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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE Le salaire de la peur des éboueurs de Bagdad

«Tous les jours, j’ai peur » : Saad Kamal Farhoud, 30 ans, chauffeur de bennes à ordures, risque quotidiennement sa vie pour débarrasser Bagdad de ses ordures contre un salaire de misère. Saad Kamal s’apprête à commencer sa tournée quotidienne sur la rive ouest du Tigre à Bagdad, où il brave engins artisanaux déposés sur la route et coups de feu. « Personne ne m’a appris à repérer les “roadside bombs”, mais je sais repérer les fils électriques qui les font sauter », confie-t-il en expliquant avoir déjà eu la chance d’échapper à une explosion. Saad Kamal s’est également fait tirer dessus à plusieurs reprises dans al-Allaoui, un quartier de Karkh. « J’y habitais avant. J’ai peur à chaque fois que j’y vais. Les gens sont bizarres. Certains sont venus me dire : “Ne viens plus chercher les poubelles”. Ils ne veulent pas que leur quartier soit propre. » Pourquoi ? « Des engins artisanaux sont souvent cachés sous des poubelles ou des détritus. Alors, les insurgés ne veulent pas qu’on nettoie et ils tirent sur nos ouvriers », explique Mohammad Nouri, 43 ans, chef du service municipal de ramassage des ordures à Karkh. Une autre explication est souvent avancée par nombre d’éboueurs, mais sous le couvert de l’anonymat : « Beaucoup d’entre nous sont des chiites et les quartiers que nous traversons sont habités par des sunnites. » Les services des éboueurs ne s’aventurent pas dans certains secteurs dangereux, explique Mohammad. Dans certaines zones « chaudes » de al-Jamiaa, Ameriyah, Gazaliyah ou al-Hadel, les habitants payent eux-mêmes des gens pour ramasser leurs ordures et s’en débarrasser. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des décharges sauvages dans des terrains vagues ou encore des habitants brûler des tas d’ordures en pleine ville. Certains camions sont escortés par des hommes armés de kalachnikovs et le siège du service est protégé par plusieurs policiers armés. « Cinq de nos ouvriers sont morts, affirme Talal Karim, responsable du matériel du service qui compte environ 400 personnes. Récemment, un ouvrier est mort tué par un obus de mortier alors qu’il travaillait. » « Malgré tout, nous sommes le seul service qui n’a jamais cessé de fonctionner depuis la chute de Bagdad (en 2003) jusqu’à aujourd’hui », affirme fièrement M. Nouri. Les salaires sont pourtant très bas. Saad Kamal, marié et père de deux enfants, gagne 168 000 dinars (130 dollars) par mois pour 6 jours de travail par semaine, de 07h00 à 14h00. « Cela ne suffit pas pour vivre. Parfois, pour venir (du domicile), je dois payer 4 000 dinars (3 dollars). Vous voyez ce qui reste », affirme-t-il en expliquant qu’il habite à Chola, au nord de la capitale. Les conditions de travail sont difficiles. Il n’y a pas de douches et le matériel est désuet. « Environ la moitié du matériel a été pillé lors de la chute de Bagdad. C’est difficile. Nos camions sont vieux et il n’y en a pas assez », explique Talal Karim. « Mais ces derniers temps avec le plan de sécurité (de Bagdad, lancé en février), il faut avouer que cela va beaucoup mieux », raconte Saad Kamal. Et, il « espère que cela va continuer ». Patrick FORT (AFP)
«Tous les jours, j’ai peur » : Saad Kamal Farhoud, 30 ans, chauffeur de bennes à ordures, risque quotidiennement sa vie pour débarrasser Bagdad de ses ordures contre un salaire de misère.
Saad Kamal s’apprête à commencer sa tournée quotidienne sur la rive ouest du Tigre à Bagdad, où il brave engins artisanaux déposés sur la route et coups de feu. « Personne ne m’a...