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L’État de non-droit Pierre NAAYEM

Mon environnement : Mes montagnes dont les cimes disparaissent sous d’ignominieuses montagnes de bétons, leurs flancs parsemés de hideuses carrières. Pendant que le monde entier lutte contre la désertification et la sécheresse, mes forêts sont abattues à tour de bras. Mon littoral disparaît sous le béton, pourvu qu’on en tire quelques plus-values immobilières. Mon eau captée par des marchands, pour m’être revendue. Mon asphalte ne tenant que ce que dure le temps d’une rose, sans ses attributs. Des trous béants sur la chaussée, une chaussée qui se dérobe vers les abîmes, sans que nul responsable ne s’en offusque, ou mieux encore, sans que nul ne soit déféré devant la justice. Bref, une infrastructure urbaine et sociale anarchique qui préserve au fort ses intérêts, n’assure au faible que de malheurs et bloque au sous-sol l’ascenseur social. Vous voulez monter en étage ? Prenez donc l’ascenseur de service, celui dont les chaînes sont mues par l’asservissement et le clientélisme. Mon Parlement : Le législateur doit, avant toute chose, prendre conscience qu’il existe une hiérarchie des normes. La loi suprême, c’est la Constitution, de laquelle découlent des principes fondamentaux tels que : le droit et la protection de ma liberté d’expression, le droit à la sécurité, le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit et la protection de mes biens privés, de mes investissements et tout un faisceau de principes marquant l’empreinte de ce qu’est supposée être une démocratie. Toute loi que le législateur vote se doit de respecter la Constitution, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas contrarier les principes fondamentaux garantis par cette dernière. Quant aux décrets promulgués, ils doivent s’appuyer sur la loi et non la contrarier. Combien de mes députés connaissent-ils le principe précité de la hiérarchie des normes ? Allez donc compter le nombre de décrets et de lois qui violent de manière flagrante la Constitution, vous pourriez vous en servir pour tapisser tous les murs de la ville de Beyrouth. Because, depuis la fin de la guerre, le Parlement n’est plus qu’une arène dans laquelle se réunissent, pour la plus grande partie, des seigneurs de la guerre et d’autres qui, sous le prétexte d’avoir fait fortune en Afrique, en Arabie ou ici même, pensent avoir l’obligation de nous faire bénéficier de leur extraordinaire savoir-faire en matières d’État. Résultat, un Parlement, des administrations et des municipalités qui servent de bazars pour les personnages influents et qui s’autorisent, à coups de décrets, à brader les biens de la République et de ses citoyens. Si par malheur l’un d’entre nous se fait déposséder de ses droits, ils auront le culot de voiler ce viol en faisant croire à cette rue bien fataliste qu’il ne s’agit que de cas isolés ou d’utilité publique. Mais, telle la faucheuse, nul n’est à l’abri de cet État de non-droit. À chacun son tour, soyez tranquille, ce n’est qu’une question de temps. Mon opposition : Une opposition, à quoi sert-elle sinon à lutter pour améliorer mes conditions de vie, pour demander des comptes au législateur, pour demander à démettre et punir les hauts fonctionnaires violant ou détournant la loi, ou encore, si ce n’est trop demander, pour suggérer quelque programme économique qui puisse retenir mes fils dans leur patrie. En guise de tout cela, ils me promettent de reconstruire la ville, si par malheur ils la détruisaient sur ma tête. « Beyrouth fut détruit sept fois, qu’à cela ne tienne si c’est une énième fois. » Dans la même veine, ils jurent que ma liberté et ma dignité se résument au droit au nucléaire iranien et à la libération de Jérusalem. Ensemble, ils veulent sauver mon honneur en s’assurant que les magistrats siégeant au tribunal international soient en majorité des Libanais, pour qu’ainsi court le furet et que la boucherie continue. Ma bourgeoise : Ailleurs régulatrice, vecteur de progrès, garde-fou contre les abus, ici elle s’extasie de trouver dans cette désorganisation bien articulée un havre de plaisirs et de douceurs de vivre dans un laisser-faire généralisé. Laisser faire, mais laissez-nous faire dans notre cour intérieure. Mais voici que cette cour ne cesse de rétrécir, et c’est bientôt sur la Riviera française, ou sur les côtes de Floride qu’il vous faudra aller chercher cette soi-disant douceur de vivre. À quand un Canard enchaîné, ou plutôt, au point où nous en sommes, un Canard déchaîné et des Ralph Nader à la puissance dix ? En Afrique, les contours de lendemains prometteurs se mettent progressivement en place. Au Liban, bien avant et par-delà les 8, 11 et 14 Mars, c’est la marche régressive à pas cadensés vers la république d’Amin Dada. Attachez donc vos ceintures, nous sommes assurés d’une descente aux enfers parsemée de roses, garnie aux couleurs du drapeau national, avec feux d’artifice bien festifs. Article paru le Mercredi 09 Mai 2007
Mon environnement :
Mes montagnes dont les cimes disparaissent sous d’ignominieuses montagnes de bétons, leurs flancs parsemés de hideuses carrières. Pendant que le monde entier lutte contre la désertification et la sécheresse, mes forêts sont abattues à tour de bras. Mon littoral disparaît sous le béton, pourvu qu’on en tire quelques plus-values immobilières. Mon eau...