VIOLON D’INGRES Fouad Tabet (Mitsou) et ses toiles-évasion

Côté cour, il revêt les pierres des bâtiments de beaux atours et, côté jardin, il éclaire les toiles de taches de lumière. L’homme d’affaires Fouad Tabet, Mitsou pour les amis, qui se consacre dans sa vie professionnelle à « l’habillage » des demeures, a ouvert une petite brèche dans son quotidien stressant pour y laisser entrer les couleurs. Désormais, sa vie se partage entre sa carrière, sa grande famille et ses tubes de peinture qu’il étale avec générosité sur ses toiles lumineuses. C’est une opération chirurgicale subie au poumon qui pousse, en 1965, l’homme d’affaires et l’ancien représentant de l’UMP au Liban à taquiner le pinceau. Béchir Saadé, son chirurgien de l’époque, l’ayant conseillé d’entraîner son bras suite au sectionnement des muscles et des nerfs, Mitsou pense immédiatement aux peintres impressionnistes qui étaient contraints d’avoir le bras levé très longtemps pour aboutir à ces multitudes d’éclats de couleurs sur la toile. Une superbe boîte de tubes et de pinceaux offerte ce jour-là par un ami (c’est dire combien il s’en souvient) achèvera de donner le coup d’envoi à une seconde vie. Après une première reproduction d’une toile de Cézanne, l’artiste en herbe installe son atelier près de sa chambre. « Il me fallait faire une opération de charme à ma femme pour la convaincre du joyeux désordre qui allait prendre place à la maison », avoue-t-il en rigolant. Pourtant l’atelier, nimbé de lumière, affiche un fouillis ordonnancé. C’est donc pendant sa convalescence que Tabet réalise une toile qui sera primée au Salon d’automne, illustrant une vue de la localité de Broummana. Plus tard, les voyages et les diverses lectures compléteront son initiation à l’art. « Je suis un autodidacte, affirme-t-il modestement, et je ne pourrai jamais faire de portraits car cela nécessiterait un apprentissage des règles académiques rigoureuses. Par ailleurs, j’aime reproduire les paysages. Ils représentent à mes yeux ces myriades d’impressions que je projette sur les toiles. » Voyages... voyages Sur les surfaces d’un canevas lisse, Mitsou Tabet tisse ses émotions et recrée, par touches colorées, des atmosphères de joie ou de tristesse mais surtout, par des granulations et des reliefs, une dynamique qui traduit son caractère bouillonnant. « Quand je suis en voyage, dit-il, mon regard capte des images et, à l’aide de mon appareil photo, je les emmagasine pour les reproduire plus tard. » C’est probablement sa passion pour la photo qui a été à l’origine de la naissance de son talent. Photographe avisé et toujours alerte, il a su reconstituer au fil des années des albums de vie, car cet homme d’affaires, neuf fois grand-père, aime à s’entourer d’images de bonheur. En un camaïeu de verts et de bleus, éclairés par des déclinaisons de teintes dorées, il parvient aujourd’hui à illustrer tout aussi bien Notre-Dame de Paris qu’un jardin chinois, ou une île grecque et à leur donner vie. À travers ses toiles, l’œil voyage et l’esprit vagabonde. On tressaille à la vue de la ville de Dubrovnik en feu, comme on s’attendrit à la vue d’amoureux dans un paysage bucolique. L’espace vibre sous la caresse des pinceaux. « Je ne fais pas de mélanges avec les coloris. Je trouve qu’il y en a suffisamment qui traduisent ma sensibilité. » Regrette-il de n’avoir pas poursuivi des études académiques d’arts plastiques ? Oui, mais il a quand même réussi aujourd’hui à élargir les horizons de son talent. Travaillant toujours en musique et dans le souci du détail, Mitsou Tabet, perfectionniste, se réinvente au quotidien des plages de paix et de tranquillité, loin des soucis de sa profession. Colette KHALAF