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À Marwahine, Fatima sanglote : « L’or de toute la terre ne peut pas remplacer mes bien-aimés »

Fatima Ghannam a quatre-vingts ans. Elle est tout habillée de noir et se déplace lentement en s’appuyant sur une canne. C’est une femme souriante. Elle répond gentiment aux questions qu’on lui pose, ponctue ses phrases de « Dieu est bon » et « que Dieu nous vienne en aide ». Fatima est originaire de Marwahine, village sunnite de Bint Jbeil. Elle ne parle pas spontanément du massacre du 15 juillet, quand l’armée israélienne avait bombardé les habitants qui fuyaient le village faisant 23 morts, des femmes et des enfants pour la plupart. C’est quand on lui pose des questions relatives aux indemnités reçues qu’on apprend que sa fille, ses trois petits-enfants, dont l’une était enceinte, et ses cinq arrière-petits-enfants ont péri dans le raid de l’hélicoptère israélien, trois jours après le début de la guerre. « L’or de toute la terre ne peut pas les remplacer », dit-elle, tenant à montrer les portraits des bien-aimés qu’elle a perdus. Elle entre dans sa modeste maison et, de ses mains tremblantes, déplie un poster imprimé spécialement pour les funérailles collectives organisées au village au mois de septembre à la fin des hostilités, où figurent les neufs personnes qu’elle a perdues. « J’ai perdu ma famille, dites-moi comment j’arrive encore à tenir debout ? » sanglote-t-elle. Le jour du massacre, Fatima était au village voisin d’Oum el-Tout. Elle devait cueillir du tabac. Les troupes israéliennes avaient donné deux heures aux habitants de Marwahine pour quitter la localité. Des familles entières étaient montées dans une camionnette pour fuir, d’autres avaient suivi le véhicule à pied. Dans cette foule, il y avait Yasmine, la fille de Fatima, avec ses deux enfants. Il y avait aussi une troisième petite-fille de Fatima, Zahra, venue une semaine plus tôt de Saïda pour passer les vacances au village avec ses cinq enfants et son mari. Zahra était enceinte. « Les gens fuyaient, les Israéliens les ont bombardés, certains ont été brûlés d’autres tués sur-le-champ. Et puis avec une mitrailleuse à partir de leur hélicoptère, les Israéliens ont fusillé les survivants », dit-elle. En pleurant, Fatima compte et recompte les personnes qu’elle a perdues dans le massacre. Elle montre aussi deux portraits de jeunes hommes, en noir et blanc, accrochés au-dessus de son lit. Durant les années quatre-vingt, en pleine guerre, l’octogénaire avait perdu deux fils. Fatima n’a plus qu’un seul enfant. Il vit à Saïda avec sa famille. Il rend visite à sa mère une fois tous les deux mois. « Avant je passais mes journées avec ma fille, elle habitait à deux pas d’ici. Aujourd’hui, j’erre comme une âme en peine dans le village. Et à la nuit tombée, je me recroqueville sur moi-même sur le sol. Je suis désormais incapable de dormir dans mon lit », raconte-t-elle. « Je ne fais que penser à eux, Je passe mes journées à pleurer, j’ai perdu les miens. Et je sais que rien ne peut remplacer des êtres humains. On peut bien reconstruire les maisons ou mener d’autres guerres. Moi, je sais que je pleurerai mes morts jusqu’à la tombe. » Pat.K.
Fatima Ghannam a quatre-vingts ans. Elle est tout habillée de noir et se déplace lentement en s’appuyant sur une canne. C’est une femme souriante. Elle répond gentiment aux questions qu’on lui pose, ponctue ses phrases de « Dieu est bon » et « que Dieu nous vienne en aide ».
Fatima est originaire de Marwahine, village sunnite de Bint Jbeil. Elle ne parle pas spontanément du...