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Actualités - OPINION

Développement durable et ressources hydrauliques La route menant à juin 1967 Par Georges J. NASR*

Le latin « rivalis », désignant les « riverains » qui se partageaient une « riparia », devint le mot « rival ». L’ironie de cette étymologie est illustrée par l’histoire récente de la « rivière » Jourdain, où la « rivalité » entre « riverains » culmina en une guerre dite des « Six-Jours », du 5 au 10 juin 1967. Cette rivalité avait commencé très tôt, bien avant l’éruption du conflit israélo-arabe. Dès 1919, grâce aux travaux de l’ingénieur Aaron Aaronson, les dirigeants sionistes étaient conscients de la portée que « l’indépendance hydraulique » aurait sur « le fondement économique » de l’État qu’ils projetaient de créer, et basaient leurs demandes territoriales sur des « impératifs hydrostratégiques », comprenant donc le Golan et le Sud-Liban « jusqu’au Litani ». Les travaux d’hydrologues arabes, tel le Libanais Ibrahim Abdel-Al, avaient aussi établi la portée stratégique des ressources hydrauliques. Mais les administrateurs israéliens avaient une bonne longueur d’avance, l’hydrologue Levi Eshkol ayant pu fonder une régie des eaux, Mekorot, en 1938, bien avant la création de l’État d’Israël. En 1944, cette régie, sous la direction de Simcha Blass, élabora même un plan intitulé « Les ressources hydrauliques de Palestine », dans lequel étaient proposés des « ajustements frontaliers » qui annexeraient à la Palestine mandataire le Hasbani et le Banias dans le Haut Jourdain. Pendant la guerre de 1948, les Israéliens ne parvinrent pas à garder le contrôle de ces objectifs hydrostratégiques, malgré une percée au Liban et le massacre de Hula. Mais leurs besoins continuaient à se faire plus pressants, avec plus d’un million de nouveaux arrivants qui s’installaient le long du littoral et dans le Néguev. Israël commença donc les travaux d’un « National Water Carrier », qui détournerait l’eau du Haut Jourdain. Les États arabes voisins tardèrent à s’opposer efficacement à ce détournement, et ne réussirent qu’à changer l’embouchure du canal. Le Liban vivait alors les séquelles de la crise de 1958, la Syrie traversait une longue période de coups d’État, la Jordanie, manquant d’infrastructure, peinait à accueillir la majeure partie des 900 000 réfugiés palestiniens et l’Égypte s’embourbait au Yémen, où elle avait déployé plus de 50 000 soldats alors que près de 40 % de sa population vivait encore d’aides alimentaires. En 1964, après que les Israéliens annoncèrent que leur canal était prêt, les Arabes se décidèrent finalement à agir en subventionnant la diversion du Haut Jourdain vers le Yarmouk. L’activité de la guérilla palestinienne prit aussi une nouvelle ampleur, Fateh lançant sa première action contre une station de pompage israélienne. Mais les services israéliens ne restaient pas indifférents, prédisant une « épreuve de force » dès 1967-68 pendant laquelle ils feraient « face à une nouvelle initiative arabe » se manifestant par « une tentative de détournement du Jourdain », et par « la fermeture du détroit de Tiran ». Alors qu’Israël se préparait à contrecarrer cette possibilité, Levi Eshkol devenait Premier ministre d’Israël, bien conscient des impératifs hydrostratégiques que représentait le Haut Jourdain qui couvrait déjà plus de 30 % des besoins en eau. Au début, les militaires israéliens commencèrent par entraver les travaux de déviation entrepris par les Syriens dans le Golan. Les escarmouches se succédèrent, culminant en une bataille de chars le 14 juillet 1966 et l’interruption des travaux syriens. Le 7 avril 1967, l’armée de l’air israélienne attaquait encore des positions syriennes, dans le but déclaré d’interdire toute reprise des travaux de diversion. C’est dans ce contexte très tendu que, le 14 mai 1967, les forces égyptiennes entrèrent au Sinaï. Le 23 mai, les forces déployées à Charm el-Cheikh bloquèrent le détroit de Tiran, interrompant ainsi les importations israéliennes de pétrole et de charbon. Comme ils l’avaient prévu, cette action poussa les Israéliens à activer leurs plans en ce fameux matin du 5 juin 1967. Leur méticuleuse préparation permit aux Israéliens de s’assurer le contrôle de ressources vitales. À la fin de la guerre, le ministre israélien de la Défense Moshe Dayan aurait déclaré qu’Israël avait pu atteindre des « frontières provisoires satisfaisantes, à l’exception de celles qu’il avait avec le Liban ». * Professeur de génie civil à l’Université libanaise, chercheur sur le développement durable.
Le latin « rivalis », désignant les « riverains » qui se partageaient une « riparia », devint le mot « rival ». L’ironie de cette étymologie est illustrée par l’histoire récente de la « rivière » Jourdain, où la « rivalité » entre « riverains » culmina en une guerre dite des « Six-Jours », du 5 au 10 juin 1967.
Cette rivalité avait commencé...