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RÉFLEXION « King Crow and King Fish » : exposition de toiles de Rafic Majzoub et Semaan Khawam

Mardi 15 mai, 20h00. Même à la tombée de la nuit, le quartier de Saifi Village est un régal pour les yeux. Les vitrines sont belles, les objets qui y sont exposés forcent le regard par leur beauté ou leur originalité, indécente ou discrète. Les immeubles que je longe sont magnifiques, façades anciennes éclairées scientifiquement pour mettre en valeur leurs détails d’architecture. J’ai bien envie de ralentir le pas, mais je n’y arrive pas. Je suis pressée de rejoindre le lieu où Rafic Majzoub et son complice, Semaan Khawam, exposent leurs dernières toiles. J’y suis. Tout de suite, malgré l’afflux d’amis, d’amateurs ou de simples curieux, les toiles trouvent leur chemin vers mes yeux. « King Fish », l’expo de Semaan Khawam, vient au-devant de moi. Par ses couleurs, que contredit une marée de poissons morts, la toile parle un langage qui ne m’est pas étranger. Celui de la contradiction entre la vie et la mort, la peur et la victoire, le doute et les certitudes. Les poissons morts, queue et tête pendantes, encerclent les têtes humaines, bien vivantes, elles. Et voisinent avec les poissons rouges peints sur le mur nu ou sur de minuscules toiles et qui semblent frétiller dans leur aquarium de béton ou leur carré de toile écrue. « Pourquoi les poissons ? » je demande, un peu bêtement peut-être, à l’artiste. Les yeux de Semaan Khawam rient alors qu’il me raconte son histoire. Celle-ci donne la chair de poule, mais ses yeux à lui restent malicieux. Si je ne le voyais boiter légèrement, je serais tentée de croire qu’il se paie ma tête. En noir et blanc ou en couleur, entourée de poissons morts et vivants. « Je suis allé à la mer pour la première fois depuis treize ans, me dit-il, depuis ma dernière opération au pied. Je n’avais jamais osé. Il m’a fallu toutes ces années pour me décider. Eh bien, j’ai failli me noyer. La mer voulait m’absorber. Je me noyais et je voyais la mer pleine de poissons morts, dont j’allais faire partie. » Okay. Rideau. Ses yeux rient, mais son histoire est vraie. Ses toiles aussi. Je continue ma visite. Dix-neuf pièces signées Semaan me parlent de poissons, de mer et de couleurs, et je finis par me croire à la criée. Ses portraits d’hommes sont bien vivants, eux. Je me prends les pieds dans quelque chose, une cage d’oiseau vide reliée à une laisse, que l’artiste tire derrière lui d’un geste gamin : « My pet », me dit-il. Heureusement, il me reste le sens de l’humour, même noir. Le mur suivant, changement de décor. Le sujet est pourtant le même, souffrance et mort, mais le style est autre. Rafic Majzoub expose « King Crow ». En noir et blanc, noir sur blanc, les vautours de Rafic sont morts. Le vautour n’est pourtant pas un oiseau aimable par excellence, mais ceux-là sont tellement morts que je me sens d’un seul coup désolée pour eux. Right Hand est le nom de trois toiles. « Pourquoi, Right Hand », je demande à l’artiste. « Un incendie chez moi, répond Rafic Majzoub. J’ai essayé d’éteindre, mais ma main droite a été sérieusement brûlée. » « Wow », je me dis. À lui, je demande : « Elle fonctionne de nouveau ? » « Qui ça », me dit-il ? « La main droite », je réponds. « Oui », sourit-il. Dans le sourire, un monde de tristesse. Les toiles suivantes ne la démentent pas. First Face After the Fire, toile n° 6, ressemble à de la cire qui fond à la chaleur et le visage, décomposé, crie le deuil et la souffrance. Sur la suivante, les larmes, noires, tracent un sillon de suie. Le feu, chez Rafic Majzoub, laisse des cendres. Welcome Back, my Black Bird. Le vautour, bien vivant cette fois, l’œil rapace, est perché sur une tête d’homme ravagé. Si vivant, le vautour, si vautour, qu’il m’en devient sympathique. Enfin la vie, le désir, l’attente, l’appétit. Le vautour attend que l’homme devienne charogne, et son œil, charbonneux pourtant, semble briller de joie. Neuf toiles signées Rafic Mazjoub, opposant l’homme et le vautour, et qui me parlent de la lutte éternelle entre le bien et le mal. À eux deux, les artistes font un constat des lieux implacable et qui ne peut laisser indifférent. Allez les voir. Joëlle Giappési
Mardi 15 mai, 20h00. Même à la tombée de la nuit, le quartier de Saifi Village est un régal pour les yeux. Les vitrines sont belles, les objets qui y sont exposés forcent le regard par leur beauté ou leur originalité, indécente ou discrète. Les immeubles que je longe sont magnifiques, façades anciennes éclairées scientifiquement pour mettre en valeur leurs détails...