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HAUTE COUTURE La collection «bulles» de Rabih Keyrouz

Keyrouz est définitivement le plus «beyrouthin» des couturiers libanais. Sous cette identité se cache un créateur totalement immergé dans le contexte géographique et social de Beyrouth. Cette ville qui se développe par à-coups frénétiques, tantôt dans la grandeur, fastueuse et festive, et tantôt dans la décadence, nostalgique et débridée, apporte à Rabih Keyrouz une source inépuisable d’inspirations paradoxales. Des créations qui sortent de ses ateliers, le couturier est le premier à signaler: «Ceci n’est pas une robe.» Pas une robe. Rien que l’expression exaltée d’un amour inconditionnel de la vie. Si Keyrouz a fait ses premières armes dans les ateliers de Chanel et de Dior, s’il y a appris les arcanes de la création et les préceptes de la haute couture, dans sa propre maison, le luxe a pris une autre forme. Quelque chose d’immatériel est venu se faufiler dans les soies et les failles. Quelque chose qui arrache un sourire et donne l’impression magique d’être en totale harmonie avec soi-même. Plutôt que d’adhérer à la peau, les robes de Keyrouz se jettent négligemment sur l’âme. La collection printemps a failli rater son rendez-vous cette année. C’était une année «sans». Le cœur n’y était pas. Mais les couturières ont prié les muses, et le patron a cédé. En déployant ce tissu à fleurs autour d’un mannequin d’atelier, il a compris que cette saison serait différente. Le nouveau cru serait aérien, mousseux, à la fois inspiré du champagne et de la Chantilly, ou bulle, cocon, bourgeon, promesse de tendresse et projet d’évasion. Ce ne sera pas «le printemps», mais «en attendant le printemps». «En attendant le printemps», donc, les couleurs de la nouvelle collection explosent. Aucune concession au baise-beige, au consensuel, au commercial. Belles-mères et belles-filles n’auront qu’à s’entendre. Les noms des robes sont inspirés du sabir trilingue, ce fameux parler beyrouthin, et parfois du répertoire désopilant des mélos égyptiens. «Me, moi, ana»; «Ya zalemni»; «C’est trop tard»; «The day after»; un champ lexical labouré avec humour pour célébrer les amours naissantes et leurs infinies promesses. Vestes en faille de soie berlingot, moulées sur des jupes en tulle de soie brodée de pétales d’organza, d’autres en ottoman de soie vert gazon moulées sur de la guipure blanche, robes tulipe en charmeuse de soie fuchsia, pliées et retenues aux épaules ou sous la poitrine, joyeux délire où le cintré n’est que le complice du bouffant, comme la corolle est complice des pétales, où les jupons semblent gonflés à l’hélium, espiègles, farceurs, prêts à l’envol. Çà et là, les robes sont animées de bulles de verre qui contribuent à leur aspect bouillonnant. Coup de dé, mais coup de maître, cette collection montre Keyrouz tel qu’en lui-même, un couturier qui affecte la dérision et la légèreté, mais un amoureux de l’éternel féminin qu’il habille comme on célèbre un culte. Magistral.
Keyrouz est définitivement le plus «beyrouthin» des couturiers libanais. Sous cette identité se cache un créateur totalement immergé dans le contexte géographique et social de Beyrouth. Cette ville qui se développe par à-coups frénétiques, tantôt dans la grandeur, fastueuse et festive, et tantôt dans la décadence, nostalgique et débridée, apporte à Rabih Keyrouz une...