une peinture classique ? » s’interrogeait Jackson Pollock, l’un de ses pionniers. D’où l’émergence des installations, des vidéos, des performances ou encore de l’art corporel (dont la représentante la plus célèbre reste Orlan, qui critique une certaine forme d’esthétique en se faisant charcuter en public) qui vont s’accompagner de nouveaux contextes d’exposition, de certaines œuvres éphémères notamment : comme les espaces ouverts, Internet, etc. « Voilà ce que vous voulez ! » Précurseur et véritable « père » de cet art « cérébral, multimédia et interactif », c’est Marcel Duchamp qui, le premier, en exposant en 1913 à la Tate Gallery à Londres une roue de vélo fixée sur un tabouret, a libéré la pratique de l’art des contraintes classiques de représentation. « Un geste provocateur destiné à faire réfléchir sur l’impact négatif de l’industrialisation tellement forte que la main de l’artisan n’avait plus de valeur. Par cette introduction de l’objet préfabriqué dans l’art, ce “ready-made”, il semblait dire voilà ce que vous voulez ! » explique Kabsa. Par cette désacralisation de l’œuvre d’art, le spectateur est amené à substituer à son appréciation de la beauté d’une œuvre la recherche de sa signification, « de ce que l’artiste a voulu dire ». La plupart des ouvrages, lorsqu’ils évoquent l’art contemporain, traitent de la période qui débute en 1945, avec le déplacement de la scène artistique de Paris vers New York, et va jusqu’à nos jours... Thérèse Kabsa a choisi les années soixante comme point de départ de son intervention, car « ce n’est qu’à partir de 1960 que la société en France a commencé à réagir à l’art contemporain », souligne-t-elle. « En 1972, une exposition collective au Grand Palais, à Paris, intitulée “Douze ans d’art contemporain” souleva un tollé général à cause d’un flacon d’urine, daté de 1962, portant la signature d’un certain Ben (justement un disciple de Duchamp) qui figurait parmi les œuvres exposées. C’est à partir de là, et à cause de ce scandale, qu’on comprit que l’artiste pouvait agir sur le public. » « Autre exemple de l’impact artistique sur le public, celui expérimenté en 1968 par Gérard Fromanger et Jean-Luc Godard, qui accrochèrent devant l’église d’Alésia (dans le XIVe arrondissement de Paris) d’énormes bulles en plexiglas rouge qui renvoyaient aux passants une image déformante. Les gens passaient, se regardaient et s’agglutinaient là. La période étant tendue, la police a réagi violemment en détruisant cette installation et en arrêtant les deux artistes. » « Alors que l’art classique ne cherche qu’à offrir de la beauté, l’art contemporain s’attaque aux instincts primaires des gens, signale la conférencière. Il veut dénoncer le terrorisme, la violence, la vente d’organes, les abus de toutes sortes... » Jusqu’à la cruauté de l’homme que Gina Pane, artiste de body art (art corporel), va démontrer, en se suspendant à une fenêtre du deuxième étage deux heures durant jusqu’à ce que la foule de spectateurs commence à crier : « Mais jetez-vous donc ! » Une performance qui révèle les plus vils instincts de l’homme ! Dans ce même esprit – le masochisme en moins ! – l’artiste plasticien Ernest Pignon-Ernest a signé, en 1970, un collage à l’échelle urbaine intitulé Les Gisants, destiné à dénoncer la violence institutionnalisée. Il s’agissait de sérigraphies de silhouettes humaines en noir et blanc et grandeur nature, collées sur les marches du métro Charogne, à l’endroit même où, en 1962, des manifestants communistes pour la paix en Algérie avaient trouvé la mort dans une confrontation avec la police. Des pratiques diverses qui vont modifier durablement la signification et la perception de l’art. Désormais, la recherche formelle du beau est supplantée par le sens, le message, la signification de l’œuvre. Zéna ZALZAL

Souvent difficile à appréhender, ardu à déchiffrer, l’art contemporain est assimilé à un art provocateur et nébuleux qui s’adresse exclusivement aux intellectuels. « Comme on apprend le langage de l’ordinateur pour pouvoir le manipuler, pour comprendre l’art contemporain, il faut apprendre un nouveau langage », assure Thérèse Kabsa, artiste peintre et architecte...