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Actualités - OPINION

La neutralité du Liban face à la guerre des axes

La géographie du Liban plaide pour la spécificité des groupes culturels qui composent sa société plurielle. Ces communautés religieuses sont représentées au sein d’un État dans lequel le pouvoir est centralisé. Deux phénomènes apparents marquent ce système. Le pouvoir centralisé ne garantissant ni la continuité ni le bien-être des communautés, celles-ci s’allient entre elles pour asseoir leur autorité. Cette tendance aboutit dans les faits à isoler une ou plusieurs communautés, qui développeront une autodéfense instinctive, face au risque de danger hégémonique. En l’absence d’un régime garantissant leurs droits, les communautés sont en quête perpétuelle d’un protecteur, d’un «godfather» régional ou international, sorte de bouée de sauvetage, soit pour étendre leurs influences et dominer les autres, soit pour survivre face à l’hégémonie. Le protecteur investit en offrant son aide financière, son idéologie. Il fera de la communauté protégée un vassal, car, « celui qui donne ordonne ». Dans des pourparlers futurs, il utilisera toujours cette carte comme arme de pression. Les deux pôles rivaux (8 et 14 Mars) veulent réduire la crise libanaise à des problèmes superficiels, voire personnels. La vraie polémique n’est que structurelle, due à un régime sclérosé et à un pacte social hypocrite favorisant les luttes internes et donc les alliances stratégiques avec le protecteur. Ce qui fait du Liban une terre fertile pour toutes les guerres par intérim. Ce qui fait aussi des Libanais la poudre de la « guerre des autres ». Selon le rapport des forces, l’État multinational qu’est le Liban, adoptant un régime unitaire, passe fatalement et cycliquement de la dictature à l’anarchie. La dictature d’une communauté s’impose suite aux concessions réciproques des puissances. La communauté triomphante impose sa vision sur la société plurielle, son identité. Lorsque la guerre des axes se prépare, suite aux changements dans les conjonctures, un équilibre de la terreur des puissances s’instaure. Toute communauté religieuse au Liban s’identifie à son protecteur. Reliée à lui par des alliances quasi œdipiennes, elle se sent obligée de guerroyer à sa place. C’est la période de l’anarchie, du gel car les institutions sont dès lors bloquées, incapables de régler un différend qui opposerait les Libanais entre eux. Cette période durera jusqu’au triomphe d’une communauté, qui instaurera sa dictature (laquelle va préparer l’anarchie). La chute des sunnites radicaux (les talibans) en Afghanistan, la fin de la dictature du sunnite irakien Saddam Hussein, marquée par l’effondrement du régime baassiste, la guerre des mosquées irakiennes annonciatrice d’un conflit sunnito-chiite qui risquerait de s’éterniser témoignent d’une nette ébullition régionale. La Palestine sombre dans l’anarchie, notamment à cause de ses guerres fratricides, tandis que la Syrie refuse de coopérer au sujet de l’Irak et de la Palestine, mais aussi et surtout au sujet du Liban. Damas semble résister tant bien que mal aux pressions – si pressions il y a – et ne compte faire aucun compromis au sujet du tribunal international. L’Iran poursuit sa production d’uranium enrichi, semblant ne s’inquiéter pas outre mesure de possibles sanctions. Avec ses propos hégémoniques, Mahmoud Ahmedinejad veut s’ériger en porte-parole de la région. Pourtant, la diplomatie américaine paraît animée d’une volonté ferme de « pacifier » ce Moyen-Orient, source de tous les maux, et laisse entendre qu’il ne saurait être question de négocier avec des terroristes. Encore faudrait-il définir le terroriste… Cette bipolarisation à l’américaine qui impose une vision politiquement manichéenne se heurte à l’attitude de Vladimir Poutine, qui compare les États-Unis à un «loup qui n’a aucune intention d’écouter». Dénonçant la dictature dans les affaires internationales et prônant un monde multipolaire, le président russe ne cherche-t-il pas à remplacer Bush, dans la région du moins ? Pendant que les médiations, les surenchères et les bons offices de Moubarak font long feu, l’Arabie saoudite conjugue dorénavant Taëf 1 et Taëf 2, pour régler le conflit libanais et dicter des solutions. Face à ces donnes, les communautés religieuses libanaises, comme par instinct, s’engagent encore et encore dans leurs alliances régionales et la guerre des axes. Oublient que le grand protecteur est capable d’accepter tous les compromis, en l’immolant s’il le faut sur l’autel de ses intérêts propres. Dans le même temps qu’ils recourent à un lexique de plus en plus uniforme qui ne veut plus rien dire, répétant à longueur de journée qu’ «il faut neutraliser le petit Liban face à la guerre des axes», les ténors de la République continuent de s’accrocher à l’idée d’un État jacobin qui instaurerait la raison et la loi du plus fort – un système qui dresse les Libanais les uns contre les autres et donne des motivations aux grands frères pour truquer les jeux. Il nous faut impérativement nous défaire du sentiment de peur. La décentralisation politique permettrait aux groupes culturels de se sentir à l’aise. Elle aurait à tout le moins le mérite de les débarrasser des lourdes chaînes du «godfather». Lequel se retrouverait alors seul dans sa guerre des axes. Nay GHANEM Étudiante en troisième année de droit (USJ)

La géographie du Liban plaide pour la spécificité des groupes culturels qui composent sa société plurielle. Ces communautés religieuses sont représentées au sein d’un État dans lequel le pouvoir est centralisé. Deux phénomènes apparents marquent ce système. Le pouvoir centralisé ne garantissant ni la continuité ni le bien-être des communautés, celles-ci s’allient...