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CORRESPONDANCE - Les acteurs du « Procès de Hamlet » au théâtre du Centre Kennedy Un vrai juge de la Cour suprême américaine, de vrais avocats et de vrais psychiatres sur scène WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

Le verdict est ainsi tombé, émis par le très respectable juge de la Cour suprême américaine, Anthony M. Kennedy: «Vous ne nous avez pas laissé de choix à part celui de vous renvoyer aux pages de notre héritage littéraire.» Quant à l’accusé, il répondait au nom de Hamlet. Bel et bien Hamlet, le héros de la pièce shakespearienne… Le tout se déroulait sur la scène du théâtre du Centre Kennedy et le juge en question était tel qu’en lui-même à la ville et non pas campé par un acteur. On était bien dans une salle de spectacle qui affichait Le procès de Hamlet mais, au lieu de comprendre des acteurs, la distribution était confiée à de véritables professionnels du métier (des avocats et des psychiatres), qui ont eu à déterminer si le personnage légendaire était fou ou pas lorsqu’il avait tué Polonius. Cette expérience s’inscrit dans le cadre du Festival de Shakespeare, organisé à Washington et qui s’étale sur six mois. L’idée en revient au juge Anthony Kennedy (70 ans), qui a voulu, par le biais du système légal américain, approfondir cette tragédie shakespearienne, l’une des plus grandes œuvres de l’histoire de la littérature. Pour lui, c’était aussi l’occasion de s’arrêter sur un sujet judiciaire critique: la déficience mentale comme défense. Autour de lui, sur la scène du théâtre, qui ressemblait à la salle d’une cour de justice, où trônait un immense portrait de Shakespeare, se trouvaient quatre avocats de carrière (deux pour la défense, deux pour le plaignant), deux psychiatres, également de carrière, et un jury de douze personnes (trois élèves des classes terminales, trois étudiants universitaires, trois personnes choisies par le Centre Kennedy, trois personnes choisies par la Shakespeare Theater Company). Le seul véritable acteur était celui campant Hamlet qui, au nom de son droit de ne pas témoigner, est resté assis et silencieux durant les deux heures qu’a duré son procès. Une audience de 1500 personnes Le prince danois était-il sain d’esprit? Non, selon ses avocats, arguant notamment que le célèbre «to be or not to be» est le fait «d’un homme désorienté qui envisage le suicide». Réponse de la partie adverse: «Il s’agit-là d’une démarche du raisonnement et non de folie.» Réfutation de ses avocats: «C’est juste un garçon malade qui a besoin d’être aidé.» Côté psychiatres, les uns le trouvent complètement rationnel, les autres diagnostiquent ce que l’on appelle aujourd’hui un désordre maniaco-dépressif que l’on ignorait à l’époque de Shakespeare où tous genres de dérèglements mentaux étaient uniquement qualifiés de folie. Ce ne sont là que quelques exemples des analyses, déductions et extrapolations ayant constitué ce procès basé sur une œuvre littéraire, créée il y a 400 ans et traitée par une réelle cour de justice d’aujourd’hui qui, plus est, a tenu assise sur la scène d’un théâtre. On comprend que ce format ait fait salle comble, d’autant que les 1500 spectateurs qu’il avait attirés n’avaient aucune idée du mot de la fin. Et ce mot de la fin n’a pu ni accuser ni acquitter Hamlet: six membres du jury ont trouvé qu’il avait délibérément tué Polonius et les six autres ont attribué cet acte à son déséquilibre mental. Ce qui a mené le directeur de la Shakespeare Theater Company à faire appel. Lorsque le juge Kennedy a demandé si quelqu’un pensait que Shakespeare avait voulu qu’il y ait débat autour de la folie de son héros, l’un des fervents avocats de ce dernier a répondu: «Il s’agit-là de la souffrance de la condition humaine. Il ne voulait pas que l’on voit un homme fou. Il voulait que l’on se voit dans le miroir de la nature des choses.» À noter que c’est la quatrième fois que le juge Kennedy s’adonne à ce même exercice juridico-littéraire. L’issue a varié à chaque fois, Hamlet étant déclaré sain d’esprit récemment à Boston. Et, depuis 1974, la Cour suprême américaine participe à un simili-procès ayant pour objet une pièce de Shakespeare.
Le verdict est ainsi tombé, émis par le très respectable juge de la Cour suprême américaine, Anthony M. Kennedy: «Vous ne nous avez pas laissé de choix à part celui de vous renvoyer aux pages de notre héritage littéraire.» Quant à l’accusé, il répondait au nom de Hamlet. Bel et bien Hamlet, le héros de la pièce shakespearienne… Le tout se déroulait sur la scène du...