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La perfection

Je pense à divers moyens de commencer ce que j’ai à dire. Je déchire feuille après feuille. Je me dirige vers mon ordinateur comme il est plus facile de taper que d’écrire. Rien ne me plaît. Je veux faire « bien » au point de ne rien faire du tout. Et encore, faire « rien », c’est-à-dire le néant, le vide, c’est encore bien. Mais ne rien faire du tout m’inquiète. Je veux mon article parfait, et comparé à l’idéal que je me pose, rien ne me semble à la hauteur. Cela m’amène au thème que j’ai choisi de traiter. Notre obsession. La perfection. La perfection est une plénitude d’être, une pleine satisfaction, un état de non-manque où pas de possible incertain, ou de potentialité non réalisée. L’homme tend instinctivement vers cet ultime idéal, qui est d’ailleurs le moteur de l’évolution puisqu’il permet à l’individu de progresser sans cesse afin d’atteindre un but en perpétuel mouvement, une barre qui ne fait que hausser. Hegel dit qu’en poursuivant leur propre intérêt, les hommes font l’Histoire et sont en même temps les outils et les moyens de quelque chose de plus élevé et de plus vaste qu’ils ignorent mais réalisent de façon inconsciente. Ce « quelque chose » n’est-il pas la perfection ? Et si, pour l’humanité, être vouée à atteindre sa perfection ne signifiait pas qu’elle soit imparfaite ou du moins perfectible ? Imaginons ensemble le monde parfait : des réponses à toutes nos questions, une égalité entre les hommes, une harmonie de formes et de couleurs, une parfaite distribution des ressources... Nous rêvons tous d’un monde meilleur, d’une solution à nos problèmes, d’une réponse à nos questions transcendantales incessantes, d’une explication à ces sujets obscurs. On raconte l’histoire de cet homme qui passa sa vie à la recherche de réponses. Au moment où il les trouva, toutes les questions avaient changé. Un monde parfait ne rendrait pas les gens plus heureux. Face à la perfection, ils n’auraient plus rien à faire, ils n’auraient plus à travailler, et mourraient d’ennui. Ce serait comme offrir à un enfant tous les jouets du monde à la fois, et le priver du bonheur d’en laisser un, pour en trouver un autre. La perfection, pour nous, devrait se limiter à la beauté du coucher du soleil, au sourire sincère d’un père, à la promesse d’un ami, aux bras ouverts d’une maman. La perfection peut même être la somme des imperfections de la personne qu’on aime. C’est aussi retrouver ses amis d’enfance et remarquer que certaines choses ne changent jamais. C’est regarder la personne qui nous impressionne, cet être mystérieux qui nous donne la force de nous réveiller à 6h du matin pour aller en cours, et s’apercevoir que cette personne-là nous regarde aussi. Peut-être qu’elle regarde la fenêtre derrière nous ; peut-être qu’elle pense à quelque chose d’autre et qu’il se trouve qu’on fait inévitablement partie de son champ de vision ; peut-être aussi qu’elle n’a même pas remarqué notre présence (et c’est probablement ça). Mais il nous semble qu’elle nous regarde. Cela nous rend heureux. Et c’est parfait. La perfection c’est quand on se sent très seul un samedi soir, alors que tout le monde est sorti, quand on croit qu’on va passer une soirée de plus devant la télé, et que soudain, quelqu’un qu’on aime bien (peut-être plus, peut-être moins) nous appelle. On sort, on se raconte tout et n’importe quoi (plutôt n’importe quoi), autour d’un verre, ou pas, et ça vaut bien plus, beaucoup plus, que les soirées les plus folles qu’on aurait pu passer. On écoute ensuite des chansons pathétiques dans l’intimité de la nuit. Et c’est tout simplement parfait. La perfection, c’est mon quartier saoul et désordonné, c’est mon voisin impoli mais toujours très serviable, c’est ma rue maladroite qui paraît bien plus belle que celle aux dimensions exactes de Saint-Pétersbourg, trop vide, trop triste… trop parfaite. La perfection est donc partout. De la douceur d’un chocolat qui fond dans notre bouche un jour d’hiver, à l’assurance que l’on éprouve dans notre plus ancien jeans, usé par les bancs trop sales de la fac, par les années, ce jeans qui n’a même plus la même couleur qu’il avait, mais qu’on aime parce qu’il nous ressemble, qui est devenu « nous » et qu’on finit toujours par enfiler, après avoir une fois de plus essayé nos habits neufs . La perfection… il suffit de simplifier les choses, de bien regarder pour la trouver. Elle est relative, subjective, et dépend de nos envies, nos attentes et nos espoirs. Elle est là quand on ne demande pas trop mais assez pour grandir. N’essayons pas de parcourir tous les chemins, choisissons le nôtre. D’ailleurs, il ne nous est même pas donné de choisir car, comme l’a dit Salvador Dali, « ne craignez pas la perfection, vous n’y arriverez jamais ». Karen AYAT 3e année de droit-USJ
Je pense à divers moyens de commencer ce que j’ai à dire. Je déchire feuille après feuille. Je me dirige vers mon ordinateur comme il est plus facile de taper que d’écrire. Rien ne me plaît. Je veux faire « bien » au point de ne rien faire du tout. Et encore, faire « rien », c’est-à-dire le néant, le vide, c’est encore bien. Mais ne rien faire du tout m’inquiète....