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Actualités - OPINION

Désastreux débats

Qui eût dit que des discussions portant sur « quorum » et « majorité » – en principe de caractère académique – pourraient déboucher sur des propos comminatoires de sayyed Hassan Nasrallah dans son discours de dimanche dernier : « Je donne un délai de deux ans (aux Libanais) pour remettre sur pied l’État devenu inexistant ; après quoi, on verra »… Or nous, sans nous laisser impressionner, nous restons attachés aux textes qui nous gouvernent, notamment ceux concernant la prochaine élection du président de la République. Relisons d’abord l’article 34 de la Constitution qui dit : « La Chambre ne peut valablement se constituer que par la présence de la majorité de ses membres. Les décisions sont prises à la majorité des voix. » Donc, pour le fonctionnement courant de la Chambre, il suffit du quorum (ou présence) de la moitié plus un des membres pour que la réunion soit valable, et alors les décisions sont exécutoires lorsqu’elles sont votées par la moitié plus une des voix. Quant à l’élection présidentielle, selon l’article 49, « le président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers de la Chambre des députés. Aux tours de vote suivants, la majorité absolue suffit ». Par conséquent : – La Chambre se réunit valablement avec la majorité de ses membres (article 34). – Si, au premier tour de scrutin, un candidat obtient les deux tiers de la Chambre, il est élu président de la République. – Sinon, aux tours suivants, le candidat qui a obtenu la majorité absolue des votes est élu président. Comment peut-on, en s’escrimant au maximum, découvrir matière à discussion en tout cela ? Les contestataires ont voulu trouver un soi-disant précédent dans l’élection du regretté Bachir. Or il n’est pas possible de se référer à une telle élection – absolument exceptionnelle – pour en tirer « un précédent » : en effet, nous étions en pleine guerre, l’armée israélienne occupait le pays, le président de la Chambre, Kamel el-Assaad, devait se battre sur plusieurs fronts et se défendre contre l’accusation de « collabo » ; il a voulu se couvrir lui-même vis-à-vis de la classe politique en assurant d’abord le recrutement des deux tiers des députés. Le ministre Charles Rizk a déjà réfuté implicitement la prétention de ce « précédent » par référence au texte clair de la loi. Il a, de plus, rappelé le cas indiscutable des élections de 1970, où le président de la République a été élu à la majorité d’une seule voix après un premier tour sans résultat. Peut-on, après cela, prolonger une polémique oiseuse, faisant perdre un temps précieux ? Passons au cas de la prétendue illégitimité, ou illégalité, du gouvernement. Les deux premiers dignitaires de la République, Lahoud et Berry, se sont entendus pour formuler cette prétention et en tirer prétexte pour bloquer les rouages normaux de l’État. Sur quoi se basent-ils ? Sur le paragraphe « j » du préambule de la Constitution qui dit : « Aucune légitimité n’est reconnue à un quelconque pouvoir qui est en contradiction avec le pacte de vie commune » (ou pacte d’entente nationale). Ce texte, visiblement, veut sanctionner un « pouvoir » qui pratiquerait une exclusion, « un ostracisme », envers l’une des 18 communautés du Liban. Mais que peut-on, partant de là, reprocher au gouvernement Siniora pour le déclarer illégitime ? Et, par-dessus tout, quelle est l’instance juridictionnelle qu’il faudrait saisir d’un litige aussi grave pour décider en dernier ressort qu’un gouvernement est devenu illégal, d’une illégalité emportant la nullité de ses actes ? Tout d’abord, les faits (Lénine disait : « Les faits sont têtus ») montrent qu’aucune exclusion n’a été pratiquée par le gouvernement Siniora à l’encontre de la communauté chiite. Ensuite, les ministres chiites n’ont pas été révoqués, bien au contraire, ils ont eux-mêmes claqué la porte du cabinet, sans mot dire, même de regret. Par contre, durant des mois, le chef du gouvernement n’a pas cessé de les inviter à regagner leur siège. Comment cette crise, provoquée par les chiites eux-mêmes, peut-elle entacher la légitimité du gouvernement et plonger tout le pays dans une situation tragique ? Mais il y a surtout la question fondamentale de la compétence : en vertu de quelle loi monsieur Lahoud ou monsieur Berry s’arrogent-ils le pouvoir arbitraire de prononcer une sentence frappant d’illégalité tout un gouvernement ? Ont-ils réfléchi eux, les premiers dignitaires du pays, à l’extrême gravité d’une telle usurpation ? On pourrait comprendre que dans la situation présente, le gouvernement ne mobilise pas les instances compétentes pour la réprimer. Mais le moindre acte qui s’impose, c’est d’interpeller ces dignitaires, les sommant de cesser leur proclamation mensongère et d’exécuter les actes que la loi les oblige d’accomplir. Il est impensable que tout l’État soit bloqué parce que M. Berry « estime » (« arbitratus est ») que le gouvernement est illégal. Albert SARA Avocat
Qui eût dit que des discussions portant sur « quorum » et « majorité » – en principe de caractère académique – pourraient déboucher sur des propos comminatoires de sayyed Hassan Nasrallah dans son discours de dimanche dernier : « Je donne un délai de deux ans (aux Libanais) pour remettre sur pied l’État devenu inexistant ; après quoi, on verra »…
Or nous, sans...